Intervention de Gabriel Attal

Réunion du 25 novembre 2022 à 10h30
Loi de finances rectificative pour 2022 — Adoption définitive des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire sur un projet de loi

Gabriel Attal :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis ravi de vous retrouver ce matin pour la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le deuxième projet de loi de finances rectificative (PLFR) de l’année 2022, à la suite de l’accord intervenu mardi dernier.

J’étais avec vous hier après-midi pour l’adoption de la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, tard hier soir pour l’examen d’un certain nombre de missions ; je serai encore avec vous ce soir et cette nuit pour l’examen d’autres missions budgétaires.

Ce compromis trouvé entre l’Assemblée nationale et le Sénat est une bonne nouvelle pour les Français, confrontés chaque jour à la hausse des prix.

Je veux saluer le travail mené par le rapporteur général Jean-François Husson et son homologue de l’Assemblée nationale Jean-René Cazeneuve : ensemble, ils sont parvenus à un accord pour dégager des moyens supplémentaires et permettre à nos compatriotes de tenir le choc.

Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi de finances rectificative constitue une sorte de « rallonge », dans un contexte particulièrement difficile.

Vous le savez, depuis le début de l’année, la vie chère met notre société à rude épreuve. Face à cette nouvelle donne, notre action peut se résumer en une phrase : tout faire – je dis bien tout faire – pour que la crise énergétique ne se transforme pas en une crise économique majeure. Pour cela, nous faisons un choix clair, celui de protéger les Français sans jamais accepter la dérive de nos comptes. Dépenser sans limites aujourd’hui signifierait moins de liberté d’action pour demain.

Nous continuerons de mener ce combat l’année prochaine – l’inflation devrait rester élevée –, mais différemment, par une approche plus ciblée. Je pense notamment au dispositif qui remplacera la ristourne sur les carburants, dont l’extinction est prévue le 31 décembre.

Partout autour de nous, les nuages s’amoncellent.

Je pense, bien entendu, à la guerre en Ukraine, à son impact sur l’approvisionnement énergétique et au risque plus particulier que ce dernier fait peser sur l’industrie allemande, et par ricochet sur l’économie européenne.

Je pense, aussi, à la crise immobilière en Chine ou à l’Inflation Reduction Act américain, qui lui aussi constitue un risque pour notre industrie européenne.

Je pense, enfin, aux évolutions politiques en Italie, au doute sur la trajectoire des finances publiques de ce pays et aux risques qui en résultent pour la zone euro.

Toutefois, ce que l’on peut dire, ce que je peux vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est que notre économie résiste en cette fin d’année 2022.

S’agissant de 2023, je veux partager avec vous une prévision encourageante publiée lundi par le Fonds monétaire international (FMI). L’institution table sur une croissance de 0, 75 % pour notre pays, une prévision très proche de celle qui a été retenue pour construire le projet de loi de finances, qui marque la capacité de résistance de notre économie.

Dans ce contexte, le projet de loi de finances rectificative traduit d’abord une volonté de soutenir et de protéger.

Je le disais, ce PLFR accorde une rallonge de 2, 5 milliards d’euros, autant de moyens supplémentaires qui vont soutenir de façon directe et immédiate les Français qui en ont besoin.

Concrètement, ce texte va permettre d’aider 12 millions de ménages qui se chauffent au gaz, à l’électricité, au bois ou au fioul à payer leurs factures.

Nous mettons 1, 8 milliard d’euros sur la table pour financer le chèque énergie exceptionnel, soit très concrètement un versement de 100 ou de 200 euros qui sera effectué d’ici à la fin de l’année.

J’en profite pour rappeler que la première LFR pour 2022 a déjà prévu un budget de 230 millions pour aider les ménages qui se chauffent au fioul. Cette aide commence à être déployée et se traduit par l’attribution d’un chèque de 200 euros pour les ménages déjà bénéficiaires du chèque énergie, et de 100 euros pour ceux des troisième à cinquième déciles.

J’insiste toutefois sur le fait que cette aide doit être réclamée sur une plateforme dédiée. Nous avons donc tous la responsabilité de faire connaître ce dispositif le plus largement possible, les centres communaux d’action sociale (CCAS) et les collectivités locales pouvant nous aider à relayer l’information. Si des concitoyens éligibles à cette aide, en difficulté pour boucler leurs fins de mois, ne demandaient pas ce chèque par méconnaissance, il n’y aurait rien de pire !

Il fallait par ailleurs corriger un angle mort pour les ménages qui se chauffent au bois. Ils sont tout de même un certain nombre dans notre pays, et c’est la raison pour laquelle l’Assemblée nationale a voté une aide exceptionnelle de 230 millions d’euros pour alléger leur facture. Nous voulons également lutter contre l’opacité du marché du bois de chauffage et les comportements spéculatifs qui nuisent à des ménages parfois déjà en grande difficulté. Nous avons saisi à cette fin la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ; des parlementaires travaillent également sur le sujet.

Ce texte finance un autre choix que nous avons fait depuis le 1er avril, celui de soutenir les automobilistes. Vous le savez, la Première ministre avait annoncé une prolongation jusqu’à la mi-novembre de la ristourne de 30 centimes par litre de carburant pour tenir compte du blocage des raffineries et des difficultés d’approvisionnement dont ont pâti nos compatriotes. Ce PLFR permet d’assurer le financement de cette prolongation, qui représente un coût pour nos finances publiques de l’ordre de 440 millions d’euros pour deux semaines.

