Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 25 novembre 2022 à 10h30
Loi de finances pour 2023 — Compte d'affectation spéciale : contrôle de la circulation et du stationnement routiers

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’année 2023 sera la première année de mise œuvre des mesures prévues dans le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, mesures qui seront financées par les crédits de la mission « Sécurités ».

Nous l’avons déjà souligné lors de son examen au Sénat, mais je me permets de le réaffirmer : la Lopmi est selon nous la pierre angulaire d’une police qui s’éloigne du triptyque « prévention, dissuasion, répression », doctrine pourtant essentielle à nos yeux.

Par son approche en mode dégradé de la police et de la sécurité, ce projet de loi d’orientation et de programmation consacrera un relâchement du lien de confiance entre les policiers et la population et nous semble annonciatrice de ce que l’on peut d’ores et déjà considérer comme une perte de sens pour les métiers de la sécurité.

Loin de moi l’idée de diaboliser la dématérialisation ou de sous-estimer sinon sa nécessité, du moins son utilité pour accéder à des informations et effectuer des démarches administratives, mais elle ne peut pas être l’alpha et l’oméga de la relation entre la police et nos concitoyens.

Au fond, nous devons nous interroger sur la révision de la doctrine du maintien de l’ordre, dans toute sa dimension, la priorité étant, nous semble-t-il, formation de nos forces de sécurité.

Les lacunes de la Lopmi, que nous avions pointées lors de son examen, se reflètent dans le budget de la mission « Sécurités ».

Les crédits de l’action Sécurité et paix publiques sont destinés à concrétiser l’entreprise de dématérialisation des plaintes engagée dans le projet de loi d’orientation et de programmation. Selon nous, une telle affectation des crédits mettra à mal l’objectif d’une police proche de nos concitoyens. Nous le répétons, la recherche d’efficacité ne doit pas se faire au prix d’une rupture du lien entre citoyens et police.

De plus, les crédits de l’action Missions de police judiciaire et concours à la justice, qui regroupe l’ensemble des activités de police judiciaire et des missions réalisées au profit de la justice ou de l’administration pénitentiaire, diminuent de 429 millions d’euros, sans qu’aucune explication soit fournie dans les documents budgétaires.

Alors même que l’on nous dit de ce budget qu’il est destiné à resserrer les liens entre la police et les citoyens, nous peinons à croire que, avec une telle baisse des crédits alloués à la police judiciaire, nous poursuivions un noble but. Ce n’est objectivement pas le cas.

Il s’agit d’un budget d’affichage. En effet, en le décortiquant, on constate que, sur le fond, il est très loin de prévoir un réel soutien à nos agents. Si tel avait été le cas, le budget de la formation de nos agents de police ne serait pas passé à la trappe.

Par ailleurs, la baisse des crédits consacrés à la police judiciaire nous conforte dans l’analyse que nous avons faite de la Lopmi : son application sera vectrice de perte de sens pour nos policiers. Je vous rappelle, madame la ministre, que nous manquons d’environ 5 000 officiers de police judiciaire. Aussi peinons-nous à comprendre vos contradictions ; je dois même dire que nous nous inquiétons.

Cette partie du budget ne renvoie pas une image attrayante. Elle est en fait plutôt effrayante. Nous déduisons de son manque d’envergure que la départementalisation de la police nationale aura de lourdes conséquences sur la police judiciaire. Dénoncée tant par les professionnels de la sécurité que par ceux de la justice, cette départementalisation sera synonyme d’intrusion du pouvoir exécutif dans les procédures pénales. Comme ce budget en atteste, elle donnera lieu également à une mutualisation des moyens alloués à ces missions publiques, ce que nous ne pouvons que déplorer, car elle entraînera une dégradation des conditions de travail des personnels, auxquels je suis très attachée, mais aussi l’accueil des victimes.

De même, nous regrettons que le budget prévu en vue de la tenue en France de la Coupe du monde de rugby en 2023 et des jeux Olympiques et Paralympiques en 2024 traduise un objectif non pas de qualité, mais de quantité. Nous nous interrogeons – ce n’est pas nouveau – sur le recours à des entreprises privées pour assurer la sécurité lors de ces événements.

En effet, nous persistons à faire valoir que la sécurité publique est du ressort du pouvoir régalien et donc des fonctionnaires de police et de gendarmerie, qui sont par définition des acteurs du service public. La privatisation n’est pas une solution et entraînera une dégradation des conditions de travail de nos forces de l’ordre. En outre, les personnels privés ne sont pas soumis au cadre déontologique propre à l’exercice de fonctions régaliennes.

Ainsi ce budget ne fait-il que confirmer nos craintes concernant la Lopmi. En toute cohérence, nous ne voterons pas les crédits de la mission « Sécurités ». Nous serons toutefois attentifs à plusieurs des amendements déposés par nos collègues.

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