Je peux rappeler certains principes, notamment une gouvernance bien instaurée, prévoyant que la nomination du patron de l'audiovisuel public relève non pas du Gouvernement mais d'une instance séparée, et une prévisibilité des ressources à la hauteur des missions confiées et sur une période de temps suffisante pour pouvoir anticiper les actions de l'entreprise.
Il existe plusieurs modèles de financement en Europe : redevance, recettes affectées, voire budgétisation avec des engagements pluriannuels importants. Très souvent, comme en Espagne, la budgétisation est un prélude à la coupe pure et simple des budgets de l'audiovisuel public.
Vous m'avez également interrogée sur mon troisième scénario, celui de l'élargissement. Le contexte actuel est marqué par de fortes inquiétudes concernant la maîtrise de notre espace médiatique. Twitter, par exemple, ne sera bientôt peut-être plus régulé ; heureusement, la régulation européenne nous protège, mais la philosophie libertarienne représente quelque chose d'un peu angoissant pour nous, Européens. Autre point : toutes les données de certains réseaux sociaux qui accaparent beaucoup l'attention de nos enfants partent en Chine ; il s'agit de ne pas être naïf par rapport à cela. Enfin, on peut également considérer que certains médias dérivent aujourd'hui vers des médias d'opinion ; le débat sera tranché par la régulation. La question se pose donc en ces termes : souhaite-t-on encore aujourd'hui disposer d'un espace réellement préservé, indépendant, où le débat peut avoir lieu sans tourner au pugilat ou à la violence verbale ? Ce choix est politique.
Le deuxième axe de réflexion est davantage culturel. Souhaite-t-on encore protéger la création française et européenne ? Disons les choses franchement : s'il n'y a plus de service public, il n'y aura plus d'orchestres à Radio France, plus de Culturebox, plus de pièces de théâtre ni de fictions françaises à la télévision. Il s'agit d'un choix politique et de société.
Un rapport de l'UER a démontré que le niveau du service public audiovisuel et le niveau de démocratie étaient strictement corrélés ; cela dit bien le type de société que l'on souhaite pour demain, même si, à la fin, tout le monde tombe sur le service public. Je le dis toujours à mes équipes en période électorale : si tout le monde vous engueule, c'est que tout va bien ! Je vous rassure, lors de la dernière campagne, tout le monde nous a engueulés...
Vous m'avez interrogée sur le sujet des exportations. Sur les 5 milliards de livres de la BBC, 1 milliard provient des exportations. L'explication est simple : la BBC possède tout ce qu'elle fabrique ; en France, la loi de 1986 nous l'interdit. Si l'on produisait un documentaire animalier à 3 millions d'euros l'épisode, on ne pourrait pas le vendre, car il ne nous appartiendrait pas.
Concernant le site d'Antibes, j'ai bien conscience qu'il s'agit d'un vrai problème. Il y a eu deux inondations, je me suis déplacée à chaque fois. Il n'est pas raisonnable de rester dans une zone inondable. En tant que responsable de la santé et de la sécurité des salariés, je ne suis pas rassurée et je préfère que l'on relocalise la station. On ne restera pas dans ce lieu à Antibes, c'est une certitude. Il s'agit de trouver une solution intelligente pour les personnels. J'ai bien conscience du souci politique et ne suis fermée à aucune solution.