Depuis la semaine dernière, cette remise à la pompe a été réduite à 10 centimes par litre, comme nous l’avions annoncé. Pour autant, 2023 ne sera pas synonyme d’un arrêt brutal du soutien apporté aux automobilistes. La réalité, c’est que nous devons continuer à soutenir les travailleurs qui ont besoin de leur voiture. Il s’agit en effet d’agir de manière plus ciblée, en concentrant l’argent public sur celles et ceux qui en ont le plus besoin.

Ce PLFR est aussi un texte de soutien aux opérateurs de l’État. Je pense notamment aux universités, aux établissements de recherche et aux centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous), que nous aidons à faire face à la hausse des prix de l’énergie.

Nous avons donc prévu un fonds de 275 millions d’euros, qui pourra être immédiatement débloqué au bénéfice des opérateurs du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Dans la même logique, ce PLFR prévoit l’ouverture de crédits pour les frais de carburant exceptionnels du ministère des armées : 200 millions d’euros sont ainsi débloqués pour nos militaires en opérations extérieures.

Parce que les prix des produits alimentaires connaissent une inflation particulièrement forte, ont également été retenus dans le texte qui vous est soumis les 40 millions d’euros supplémentaires pour l’aide alimentaire votés à l’Assemblée nationale, qui font suite aux 40 millions d’euros adoptés sur l’initiative du Sénat dans le PLFR de l’été.

Au total, ce sont donc 2, 5 milliards d’euros qui sont mis sur la table pour aider les Français et certains opérateurs de l’État à faire face au choc énergétique.

Mais il ne s’agit pas seulement de parer à l’urgence. Ce texte procède aussi à un certain nombre d’ajustements de fin de gestion, avec le souci permanent de tenir les comptes publics.

Les ouvertures de crédits auxquelles nous procédons pour assurer de nouvelles dépenses, de l’ordre de 5 milliards d’euros, sont donc compensées par des annulations de crédits d’un montant identique. Autrement dit, nous vous présentons aujourd’hui un texte d’équilibre budgétaire, hors dépenses exceptionnelles liées à la crise de l’énergie.

La principale ouverture de crédits, d’un montant de 2 milliards d’euros, permet de poursuivre le développement de la formation professionnelle et de l’apprentissage au travers du financement de France Compétences, afin d’aider chaque Français à construire son avenir professionnel.

Une dépense qui ne nous exonère en rien de rechercher par ailleurs des sources d’économies. Il faut en effet régulièrement apporter des rallonges au budget de France Compétences et je sais que, lors de l’examen de la mission « Travail et emploi » du PLF pour 2023, vous porterez des propositions pour permettre à cette autorité de réaliser des économies structurelles supplémentaires. Je serai en particulier très favorable à l’amendement qui prévoit d’instaurer un ticket modérateur pour accéder à des formations par l’intermédiaire de France Compétences.

Autre ouverture significative : 1, 1 milliard d’euros sont débloqués pour la mission « Défense » afin de financer le soutien militaire que nous apportons à l’Ukraine. Je souligne aussi les 100 millions d’euros supplémentaires issus d’un amendement adopté à l’Assemblée nationale sur l’initiative des députés Charles de Courson, du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT), et Benjamin Haddad, du groupe Renaissance.

Permettez-moi enfin de revenir sur les modifications introduites par le Sénat et retenues dans le cadre des travaux de la CMP. Je sais qu’il s’agit de sujets majeurs pour celles et ceux qui les ont portés, et plus largement pour l’ensemble de la Haute Assemblée.

Nous avons intégré l’amendement qui prévoit d’abroger la réforme de la répartition du produit de la taxe d’aménagement entre les communes et leurs groupements. Je rappelle que l’article 109 de la loi de finances pour 2022 avait rendu obligatoire le reversement de tout ou partie de la taxe d’aménagement entre communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), en fonction des charges d’équipements publics assumées par chacune des collectivités.

Des crédits supplémentaires ont par ailleurs été intégrés pour lutter contre les nuisances aéroportuaires. Nous avons ainsi repris un amendement du sénateur Vincent Capo-Canellas, qui permet de consacrer 20 millions d’euros au financement de projets d’insonorisation destinés aux riverains des aéroports.

Des crédits supplémentaires sont aussi ouverts pour les maisons France Services, avec une hausse de 12, 5 millions d’euros pour le programme « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » au sein de la mission « Cohésion des territoires », conformément à l’amendement porté par M. Delcros.

Évidemment, nous sommes très attachés au déploiement des maisons France Services, qui permettent à nos concitoyens d’accéder à un bouquet de services publics. Il y en a désormais plus de 2 000 sur notre territoire, et près de 98 % de nos compatriotes habitent à moins d’une demi-heure de l’une de ces maisons.

Nous avons choisi également d’accorder des moyens supplémentaires au financement de nos infrastructures, comme l’a souhaité le rapporteur général Jean-François Husson, avec 50 millions d’euros pour la rénovation des ponts et 50 millions d’euros pour l’entretien des routes. S’y ajoute une enveloppe de 50 millions d’euros pour les agences de l’eau. Tout cela, nous le finançons sans céder un pouce de terrain au laisser-aller budgétaire.

En effet, 2022 n’a pas seulement été l’année du combat contre la vie chère ; ce fut aussi l’année du combat pour des comptes bien tenus, avec un déficit stabilisé à 5 % du PIB. Nous tenons cet engagement, malgré les ouvertures de crédits auxquelles nous avons procédé, et nous maintenons évidemment notre objectif de 5 % de déficit pour l’an prochain.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion