Intervention de Sibyle Veil

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 7 décembre 2022 à 16h35
Objectifs et moyens des sociétés de l'audiovisuel public — Audition de mmes delphine ernotte cunci présidente de france télévisions sibyle veil présidente de radio france marie-christine saragosse présidente de france médias monde et M. Laurent Vallet président de l'institut national de l'audiovisuel

Sibyle Veil, présidente de Radio France :

Je suis très heureuse d'être avec vous aujourd'hui pour l'examen de cet avenant à un COM qui a permis à Radio France de porter des ambitions importantes de deux natures. La première correspond à la transformation de notre média, d'un média radio en un média audio ; la deuxième correspond à l'approfondissement de coopérations très importantes autour de nos missions de service public, avec les différents acteurs à mes côtés aujourd'hui.

Radio France est devenue ces dernières années le premier groupe de radios en France, avec la première chaîne de radio France Inter. Franceinfo est devenu la troisième radio de France, mais Radio France est aussi une plateforme audio gratuite qui séduit chaque jour 10 millions de visiteurs uniques, ce qui nous a permis de passer il y a un an devant Apple Podcasts. Ainsi, 22 millions de Français sont abonnés à nos plateformes, mais la somme des auditeurs et des visiteurs uniques sur nos sites et applications s'établit chaque jour, en couverture quotidienne, dans une fourchette entre 20 et 21 millions de personnes.

Delphine Ernotte, l'a rappelé, les médias qu'on appelle souvent médias historiques ou traditionnels gardent une puissance : leur audience en direct est démultipliée par leur présence numérique qui est sans équivalent. Nous nous situons en effet devant WhatsApp, devant YouTube, devant Instagram et Twitter. Nous couvrons avec nos contenus chaque mois 73 % de la population. On a vu combien ces dernières années, le succès des stratégies numériques a accompagné le succès de l'écoute en direct de nos radios : Franceinfo, comme France Inter et France Culture, qui sont les deux leaders du podcast en France, ont vu, mois après mois, leurs audiences augmenter.

Aujourd'hui Radio France va bien, car nous avons pris un certain temps d'avance sur le numérique, et vous savez comme moi que cela n'avait rien d'évident il y a encore quelques années. Nous avons en effet parié sur le développement de l'audio et le boom des podcasts, tout comme l'apparition d'acteurs mondiaux du streaming tels qu'Amazon Music, Spotify ou Apple Podcasts qui ont montré combien cette stratégie était valide. Nous représentons en France 50 % de l'écoute des podcasts. Cette offre nouvelle que nous avons développée grâce au podcast nous a permis de toucher des publics jeunes, et notamment les enfants pour lesquels nous avons développé tout un univers audio inédit.

De même, après avoir observé l'offre des autres pays, nous avons choisi de rassembler l'ensemble des contenus produits par nos radios dans une seule plateforme, Radio France, qui offre une plongée unique en France dans les savoirs, l'actualité et le monde des idées. Notre partenariat avec l'INA nous permet notamment d'aller chercher les pépites historiques qui ont fait les grandes heures de nos radios. Nous accueillons également les contenus de tous nos partenaires ici présents, ceux d'ARTE et les podcasts qui sont issus des contenus réalisés par France Télévisions ou RFI.

Pour améliorer l'expérience du public, nous avons développé un algorithme de service public qui favorise la découverte plutôt que les bulles d'enfermement, qu'on peut trouver par ailleurs dans d'autres plateformes. Nous sommes ainsi en train de construire le poste de radio du futur, et plus précisément un poste audio qui ne se définit plus par son support, mais par la nature des contenus que l'on écoute, que ce soit sur son téléphone portable, et que l'on peut écouter et réécouter dans la durée. Il s'agit d'un changement majeur : nous donnons la prime au contenu de qualité, et donc à la qualité éditoriale, technique et sonore, qui correspond d'ailleurs à la tradition des équipes de Radio France.

Parallèlement, nous avons réalisé un travail considérable pour retrouver l'autonomie et l'indépendance de notre distribution. Le décret du 20 octobre 2021 portant modification du code de la propriété intellectuelle et relatif à certains fournisseurs de services de partage de contenus en ligne a permis de faciliter nos négociations avec les grands acteurs, comme Amazon, Spotify ou Deezer. Nous avons pu inscrire dans nos accords le respect d'une chronologie des contenus audio, ainsi qu'une règle plus respectueuse de la valeur des contenus et des droits des créateurs. Mais il y a encore un chemin à faire sur lequel le législateur pourrait nous aider pour favoriser la reconnaissance des droits des auteurs.

Le contexte, vous le savez, est rendu beaucoup plus difficile pour les médias nationaux par l'existence de grandes plateformes qui sont très présentes dans le quotidien des Français. Néanmoins, j'ai la conviction que le service public a un rôle à jouer pour aider notre secteur à faire face à cette transformation de notre écosystème. Nous devons lancer des innovations, comme nous l'avons fait ces dernières années, avec notamment notre projet de son immersif sur lequel nous sommes pionniers en France ou de digital audio broadcasting + (DAB+).

Nous portons l'objectif de donner un égal accès pour tous les Français à l'information et la culture et c'est pour nous un enjeu majeur - un enjeu de légitimité de notre existence. Nous constatons que depuis plusieurs années se développe une société du défouloir sur les réseaux sociaux, qui ont envahi certains médias. Nos médias respectifs sont globalement préservés de la défiance croissante des Français à l'égard des médias, ce qui montre bien que l'utilité d'une ligne éditoriale de service public est clairement perçue par les citoyens. Je pense que c'est vraiment ce que nous partageons ici avec nos partenaires publics.

C'est aussi ce qui donne un sens profond aux coopérations majeures que nous avons développées, comme avec Franceinfo en créant Culture Prime, mais également en nous associant à Lumni, et avec France Télévisions et l'INA, nous avons mené de grandes consultations sur nos médias publics auprès des citoyens. Nous avons développé avec ARTE un espace concert, créé pour les jeunes « Et maintenant ? », lancé des coopérations entre France Bleu et France 3, et enfin développé des événements culturels forts en commun. Je pense notamment à l'évènement lié au Liban ou à un concert pour l'Ukraine. Nous avons beaucoup de coopérations culturelles, comme cet opéra de Gilberto Gil produit à Radio France, avec France Télévisions le week-end dernier.

Nous n'aurions jamais pu réaliser ces évènements seuls, chacun de notre côté. De la même manière, nous créons aussi des synergies qui visent à réduire nos charges respectives sur les achats, la cybersécurité ou la technique.

Le succès de ces coopérations s'inscrit dans la durée : assurer la notoriété d'offres nouvelles prend du temps. La prolongation en 2023 du COM nous permettra d'amplifier nos coopérations et de les confirmer. Parallèlement, nous sommes engagés dans une trajectoire d'économies importantes, avec 60 millions d'euros d'économies réalisées entre 2019 et 2022, ce qui représente 10 % de notre budget. Cet effort considérable a nécessité un plan de 340 départs sous forme de ruptures conventionnelles collectives (RCC) et de 57 réorganisations au sein de Radio France. Ces réorganisations demandent beaucoup d'efforts pour l'ensemble des équipes, et j'en profite pour leur rendre hommage, puisqu'elles fournissent un travail intense, réalisé en parallèle du développement du média radio.

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