Intervention de Bruno Bonnell

Commission des affaires économiques — Réunion du 2 novembre 2022 à 9h00
Audition de M. Bruno Bonnell secrétaire général pour l'investissement

Bruno Bonnell, secrétaire général pour l'investissement :

Tout d'abord, les nanotechnologies font bien partie des projets spéciaux. J'ai visité à Besançon le laboratoire Femto-ST, qui travaille sur des microrobots dans le domaine de la photonique. Ils vont chercher les cellules une par une chez un patient cancéreux et injectent de l'ADN grâce aux nanotechnologies pour les transformer. Ce sont des médicaments que l'on peut qualifier de miraculeux dans le traitement de certaines pathologies, la leucémie notamment.

Je voudrais tuer ici une idée que j'ai trop entendue autour de cette table et vous dire que la France n'est pas en retard ! Il faut le marteler et cesser de répéter ce qu'affirment les médias. Par mon expérience professionnelle, je suis spécialiste d'un certain nombre de technologies dans le domaine de la robotique, de l'électronique, du logiciel et de l'interactivité : la France est en avance dans de très nombreux domaines.

Toutefois, vous avez raison : nous manquons considérablement de moyens - mais ce n'est qu'un premier pas. J'espère que la réussite de France 2030 entraînera un plan France 2040, puis un plan France 2050, et que d'autres prendront le relais. Si l'État n'intervient pas massivement comme « dérisqueur », le secteur privé considérera les choses à court terme.

J'ai appris hier que le projet Safran de redéploiement en Rhône-Alpes d'une nouvelle usine annoncé par le Président de la République était mis en pause, faute d'anticipation face aux nouveaux coûts de l'énergie : d'ici trois ans, le projet Safran sera passé par pertes et profits !

Je rejoins M. Gay, à qui je me suis parfois opposé sur les plateaux, sur le fait que l'intervention de l'État est importante. Je ne parle pas ici de politique. Je suis dans mon rôle de directeur d'administration centrale : je voudrais tuer l'idée que la France est en retard dans certains secteurs, comme les nanotechnologies ou la photonique. Comment les finance-t-on ? Grâce aux fonds de rupture. Ce sont des projets dits spéciaux.

La forêt est totalement intégrée dans notre plan. Elle n'est pas dénommée en tant que telle, mais figure dans la masse qui doit représenter 2,8 milliards d'euros d'aides en faveur d'une agriculture décarbonée, dans laquelle on inclut la chimie verte de la forêt.

Nous avons aujourd'hui de très beaux projets d'innovation dans ce domaine. Nous avons notamment financé, dans l'Ardèche ou dans l'Aube, l'installation de cogénérateurs afin que les gens qui exploitent la forêt puissent utiliser les déchets pour réaliser le séchage des planches. Je vous donnerai individuellement des informations plus précises à ce sujet.

Vous avez raison, nous ne finançons pas de logements, pas plus que des bâtiments d'usines ou des capacitaires. Cependant, nous réalisons tout le reste, comme la décarbonation des grands producteurs de ciment en vue de la construction de logements au moindre impact carbone. Nous finançons des actions spécifiques en faveur des démonstrateurs de ville durable. Il en existe 39 en France aujourd'hui. Nous soutenons, généralement sous forme de subventions, les initiatives de promoteurs pour montrer que l'on peut se loger autrement. On mène ainsi de grandes réflexions sur les zones pavillonnaires et leur transformation en zones de résidence partagée afin d'optimiser les flux.

Concernant les énergies renouvelables, dura lex, sed lex : nous mettrons évidemment notre action en cohérence avec ce qui va être décidé dans les prochaines semaines ou les prochains mois par les parlementaires. Nous faisons tout pour recréer une chaîne complète de fabrication du silicium en France, jusqu'à la fabrication des panneaux. Ne nous faisons toutefois aucune idée : si on continue à avoir une stratégie d'appel d'offres dont le prix serait le seul critère, on court à la catastrophe !

Je vais tenter de simplifier mon explication relative à la gouvernance...

Le bénéficiaire peut consulter sur france2030.gouv.fr l'ensemble des AAP et des AMI, qui sont assortis d'un système multicritères mentionnant le nom de l'opérateur. L'entreprise intéressée peut envoyer son dossier, qui est instruit, et elle reçoit une réponse.

50 % du travail du bénéficiaire doit porter sur les acteurs émergents et 50 % sur la décarbonation. C'est le comité de suivi qui donne son avis à mon équipe.

Tous les préfets de région reçoivent à l'avance les programmes d'AMI et d'AAP. Depuis la semaine dernière, le ministère de l'intérieur leur a délégué un sous-préfet à l'investissement au niveau régional. Une partie de son travail porte sur France 2030. Dans chaque département le préfet de région délègue une personne auprès des préfets de département, qui sont chargés de diffuser l'information.

En PACA, nous allons qualifier des dossiers à titre expérimental pour travailler avec les territoires. Charge au préfet d'organiser cette préqualification comme il l'entend.

Je rejoins M. Gay concernant la diversification. J'ai pris la décision de faire figurer un jeune par jury quoi qu'il en soit, quelle que soit son origine, car nous travaillons pour les générations futures, et l'avis des jeunes est important. Je suis prêt à ouvrir le jury à d'autres personnes pour amener de la diversité.

Quant à nos rapports avec le haut-commissariat au plan, je ne voudrais pas me mettre en difficulté politique face à cette assemblée, car ce n'est pas mon rôle. Le SGPI, qui compte 45 personnes, a des rapports permanents avec le haut-commissariat, lui-même constitué d'une dizaine de personnes. J'ai eu deux rendez-vous avec M. Bayrou pour mettre nos actions en cohérence.

Je ne considère pas que France 2030 +-soit un plan, mais plutôt une mise en perspective d'une nouvelle société dans laquelle tous ces objets vont apparaître indispensables, dans une optique de souveraineté. Nous comptons sur les territoires pour monter des projets. Je n'arrête pas de demander qu'on nous en propose. Nous n'en avons pas assez.

Vous avez évoqué la formation : je suis « bluffé » par la dynamique de l'AMI en matière de compétences et de métiers d'avenir. Nous avons reçu 85 réponses lors de la première relève, 300 pour la deuxième, et je pense que nous allons dépasser les 500 réponses pour la troisième.

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