Intervention de Jean-René Cazeneuve

Commission mixte paritaire — Réunion du 6 décembre 2022 à 21h00
Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2023

Jean-René Cazeneuve, rapporteur pour l'Assemblée nationale :

Le travail accompli par le Sénat sur le PLF pour 2023 est considérable et je l'ai suivi avec beaucoup d'intérêt. Chez nous aussi, les débats ont eu lieu : intégralement en commission et pendant quelque quarante heures dans l'hémicycle, même si nous ne sommes pas allés au bout de la seconde partie.

Plus de deux cent trente articles restent en discussion et les crédits ont été modifiés par le Sénat à hauteur de presque 30 milliards d'euros. Ce constat quantitatif est le miroir de réelles différences politiques que nous ne surmonterons pas aujourd'hui.

Nous savons nous mettre d'accord, et c'est heureux, lors de projets de loi de finances rectificatives thématiques - comme sur le pouvoir d'achat - ou de fin de gestion, au service des Français. Le PLF est de nature différente : il constitue le bras armé de la politique de la nation à la disposition du Gouvernement. Nos majorités, au Sénat et à l'Assemblée, se respectent, peuvent trouver des accords sur certains sujets, et je souhaite que nous en trouvions encore dans les jours qui viennent. Mais elles sont différentes et le PLF est l'expression politique naturelle de cette différence.

Le Sénat a réalisé un travail important et fructueux sur certains sujets cruciaux.

Il a voté et amélioré les prélèvements sur les profits exceptionnels, tant la taxe à 33 % que la contribution sur la rente inframarginale. Aller capter les rentes indues, c'est ce que nous faisons dans ce texte, et le Sénat a apporté sa pierre à l'édifice.

Il a finalisé la réforme de la demi-part des veuves des anciens combattants, sur la base d'une version issue de l'Assemblée nationale.

Il a voté l'exonération du malus poids et du malus CO2 pour les véhicules des Sdis.

Il a créé des taxes locales nécessaires à la réalisation de grands projets d'investissement locaux, dont un, dans le Sud-Ouest, qui vous est cher, monsieur le président Raynal.

S'agissant des crédits, il a complété de façon substantielle le bouclier tarifaire et l'amortisseur électricité.

En revanche, certains votes du Sénat scellent un désaccord que nous ne surmonterons pas ce soir.

Le rejet de l'article supprimant la CVAE en deux ans pose à lui seul un problème difficilement surmontable. Nous tenons clairement à cette mesure : elle constitue un élément d'une politique globale favorable à l'investissement, à l'emploi, à l'activité ; cette politique de la demande porte ses fruits depuis cinq ans - même si le contexte a changé -, comme le montrent le taux de chômage et la résilience de notre économie, supérieure à celle que l'on observe chez nos voisins.

D'autres dispositions adoptées par le Sénat nous poussent à nous interroger, voire nous posent problème, comme la profonde réforme de la taxation des plus-values immobilières, entre baisse de la fiscalité et effets de bord qui demandent à être sérieusement expertisés ; l'allègement de la fiscalité du patrimoine au détour de la création d'un impôt sur la fortune improductive ; l'adoption d'un nombre considérable de niches fiscales nouvelles ou de dispositions renforçant celles qui existent.

Certes, le Sénat a voté des économies. Il a rejeté les crédits de quatre missions ; non seulement ce ne sont pas de vraies économies, mais ce choix met en péril l'équilibre du texte qu'il a adopté - il y manque 28 milliards d'euros ! Les sénateurs ont également coupé dans certains crédits destinés à l'aide médicale de l'État, à hauteur de 350 millions, au verdissement du parc automobile - 500 millions - ou encore à l'aide publique au développement - 200 millions. L'exercice est louable, et il a le mérite de la cohérence avec le souhait d'une trajectoire financière exigeante pour le pays. Mais, si nous devons effectivement faire des choix à l'avenir, ils doivent être précédés d'une réflexion approfondie. En l'espèce, les cibles choisies nous semblent discutables.

Vous l'avez compris, nous n'aboutirons pas à un accord, car les textes issus respectivement de l'Assemblée nationale et du Sénat sont trop éloignés. Du reste, il est légitime, s'agissant d'un PLF, que les majorités de chacune des deux chambres constatent leurs différences politiques.

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