Intervention de Chanoor Cassam

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 20 octobre 2022 : 1ère réunion
Étude sur la gestion des déchets dans les outre-mer — Table ronde sur les aspects fiscaux de la gestion des déchets dans les outre-mer

Chanoor Cassam, directeur général des services du Syndicat intercommunal d'élimination et de valorisation des déchets de Mayotte (Sidevam 976) :

Pour la clarté de mon exposé, j'ai préparé quelques graphiques qui vous ont été distribués. Concernant les efforts budgétaires consentis par les collectivités, je me suis concentré sur les budgets des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), puisqu'elles détiennent à titre principal la compétence collecte et traitement de déchets. Dans le cas de Mayotte, c'est le Sidevam qui assure essentiellement la mission de collecte et traitement des déchets, à l'exception de la communauté d'agglomération Dembéni-Mamoudzou (Cadema) qui regroupe la commune de Mamoudzou, la principale ville de Mayotte, et la commune de Dembéni. La Cadema gère seule sa compétence collecte. Les intercommunalités fournissent des efforts plus ou moins élevés, avec une moyenne de 42 % de leurs budgets pour 2022. Une des intercommunalités consacre 63 % de son budget au Sidevam.

Les contributions directes des budgets des intercommunalités au Sidevam représentaient, jusqu'à cette année, le principal poste de financement du service public de gestion des déchets. Cette forte contribution, qui représente 60 % du budget du Sidevam, entraîne aussi une forme de dépendance de la trésorerie, puisque nous subissons les aléas de décaissement et d'encaissement par les intercommunalités membres. Les 40 % restants sont couverts par la TEOM qui est beaucoup plus intéressante en matière de trésorerie, puisque son versement est mensualisé. Les contributions des intercommunalités au service public des déchets ont atteint un niveau élevé. Les EPCI ne sont plus prêts à relever leur contribution, alors même qu'elles ont d'autres missions à financer.

La TEOM représente le deuxième levier de financement. En moyenne, les taux de la TEOM votés par les EPCI ayant choisi d'instaurer cette taxe croissent chaque année. Ils se situaient à 14 % en 2019 et 19 % en 2021. La communauté de communes de Petite-Terre est passée de 10 % en 2019 à 16 % pour cette année. Quant à la Cadema qui a instauré cette taxe depuis cette année seulement, elle a fait bondir le taux moyen au niveau du département, de telle sorte que les recettes de la TEOM devraient couvrir en 2022, pour la première fois, plus de la moitié du coût du service public des déchets. La TEOM s'appuie sur la taxe foncière. À Mayotte, où les valeurs locatives ont été excessivement élevées, la mise en place de la fiscalité s'est avérée un peu chaotique depuis 2014. Elles ont été corrigées partiellement via la loi « Égalité réelle » en 2017 avec un abattement de 60 % de la valeur locative. Cependant, la valeur locative reste élevée par rapport aux standards nationaux, alors que 77 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Les Mahorais sont en grande majorité propriétaires de leurs biens. Nous pouvons difficilement compter sur ce levier de financement pour augmenter encore les recettes.

La TGAP est payée par le Sidevam, seule compétente en matière de traitement de déchets. La tendance d'évolution des charges semble donc difficile à inverser. On observe une dégradation progressive des épargnes : épargne de gestion, épargne brute et épargne nette du Sidevam. Sur le scénario présenté, nous voyons que dès 2024-2025, nous basculerons sur des épargnes négatives. Une approche différente de la question semble donc nécessaire, en envisageant peut-être un levier de financement supplémentaire, un moyen beaucoup plus efficace pour orienter le comportement des producteurs de déchets et donc des consommateurs. Le Sidevam adopte, en collaboration avec la Cadema, son programme local de prévention des déchets ménagers assimilés et prévoit des études au niveau de la fiscalité incitative.

Néanmoins, nous n'avons pas beaucoup d'espoir, puisqu'à Mayotte, beaucoup de populations informelles ne contribuent pas aux finances locales. Par ailleurs, la taxe foncière s'appuie également sur le cadastre non actualisé. Une grande partie de la population productrice de déchets ne sera donc pas concernée par la fiscalité incitative. Nous réfléchissons donc à d'autres solutions, notamment des solutions de gratification du geste de tri avec le commerce de proximité. Pourquoi ne pas envisager une écotaxe qui permettrait un couplage entre la gestion déchets et l'activité de consommation ? Cette solution d'écotaxe permettrait de financer une partie de la gestion des déchets par le consommateur. Mais la question de la gouvernance se pose. Les décideurs locaux pourront-ils fixer le niveau de taxation des différents produits et de déchets concernés ?

Notre véritable problème réside dans les moyens de contraintes. Pourquoi ne pas envisager des pénalités vis-à-vis de ces éco-organismes qui ne se mobilisent pas suffisamment dans les territoires ultramarins ?

Le rapport de Jacques Vernier sur les filières REP, publié en 2018, documente longuement ces moyens de pénalités possibles vis-à-vis des éco-organismes. Si nous parvenons à structurer et mobiliser plus d'éco-organismes sur le territoire, les volumes enfouis et donc la charge de TGAP diminueront. Par ailleurs, nous souhaiterions que les objectifs de taux de collecte, de valorisation et de recyclage ne soient pas nationaux, mais territorialisés.

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