Intervention de Bernard Vera

Réunion du 21 décembre 2010 à 21h30
Loi de finances rectificative pour 2010 — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixte paritaire

Photo de Bernard VeraBernard Vera :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce collectif de fin d’année, quatrième loi de finances rectificative depuis le début 2010, comprenait soixante-quatorze articles avant son examen par le Sénat.

La commission mixte paritaire s’est saisie d’un ensemble de soixante-quinze articles restant en discussion, faisant largement passer la barre des cent articles au texte définitivement adopté.

Il suffit de vérifier l’article d’équilibre pour se rendre compte que les mouvements demeurent relativement faibles, quand on rapporte ce qui a été voté aux constats financiers bruts.

Les grandes lignes de ce collectif budgétaire n’ont donc pas varié.

Le déficit, grâce à quelques opérations devenues habituelles, a été réduit de 2, 3 milliards d’euros, passant sous la barre des 152 milliards d’euros qui avaient été arrêtés par la troisième loi de finances rectificative de l’année 2010.

Et les principaux engagements de dépenses couvrent, comme souvent, les lignes budgétaires sous-évaluées en loi de finances initiale, ainsi que notre participation aux politiques européennes dites de stabilisation de l’euro.

S’agissant de certains chapitres budgétaires, notamment dans les missions « Ville et logement » et « Solidarité, insertion et égalité des chances », la pratique de la sous-évaluation s’est poursuivie, corrigeant en apparence les déficits initiaux.

Ce n’est qu’au terme de l’exercice fiscal que l’on constate qu’il faut ajouter plusieurs centaines de millions d’euros sur ces chapitres, ce qui témoigne du fait que l’exclusion et la misère, dans notre pays, loin de se réduire, tendent à frapper durablement une partie de plus en plus importante de nos concitoyens.

Cette situation atteste des limites de la politique gouvernementale en matière sociale et du retard qui continue de s’accroître vis-à-vis des problèmes de logement.

Ce n’est d’ailleurs pas en pénalisant ceux qui agissent pour l’exercice du droit au logement, comme s’y prépare le projet de loi LOPPSI 2, que l’on va résoudre la question.

Ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on fait baisser la fièvre, et le rapport du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées est extrêmement clair sur ce point. La forte concentration des recours DALO en région Île-de-France montre que les tensions du marché locatif sont très identifiables selon les territoires et qu’il est crucial d’y mener une politique audacieuse et volontariste de construction de logements sociaux, mais aussi, sans doute, une politique de « socialisation » du logement privé, dès lors qu’il est avéré que celui-ci est destiné à la pure spéculation immobilière.

Pour aller plus loin dans cette analyse des dépenses, notons qu’il n’y a pas trace dans ce collectif de la moindre disposition en faveur des bénéficiaires des minima sociaux, ni des ménages les plus modestes.

Cette année, pas de « prime de Noël » pour les allocataires du RSA, pas de remise d’impôt sur le revenu pour les contribuables les plus modestes, pas de prime à la cuve, malgré un hiver déjà bien entamé. Et tant pis si l’escalade du prix du baril de pétrole met en question le pouvoir d’achat des ménages !

Permettez-moi une remarque sur la Grèce et le nouvel engagement de notre pays dans le plan de sauvetage des banquiers créanciers de la République hellénique, dont une bonne part d’établissements français, sans oublier nos compagnies d’assurance : à peine avons-nous été épargnés pour 565 millions d’euros de prélèvement destiné au budget communautaire que nous devons réengager 1 927 millions d’euros pour participer au plan européen concernant la Grèce !

Nous savons pertinemment que ce plan est assorti d’une politique d’austérité, sans équivalent pour le moment dans la zone euro, marquée notamment par la baisse de la rémunération des fonctionnaires, une ponction sur les pensions et une hausse de la TVA. Malgré tout, cette purge d’austérité n’empêchera pas la Grèce de connaître en 2011 une récession de quatre points de son PIB, ce qui ne la mettra pas en situation de faire face à ses engagements.

Il va bien falloir, notamment si 2011 est marquée par une extension de la crise obligataire à l’Irlande, au Portugal ou, a fortiori, à l’Espagne ou à l’Italie, que les créanciers mettent la main à la poche.

Il faudra bien que la Banque centrale européenne sorte de son autisme et déploie les outils du marché secondaire pour alléger les contraintes pesant sur chacune des économies de la zone euro attaquée par les spéculateurs financiers.

Il faudra bien que la BCE lance une grande opération d’émission de titres de dette, destinés à se substituer aux dettes souveraines des États les plus attaqués, sans exiger de ceux-ci autre chose qu’un peu plus de « vertu » fiscale, sans plan d’austérité contre-productif.

Je ferai également quelques observations rapides sur le contenu des articles du collectif. Nous avions cru comprendre, notamment lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, que les caisses de l’État étaient manifestement trop vides pour que nous puissions nous autoriser un nouvel élan de la dépense fiscale, et que les priorités affirmées étaient d’assurer un bon niveau de recettes fiscales, quitte à abandonner quelques-unes des mesures mises en œuvre dans le passé pour les réduire ou inciter les contribuables à faire tel ou tel choix.

Pourtant, ce collectif montre qu’il y avait encore place pour quelques mesures, comme l’allègement de l’impôt sur le revenu d’agriculteurs à activités accessoires, leur rapportant jusqu’à 50 000 euros par an, soit deux fois le revenu moyen des agriculteurs imposés au réel.

Il n’y a plus d’argent, mais on organise les donations-partages en pure optimisation fiscale, ou on aménage le statut des foncières, en adaptant le droit fiscal au tempo de réalisation de leurs montages et conditions d’opérations.

Les caisses sont vides, mais on ne renonce pas à favoriser la privatisation des activités de manutention portuaire en faisant bénéficier les entreprises reprenant ces activités d’une exonération temporaire de cotisation foncière.

À l’inverse, une taxe sur l’usage des sacs de caisse, qui va frapper les consommateurs au porte-monnaie, a été instaurée, ainsi qu’une taxe sur les habitations mobiles terrestres.

Notons cependant que la taxe sur les sacs de caisse, diffusés encore aujourd’hui à un milliard d’unités en France, ne sera applicable qu’en 2014, ce qui laisse le temps aux grands groupes de la distribution de se débarrasser de ce type de produit, quitte à persévérer dans l’usage intensif des emballages non recyclables…

Concernant la taxe « caravanes », notons que son recouvrement va être, au moins, aussi compliqué que celui de la défunte taxe d’habitation qu’auraient dû acquitter, depuis quatre ans, les gens du voyage. De surcroît, l’article 5 de la loi Besson prévoit déjà une participation des usagers à l’entretien des aires d’accueil aménagées. Cette taxe fait donc double emploi et n’apporte pas la moindre solution au problème que continue de poser le manque d’aires d’accueil.

Nous sommes donc devant un collectif qui, une fois encore, s’avère très compréhensif pour les hauts revenus et les entreprises, et inflexible pour les plus modestes.

C’est au fond rien de plus que la poursuite de ce que nous connaissons depuis trop longtemps et qui a conduit la France à l’accroissement de la dette publique par accumulation des déficits.

Dans ce contexte, le groupe CRC-SPG ne votera pas ce projet de loi de finances rectificative pour 2010.

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