Intervention de Bruno Bonnell

Commission des affaires économiques — Réunion du 2 novembre 2022 à 9h00
Audition de M. Bruno Bonnell secrétaire général pour l'investissement

Bruno Bonnell, secrétaire général pour l'investissement :

J'ai en effet eu l'occasion de siéger « de l'autre côté », en tant que parlementaire, et je répondrai bien entendu à toutes vos questions.

France 2030 vient d'un constat : nous sommes non seulement dans une transition, mais également dans une métamorphose énergétique. On va passer d'une énergie fossile, qui contrôle et pilote tout ce qu'on a appelé la révolution industrielle, à l'électricité, qui a une caractéristique particulière : au-delà de sa puissance maintenant comparable à celle du thermique, elle a vu naître l'électron qui pense, l'électron qui apprend, l'électron du numérique. On passe d'un monde de la machine et des fossiles à un monde qu'on pourrait presque qualifier de monde du robot, grâce à l'énergie électrique.

La cohérence du plan France 2030 vient d'une analyse plus globale qu'un simple enchaînement à la suite des PIA précédents. Il fallait absolument changer de perspective, et c'est pourquoi le plan France 2030 porte ce nom. Il intègre totalement le budget de 20 milliards du PIA 4 précédent, qui concernait des stratégies d'accélération, afin de redonner une cohérence d'action à l'État.

À chaque grande transition, la dernière en date étant la révolution industrielle, qui a été suivie par les reconstructions qui ont succédé aux guerres mondiales, l'État a été déterminant pour changer la donne, « dérisquer », redonner de l'audace, encourager l'industrie privée à repartir dans de nouvelles directions.

France 2030 se situe à la fois dans la continuité des PIA mais est également en rupture totale avec eux. Le SGPI pilote toujours ces plans avec une équipe compétente depuis 2009. Certains de ses membres, comme Claude Girard, qui est à mes côtés, sont là depuis l'origine. S'il existe une continuité de l'action, on assiste néanmoins à une rupture de philosophie.

Nous allons en effet à la fois soutenir l'innovation et l'industrialisation en allant de la recherche fondamentale à l'industrialisation. Il y a dans la grande famille France 2030 des appels à projets (AAP) ou des appels à manifestation d'intérêt (AMI), comme « Première usine ». Ils concernent jusqu'à la fabrication des produits.

Au-delà de la cohérence de ce plan, qui réside dans sa transformation, quelle est sa lisibilité ? En premier lieu, j'ai réorganisé le SGPI en cinq pôles.

Le premier pôle est celui de la santé. C'est vendredi dernier qu'a été créée l'Agence de l'innovation en santé, qui va s'occuper des dispositifs médicaux ou de la recherche fondamentale en santé. Tout ce qui nous a manqué pendant la crise du Covid sera regroupé autour de cette agence.

Le deuxième pôle est celui de la transition éco-énergétique, et comporte deux grands volets avec, d'un côté, un volet production d'énergie décarbonée dans le photovoltaïque, la production d'hydrogène décarboné, les petits réacteurs nucléaires, l'éolien en mer ou sur terre, la géothermie, la biomasse. Et, de l'autre, un budget très important sur les usages et la décarbonation du quotidien - industrielle ou agricole. Y figure aussi ce qui relève de l'objectif d'une alimentation saine, durable et traçable.

Le troisième pôle, central, porte le nom de Connaissances. Il regroupe l'enseignement scolaire ou supérieur, la recherche et sa valorisation et la culture. Mettre tant de milliards sur la table sans former des femmes et des hommes aux nouveaux métiers qui nous attendent, c'est être à terme en déficit de bras et de cerveaux pour mettre lesdits métiers en place.

Ce pôle intègre la culture, car on s'est aperçu que le soft power, sur le plan des produits et des méthodes, est critique et souvent culturel. On renforce donc le pôle dans les industries culturelles et créatives.

Le quatrième pôle concerne la souveraineté numérique et cybernétique. Il regroupe le cloud, la cybersécurité, l'intelligence artificielle, mais également l'électronique et la robotique.

C'est dans ce pôle que sont logées les grandes opérations de Crolles, qui visent à redéployer en Isère des fabrications importantes de semi-conducteurs, éléments critiques pour les industries, notamment l'automobile.

On s'interroge par ailleurs sur les chemins qu'il va falloir emprunter en matière de robotique. 80 % des robots industriels sont en effet chinois ou japonais et seront déterminants dans le futur. Il est donc important de savoir comment renforcer nos positions dans ces domaines.

Enfin, le dernier pôle porte le nom de Nouvelles frontières. Il regroupe l'espace, l'exploration des fonds sous-marins et le domaine quantique, qui seront certainement dans les dix prochaines années des zones de compétitivité déterminantes.

Cette organisation a permis de classer à la fois les stratégies d'accélération, qui sont intégrées dans les différents pôles, et de mettre en place les dix objets clés que le Président de la République a cités dans son discours d'octobre dernier, dont les 2 millions de véhicules électriques fabriqués sur notre territoire d'ici 2030 ou les 20 biomédicaments fabriqués sur notre territoire.

La sélectivité moyenne du plan France 2030 se situe à hauteur de 30 %. Seul un projet sur trois passe la barre des jurys. Les juges sont des scientifiques, de préférence internationaux, avec une certaine distance par rapport aux problématiques locales.

Comment cela fonctionne-t-il ? Il existe une gouvernance interne et une gouvernance vis-à-vis des bénéficiaires.

Le SGPI constitue une direction interministérielle, placée sous l'autorité de la Première ministre. Le comité de suivi est piloté par Mme Patricia Barbizet. Il regroupe des parlementaires et des personnalités qualifiées indépendantes. Nous nous rencontrons tous les deux mois, dressons un rapport et discutons de certains des termes du pôle choisis par la présidente du comité.

Nous travaillons avec BPIfrance, l'Ademe, l'Agence nationale de la recherche (ANR) et la Caisse des dépôts et consignations. Ces quatre opérateurs sont chargés d'instruire des dossiers soit sur appels à projets soit, de plus en plus, sur appels à manifestation d'intérêt.

Un AMI vise des domaines comme l'innovation et l'eau, afin de ne pas restreindre l'innovation à quelque chose de trop précis et de pouvoir donner l'occasion à différentes structures de proposer des solutions associant l'innovation et l'eau.

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