Intervention de Olivier Cadic

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 7 décembre 2022 à 9h30
Déplacement à l'onu — Communication

Photo de Olivier CadicOlivier Cadic :

Je vais maintenant vous donner lecture de l'intervention d'Edouard Courtial, qui n'a pu être présent aujourd'hui.

Vous l'avez compris : on peut parfois s'interroger sur la portée des actions des Nations unies dès lors que ses institutions sont affaiblies par les dissensions des grandes puissances.

Il y a toutefois des actions concrètes pour tenter de consolider le droit international pas à pas. C'est le cas de la mission UNITAD (équipe d'enquête des Nations Unies pour favoriser la traduction en justice pour les crimes de Daech). Nous avons pu rencontrer une des responsables de cette mission, qui est une procureure française travaillant pour les Nations unies.

L'objectif d'UNITAD, qui existe depuis 2017, est de recueillir les preuves des crimes commis par Daech en Irak, et d'aider les autorités nationales à instruire les dossiers de poursuite en justice de leurs propres nationaux. Cette mission de 254 personnes (dont seulement 5 français) est une émanation directe du Conseil de sécurité. Son mandat doit être renouvelé chaque année. Ce renouvèlement peut être rendu plus difficile par les tensions actuelles au sein du Conseil.

La principale coopération est, bien sûr, avec les autorités irakiennes. Elle ne porte plus seulement sur la lutte contre le terrorisme, mais sur la poursuite de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de génocide. UNITAD coopère également avec 17 juridictions nationales, en mettant à leur disposition les preuves recueillies lorsqu'elles intéressent une personne poursuivie dans le pays en question. Cette coopération a ainsi permis la condamnation d'une personne en Suède et de deux en Allemagne.

Très concrètement, UNITAD analyse les preuves recueillies lors de l'ouverture de charniers. Les trois-quarts des preuves recueillies sont transmises par l'état irakien, le quart restant directement par les équipes d'UNITAD ou par d'autres états. L'analyse de plusieurs dizaines de charniers et le travail des six unités d'enquête déployées pour analyser les massacres ont abouti au recueil de 7 millions de pages digitalisées documentant les crimes de Daech. Le travail d'UNITAD a abouti notamment à la publication de deux rapports particulièrement marquants : l'un sur le génocide yézidi ; le second sur le massacre du camp militaire de Tikrit.

Je voudrais soulever un point intéressant sur le traitement de ces questions en France. Dans notre pays, le choix a été fait de poursuivre sur le chef d'association de malfaiteurs terroristes. Cela ne couvre pas tout le champ des crimes commis. Cela n'en couvre même qu'un quart. Cela pose deux problèmes : un problème moral ou d'efficacité de la justice, à savoir que ce faisant, on n'entend pas la voix des victimes ; d'autre part, cela limite le champ possible des poursuites.

Enfin, nous avons interrogé notre interlocutrice sur le lien entre l'action d'UNITAD et ce qui pourrait exister sur d'autres lieux, comme en Ukraine. Elle nous a confirmé que le travail d'UNITAD fournissait des outils et des modèles précieux pour envisager le travail de collecte des preuves et d'aide à la poursuite des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité commis dans d'autres circonstances. Les Nations unies sont donc bien, de ce point de vue, dans le coeur de leur vocation universelle, l'idée étant de limiter toujours plus, et peut-être un jour d'empêcher, l'impunité pour les crimes les plus graves et les plus révoltants, partout dans le monde.

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