Intervention de Mickaël Vallet

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 7 décembre 2022 à 9h30
Déplacement à l'onu — Communication

Photo de Mickaël ValletMickaël Vallet :

A plusieurs reprises, nous avons pu mesurer la montée en puissance de la Chine dans le système onusien. Cela tient à deux choses.

D'une part, de façon mécanique, la part de la Chine dans le financement des Nations Unies ne cesse de progresser. Rappelons que la clef de répartition des contributions des États dépend du PIB et de la démographie, avec un surcroît de cotisation pour les cinq membres permanents du Conseil de sécurité. La Chine est aujourd'hui, avec 15 % du budget régulier et 18 % des opérations de maintien de la paix (OMP), le deuxième contributeur au budget des Nations Unies derrière les États-Unis. La poursuite de sa montée en puissance économique et son poids démographique lui donneront bientôt la première place.

Il est évident que ce poids budgétaire toujours plus important permet à la Chine d'accroître son influence et de tenter d'orienter les travaux et actions des Nations unies dans le sens de ses positions et de ses intérêts. C'est le cas, par exemple, sur les questions de développement durable. La vision chinoise, qui se veut respectueuse d'une application stricte du droit international, dessine un multilatéralisme anti-interventionniste, observateur plus qu'acteur, laissant in fine toute sa place au libre jeu de la puissance. Il s'agit d'un point très concret puisque la Chine peut être tentée de revenir sur des décisions politiques des Nations unies en discutant le budget nécessaire à leur mise en oeuvre.

De ce point de vue, il est intéressant de rappeler la situation de la France : nous sommes le premier contributeur de l'Union Européenne et le sixième contributeur mondial, avec 4 % du budget de 3,5 milliards d'euros.

Le second facteur de montée en puissance de l'influence chinoise est la capacité de ce pays, pour l'instant, à se présenter aux pays en voie de développement (pays du G77) comme appartenant à leur monde, à l'inverse des anciennes puissances coloniales ou des États-Unis. Naturellement, plus la Chine revendique son statut de grande puissance, moins son discours d'identification aux pays du G77 est crédible.

L'exemple de la Chine, mais aussi l'évocation du G77, illustre bien l'un des défis majeurs auxquels l'ONU fait face aujourd'hui : la question de sa légitimité et de la représentation des uns et des autres. La critique de légitimité porte en particulier sur la composition du Conseil de sécurité, notamment pour ce qui concerne les membres permanents. Naturellement, comme Français, il nous semble qu'un élargissement du cercle des membres permanents serait sans doute la solution. On évoque souvent l'entrée du Japon, de l'Inde, du Brésil, de l'Allemagne et d'un pays africain (resterait encore à savoir lequel). De telles pistes d'évolution rencontrent de nombreux obstacles. On peut penser qu'elles gênent en particulier la Chine, qui n'est sans doute pas pressée de voir élevés au statut de membres permanents l'Inde et le Japon.

Enfin, un des points particulièrement intéressants de notre mission a été de mettre en lumière le positionnement des pays du G77. Là où les occidentaux se mobilisent rapidement et massivement, à raison, pour l'Ukraine, ces pays nous interrogent : que faisons-nous pour le Yémen ? Pour l'Éthiopie ? Pour le Venezuela ? Que sommes-nous prêts à faire pour Haïti ou pour le Liban, deux pays francophones en pleine implosion ? Ayons le courage et la lucidité d'entendre ces critiques sur le « deux poids-deux mesures » occidental. Ce n'est que si nous prenons au sérieux ces critiques que nous pourrons construire un dialogue approfondi avec ces pays, et offrir une alternative au narratif chinois, russe ou turc.

Cela pose aussi la question de nos contributions volontaires aux actions des Nations unies. C'est une mesure de notre volonté de peser sur les dossiers pour contrebalancer notre recul relatif dans les contributions obligatoires du fait du niveau de notre PIB et de notre démographie.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion