Intervention de Laurent Vallet

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 7 décembre 2022 à 16h35
Objectifs et moyens des sociétés de l'audiovisuel public — Audition de mmes delphine ernotte cunci présidente de france télévisions sibyle veil présidente de radio france marie-christine saragosse présidente de france médias monde et M. Laurent Vallet président de l'institut national de l'audiovisuel

Laurent Vallet, président de l'Institut national de l'audiovisuel :

Durant son dernier COM, dans un mouvement qui avait été initié précédemment, l'INA a poursuivi sa transformation, c'est-à-dire l'affirmation de son statut de média.

L'INA porte en effet l'héritage d'un certain nombre d'activités un peu éparses de l'ex-Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF), ce qui ne contribue pas toujours à la clarté de son identité : à la fois un centre d'archivage, un centre de formation, un centre de production et de recherche. Aujourd'hui, l'INA est un média patrimonial de service public distinctif dans l'audiovisuel. Ce média patrimonial est évidemment nourri de toutes les activités de l'INA, non seulement les activités éditoriales qui sont les plus visibles, mais aussi, j'insiste, de nos activités de recherche.

En appliquant nos solutions d'intelligence artificielle, développées par notre équipe de chercheurs sur les immenses ressources du dépôt légal audiovisuel, on peut produire de la data, de l'analyse médiatique. Nous contribuons par exemple depuis quelques années aux études que publie chaque année l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) sur les représentations de genre et la représentation des femmes sur les écrans. Notre démarche est de superposer aux données déclaratives des chaînes des mesures de temps de parole, grâce à cette solution d'intelligence artificielle qui reconnaît de manière certaine si c'est un homme ou une femme qui parle.

L'INA est également nourri par nos activités de transmission des savoirs qui se sont aussi transformées ces dernières années, notamment à travers le déploiement de notre classe alpha, au sein de notre pôle de formation initiale INA sup. Il s'agit d'une initiative inclusive qui permet d'accueillir des jeunes sans prérequis de diplômes et de les intégrer dans un cursus professionnalisant. Cette démarche est désormais soutenue par France Télévisions, et bientôt par Radio France. Nous débutons un cycle d'accueil de stagiaires. Le financement n'est, pour l'instant, pas assuré dans la durée : en effet, l'essentiel du financement provient du programme d'investissement régional dans les compétences de la région Île-de-France.

Sur un plan éditorial, l'INA a considérablement transformé sa politique éditoriale, dans une démarche de décryptage de l'information et de l'actualité inscrite dans le temps long, grâce notamment à des archives. Cette ligne a connu un certain succès. Quand je suis arrivé, l'INA engendrait 70 ou 80 millions de vidéos vues, et nous atteindrons 1,3 milliard de vidéos vues cette année. C'est précisément le chiffre que réalisait ARTE en 2019, alors que nous avons commencé cette démarche il y a seulement cinq ou six ans. Ainsi, je veux absolument me battre contre cette idée que l'on rencontre parfois selon laquelle nous serions finalement des « nains » numériques. On oublie que l'INA est aujourd'hui fort de 10 millions d'abonnés, ce qui représente davantage d'abonnés que Brut en France. De plus, l'INA rassemble 50 000 abonnés pour l'offre payante de vidéos à la demande, la plateforme Madelen, soit davantage d'abonnés numériques que n'en ont Le Parisien ou Télérama.

Madelen représente aussi un relais de croissance pour notre chiffre d'affaires. Comme vous le savez, l'INA et le seul organisme audiovisuel public qui doit assurer environ 35 % de ses revenus par le biais de son chiffre d'affaires, en dehors de ce que l'on appelait naguère la redevance. Sur ce point, l'objectif a été atteint : nous avons maintenu, et même un peu augmenté tendanciellement cette part. Ainsi, la dynamique enclenchée devrait permettre d'accroître de 6 millions d'euros notre chiffre d'affaires en 2022 par rapport à 2019, soit une hausse de 23 % du chiffre d'affaires. Ce qui tombe bien, car au vu de la dotation budgétaire qui nous a été allouée par le projet de loi de finances (PLF) 2023, il va nous falloir compter beaucoup sur nos propres forces !

Cette dynamique a par ailleurs été portée par une forte transformation interne dans l'entreprise, qui s'est manifestée par un effort de productivité important. En effet, sur 1 000 équivalents temps plein (ETP), nous en avons supprimé 60 en six ans. Cette baisse est liée à la logique des COM qui ont eu pour objectif de plafonner non pas les effectifs, mais la masse salariale, ce qui revient finalement au même. Nous avons donc opéré une importante réorganisation interne, avec la création il y a un an et demi d'une grande direction centrée sur la data et la technologie. Celle-ci est beaucoup mieux adaptée aujourd'hui à ce qu'est devenu l'INA, après vingt-cinq ans de numérisation d'archives.

L'INA d'ailleurs est, avec 26 millions d'heures de vidéos intégralement numérisées, le premier centre, la première « librairie » de vidéos numérisées et indexées en Europe. À l'échelle du monde, il est difficile d'accéder aux chiffres, mais si l'INA n'occupe pas la première place, il est en tout cas deuxième après la bibliothèque du Congrès à Washington.

Chacun des partenariats noués a représenté pour l'INA un accélérateur de sa propre transformation. En effet, l'aventure Franceinfo a représenté un moteur très puissant pour la transformation de la politique éditoriale de l'INA, grâce son ancrage dans l'actualité, plutôt que dans la nostalgie ou la rétroactualité, comme nous disions à l'époque. De plus, l'INA et France Télévisions ont copiloté la refonte de l'offre éducative du service public ; l'INA s'occupait davantage de la partie dite professionnelle, destinée plus spécifiquement aux professeurs et aux élèves en salle de classe. Cette partie était accessible par le biais d'Éduthèque, qui a été intégré il y a neuf mois à Lumni Enseignement, avec le consentement de toutes les parties concernées.

Le nouveau Lumni Enseignement a vu le jour mi-septembre et donne, je crois, toute satisfaction au ministère de l'Éducation nationale, avec des chiffres de fréquentation par les professeurs et les élèves extrêmement satisfaisants. Il s'agit aussi du fruit d'un travail collaboratif. Comme je l'ai dit tout à l'heure, France Télévisions a apporté son soutien depuis presque deux ans maintenant à notre classe alpha, à travers l'accueil de stagiaires ou d'alternants, et nous démarrons la même démarche avec Radio France.

Enfin, l'avenant va nous obliger à être à nouveau très performants au niveau de notre chiffre d'affaires commercial, mais nous le prenons comme un défi à relever, dans la mesure où celui-ci prolonge une stratégie permettant de renforcer la singularité du média public global par l'apport de l'INA.

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