Intervention de Colonel Michel Goya

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 2 novembre 2022 à 9h30
Leçons de la guerre en ukraine — Audition du colonel michel goya historien spécialisé dans l'histoire militaire et l'analyse des conflits

Colonel Michel Goya :

Pour l'historien de la Première Guerre mondiale que je suis, la situation ressemble beaucoup à celle de 1918. Les Ukrainiens, comme les alliés à partir de l'été 1918, disposent d'une supériorité incontestable de leurs forces terrestres et peuvent marteler le front pour essayer d'ébranler le dispositif russe, devenu extrêmement passif.

Les Ukrainiens ont lancé deux grandes opérations, une du coté de Kherson complètement au sud, et l'autre complètement dans le nord. Ils conservent peut être la possibilité de lancer une troisième bataille. Le lancement d'une offensive ukrainienne au centre du front en direction de Melitopol aurait des conséquences considérables. Les Russes, certainement sur décision politique, ont décidé de tenir à tour prix la région autour de la ville de Kherson. Sur la rive droite, il y a environ 20 000 soldats russes et à peu près autant sur la rive gauche, soit au total à peu près un quart de toutes les forces russes. Cela montre bien qu'il s'agit d'une priorité incontestable pour eux. Le combat est extrêmement difficile pour les Ukrainiens mais ils progressent petit à petit. Les Russes vont très certainement se replier de l'autre côté du fleuve pour éviter de se retrouver piégé. Ce repli devrait servir à préparer une bataille urbaine de grande ampleur dans Kherson, pour en faire un « Stalingrad sur le Dniepr ». Les services ukrainiens prévoient cette bataille pour le mois de novembre, ce qui me paraît assez optimiste.

L'offensive ukrainienne dans le nord marque quant à elle un peu le pas, après les succès spectaculaires du mois de septembre. Nous ne sommes cependant pas à l'abri d'une accélération des opérations militaires. Les Ukrainiens s'approchent petit à petit de Svatove, noeud de communication dans le nord. La prise de ce point clé permettrait d'avancer beaucoup plus loin dans la province de Louhansk.

Dans tous les cas de figure, la reconquête complète de tous les territoires conquis par les Russes, y compris la Crimée, n'est pas concevable avant l'an prochain. Le processus sera relativement long. Il y a eu un croisement de courbes cet été en faveur de l'Ukraine. En matière militaire comme en politique, les courbes se croisent rarement deux fois ; les Ukrainiens ont donc aujourd'hui l'initiative militaire. Il n'est donc pas question pour eux d'arrêter et de se mettre à négocier. Les deux adversaires ont toujours l'espoir de pouvoir l'emporter ou d'obtenir de nouvelles conquêtes à court terme. La guerre devrait donc durer au moins jusqu'à l'an prochain.

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