Je souhaite intervenir, à mon tour, sur cet article relatif à la gestion des risques en agriculture.
Je tiens à dire, tout d’abord, que je souscris totalement à l’intervention de Bruno Retailleau. Nous ne pouvons que compatir à la situation des exploitants agricoles de Vendée et de Charente-Maritime. Malheureusement, si cet article traite d’une question essentielle, le régime assurantiel des agriculteurs, il ne permet pas de résoudre en totalité le problème qui vient d’être soulevé.
Le monde agricole connaît deux difficultés majeures.
La première est la question des prix, à laquelle nous avons tenté de répondre en partie, dans ce texte, au travers de la contractualisation, de la réforme de l’interprofession, et de l’évolution des interprofessions comme des filières.
La deuxième difficulté majeure, qui perturbe l’activité agricole depuis des décennies, voire des siècles, est celle des aléas climatiques ou sanitaires, qui sont à l’origine de véritables sinistres au sein des exploitations agricoles.
En 1998, mon collègue Marcel Deneux et moi-même avions établi un rapport sur l’évolution de la politique agricole commune. Pour résoudre ce problème des aléas, qui touche cycliquement l’ensemble des agriculteurs, nous avions proposé, en nous inspirant du modèle en vigueur des États-Unis, où nous avions effectué un déplacement, que soit mise en place une « assurance récolte » ; on parlerait plutôt aujourd’hui d’une « assurance aléa ».
Quelle est la situation de l’assurance dans notre pays ?
Les contrats d’assurance se sont développés grâce à l’aide de l’État, qui s’élève à 35 millions d’euros. Sur les 300 000 exploitations agricoles implantées sur le territoire national, qui couvrent une surface de 30 millions d’hectares, et dont la taille moyenne est donc de 100 hectares, 70 000 exploitations sont couvertes par des contrats d’assurance. Comme ces exploitations sont celles qui sont les plus exposées aux risques, le retour de la cotisation sur les indemnisations est toujours déficitaire, ce qui pose un problème majeur.
Nous devons profiter de la proposition qui nous est faite aujourd’hui par M. le ministre, à qui je veux rendre hommage. Je rends également hommage à son prédécesseur, Michel Barnier §qui, en lançant le bilan de santé de la politique agricole commune, a convaincu les autres États membres d’apporter leur concours pour assurer le financement des primes d’assurance. Il s’agit d’une aide importante, de 100 millions d’euros, disponible chaque année, que l’Union européenne peut apporter afin de favoriser le développement de l’assurance. Gérard César développera le sujet ultérieurement.
Il vous est proposé de mettre en place, au sein du fonds de mutualisation, trois sections.
Je m’adresse à mes collègues du groupe du RDSE, et notamment à Jean-Pierre Plancade, qui figurait parmi les signataires d’une proposition de loi tendant à généraliser l’assurance récolte obligatoire : comme vous le confirmera M. le ministre, l’Europe n’accepte pas que l’assurance aléa soit obligatoire. Nous pouvons, en revanche, tendre vers sa généralisation.
Ce projet de loi nous permet d’apporter une réponse à ce problème. Nous y avons beaucoup travaillé, avec le rapporteur ; même si nos discussions au sein de la commission ne sont pas toujours publiques, Michel Teston a eu tout à fait raison d’en rendre compte devant vous.
Il nous reste aujourd’hui à convaincre les céréaliers, qui demeurent réticents, d’adopter le régime assurantiel.
J’ai beaucoup d’admiration pour les céréaliers, je tiens à le dire devant Alain Vasselle ; leurs exploitations agricoles sont sans doute mieux structurées que d’autres, ce qui est tout à leur honneur.
Le projet de loi propose deux formules.
La dotation pour aléa, tout d’abord, représente aujourd’hui 1 million d’euros au niveau national. Chaque agriculteur, s’il dégage un revenu, peut en bénéficier : il suffit pour cela qu’il soit assuré.
Une question se pose, ensuite : quid de la dotation pour investissement ? Je l’ai posée au ministre, ainsi qu’aux organisations professionnelles. Je trouvais naturel, pour ma part, de lier cette dotation à l’existence d’une assurance. Sans doute suis-je dans le vrai ; mais avoir raison tout seul ne présente que peu d’intérêt...
Je connais, mes chers collègues, la portée et les enjeux politiques de ce problème. Il ne semble toutefois pas irrationnel qu’un agriculteur bénéficie d’une dotation pour investissement en vue d’investissements futurs. J’ai moi-même fait ce choix dans le cadre de mon exploitation.
Il n’en reste pas moins que la dotation pour investissement est une niche fiscale, même si, pour ma part, je la trouve légitime. Je m’interroge donc : ne serait-il pas envisageable de lier cette dotation à l’existence d’une prime d’assurance ? Un exploitant agricole qui a réalisé des investissements risque en effet de subir, au cours de l’année suivante, une calamité. Qu’adviendra-t-il s’il n’est pas assuré ? Il ne s’agit pas de caricaturer, mais de s’appuyer sur des exemples concrets !
Je n’oublie pas, cependant, quels sont les contraintes et les enjeux existants. La dotation pour investissement représente 238 millions d’euros, soit beaucoup plus que la dotation pour aléa. Mais n’ayez crainte ! Je ne déposerai pas d’amendement tendant à lier la dotation pour investissement à l’existence d’une prime d’assurance. Je tiens, malgré tout, à encourager tous les agriculteurs de France à adopter le régime assurantiel.
Il s’agit là d’une opportunité de financement exceptionnelle. Le projet de loi permet en effet un financement à hauteur de 65 % de la prime d’assurance, qui est la prime de base, et cette mesure est autorisée par Bruxelles.
Dans le système américain, le gouvernement finance la prime de base, pour les pertes de récolte à hauteur de 28 % ou de 30 %. Mais l’agriculteur peut toujours souscrire une assurance complémentaire pour assurer son revenu d’exploitation.
J’encourage donc le monde agricole à profiter de cette opportunité.
En 2013, la politique agricole commune sera réformée ; je souhaite qu’une grande partie des exploitations agricoles de France adoptent, dans cette perspective, le régime assurantiel. N’oublions pas que, dans de nombreux pays européens, comme l’Espagne, les agriculteurs seront assurés, comme ne manquera pas de le relever l’Observatoire des distorsions de concurrence. Si nous voulons que notre agriculture soit compétitive au niveau européen, nous devons expérimenter cette solution.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter les amendements qui iront dans ce sens. Je garde à l’esprit les futures réformes que nous pourrons faire en ce domaine, même si elles semblent pour l’instant prématurées.