Monsieur le ministre, la suppression de la CVAE pose a minima trois questions : une question d’opportunité, une question de justice et une question d’efficacité.
Premièrement, elle pose une question d’opportunité.
Est-ce le bon moment ? Peut-on se passer de 4 milliards d’euros dès 2023 et de 8 milliards d’euros dès 2024, alors que notre pays est confronté aux conséquences de la guerre en Ukraine, à l’explosion des prix de l’énergie et à l’inflation, qui pénalise non seulement nos concitoyens, mais aussi bon nombre d’entreprises ?
Est-ce le bon moment au regard des efforts considérables à accomplir dans le domaine de la transition écologique et alors que nous enregistrons l’échec de la COP27 ?
Est-ce le bon moment au regard de l’état de nos services publics ? La perte de recettes liée à une telle disparition de fiscalité représente, par exemple, quatre fois ce que demandent les hôpitaux publics.
Enfin, est-ce le bon moment au regard de l’état des finances publiques et alors que les taux d’intérêt augmentent ?
Deuxièmement, cette suppression pose une question de justice.
Avec la suppression de l’impôt sur la fortune, la flat tax, la réduction de l’impôt sur les sociétés et la suppression de la taxe d’habitation, vous avez déjà privé la Nation de près de 400 milliards d’euros de recettes.
Aujourd’hui, vous faites un cadeau fiscal supplémentaire aux grandes entreprises. Rappelons-le : les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) ne payent pas la CVAE jusqu’à 500 000 euros de chiffre d’affaires. Puis, elles ne se voient appliquer qu’un taux de 0, 25 % jusqu’à 3 millions d’euros.
En parallèle, vous transférez la charge du financement des collectivités aux ménages, qui payent la TVA de manière inversement proportionnelle à leur propre richesse.
Troisièmement, cette mesure pose une question d’efficacité.
En rompant le lien entre les entreprises et les collectivités territoriales, vous placez les élus, notamment les maires, face à des choix terribles. À l’heure où l’on met en œuvre le « zéro artificialisation nette » des sols, comment un maire pourra-t-il décider d’accueillir une entreprise ? Il n’obtiendra aucune compensation fiscale à ce titre. Dès lors, il préférera à coup sûr un projet de lotissement, pour lequel il touchera la taxe foncière.
Tout cela est bien dommage.