Intervention de Jean-Jacques Mirassou

Réunion du 26 mai 2010 à 14h30
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Article 9, amendements 160 9

Photo de Jean-Jacques MirassouJean-Jacques Mirassou :

Cet article porte sur la gestion des risques en agriculture et sur les dispositifs susceptibles de répondre aux calamités agricoles.

J’interviens en lieu et place de Didier Guillaume, qui a dû s’absenter momentanément de l’hémicycle. On sait combien ce sujet lui tient à cœur, en raison notamment de la spécificité des productions de son département.

En effet, les agriculteurs de la Drôme savent de quoi ils parlent en matière d’événements climatiques exceptionnels, par exemple lorsque la grêle s’abat sur leurs vergers ou lorsqu’un gel de printemps détruit une saison entière de récoltes.

Il apparaît donc essentiel d’apporter une réponse législative à la gestion des risques en agriculture.

Nos agriculteurs sont souvent parmi les premiers touchés par les catastrophes, qu’elles soient climatiques, sanitaires, phytosanitaires ou environnementales. Lorsque l’on vit pareille mésaventure, on ne s’en relève pas rapidement, certains agriculteurs étant même parfois contraints de stopper définitivement leur activité. Nous avons d’ailleurs évoqué dans cette assemblée le fait que 40 000 agriculteurs touchent le revenu de solidarité active, le RSA. Ces épisodes climatiques nuisent à l’alimentation de tout un territoire et ont un effet dévastateur sur les revenus des exploitants.

C’est pourquoi nous devons nous mobiliser afin que les agriculteurs se remettent de ces accidents. Nous avons le devoir de les aider, d’autant que trop peu d’entre eux sont assurés aujourd’hui.

Didier Guillaume regrette que certaines de ses propositions n’aient pu trouver un écho favorable. C’est le cas notamment de deux amendements qui ont été « censurés », le président de la commission des finances les ayant déclarés irrecevables au motif qu’ils constituaient une « aggravation des charges publiques ».

Le premier exemple concerne l’amendement n°160, relatif à l’article 9 du projet de loi, dont l’unique objectif était de mettre fin à un dysfonctionnement du dispositif d’indemnisation des calamités agricoles.

Voilà plus d’un an, le 3 mars 2009, Didier Guillaume avait interpellé ici-même Michel Barnier, votre prédécesseur, monsieur le ministre, sur la situation d’arboriculteurs drômois ayant déposé des dossiers de demande d’indemnisation au titre des calamités agricoles suite au gel de 2008.

Certains d’entre eux avaient vu leur demande rejetée, compte tenu du fait qu’ils étaient indemnisés par une assurance privée souscrite afin de se prémunir du risque de perte d’exploitation consécutive à des événements climatiques. Or l’indemnisation de leur assurance était pour certains inférieure à ce qu’ils auraient reçu au titre des calamités agricoles s’ils n’avaient pas été assurés. Convenez, mes chers collègues, que ce paradoxe méritait d’être souligné.

Alors que nous encourageons collectivement le monde agricole à une généralisation de l’assurance récolte, il n’est pas normal qu’un agriculteur assuré soit finalement moins bien indemnisé qu’un agriculteur non assuré.

En réponse à ce problème, Michel Barnier avait à l’époque répondu favorablement à la requête de Didier Guillaume, en demandant à ses services de procéder à un réexamen des dossiers pour compenser le différentiel non perçu.

L’amendement rejeté visait donc simplement à s’assurer qu’en cas de calamités agricoles il y ait une égalité de traitement entre les exploitants assurés et les autres, afin de mettre fin à cette distorsion.

Monsieur le ministre, quand ces cas se reproduiront, faudra-t-il recourir à votre arbitrage ponctuel, comme nous l’avions fait avec votre prédécesseur ? Est-ce bien honnête de dire qu’une charge supplémentaire est créée alors que, de fait, le dispositif prévoit une indemnisation ? Est-ce bien un signe d’encouragement à l’assurance récolte lorsque, dans certains cas, le dispositif calamités agricoles est plus favorable aux agriculteurs non assurés ?

Le deuxième exemple concerne la généralisation de l’assurance récolte. Sur cette question également, l’amendement n° 398 a été déclaré irrecevable, en dépit du défi auquel nous devons faire face. Notre pays comporte en effet plus de 350 000 exploitations, et seuls 70 000 contrats d’assurance ont été conclus. Ce sont essentiellement les grandes cultures qui sont assurées. Les petits exploitants, comme les arboriculteurs ou les viticulteurs, sont peu protégés, en raison du coût de l’assurance.

C’est pour cette raison qu’il faut généraliser l’assurance récolte et la rendre obligatoire à l’ensemble des exploitants. Mais il ne faudrait pas que des prix exorbitants soient demandés par les assureurs aux petits exploitants, qui sont aussi davantage soumis aux aléas climatiques. Il apparaît donc indispensable d’organiser cette généralisation au niveau interprofessionnel et interrégional, pour que les arboriculteurs et les céréaliers soient placés sur un pied d’égalité, qu’ils travaillent en Midi-Pyrénées ou en Champagne-Ardenne, et qu’un véritable système solidaire soit instauré.

À l’avenir, il est vraiment souhaitable que les agriculteurs puissent souscrire des contrats d’assurance, mais à des tarifs raisonnables, bien entendu. Il est hors de question que des différences de prix excessives existent selon les filières.

Monsieur le ministre, au regard de l’enjeu, est-ce bien raisonnable de rejeter un amendement sous prétexte qu’il aggrave les charges publiques ? Il s’agit quand même de la survie des petits agriculteurs !

Au moment où vous dites vouloir encourager l’assurance récolte, si deux fois plus d’agriculteurs s’assuraient l’an prochain, chacun sur ces travées en serait satisfait…

L’assurance récolte est à mon sens essentielle pour protéger la profession. Le monde agricole ne peut pas se permettre de manquer cette mutation.

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