Intervention de Colonel Michel Goya

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 2 novembre 2022 à 9h30
Leçons de la guerre en ukraine — Audition du colonel michel goya historien spécialisé dans l'histoire militaire et l'analyse des conflits

Colonel Michel Goya :

Il y a certes eu des débats mais il faut expliquer à la population les raisons de notre engagement.

Les Russes ont pris le prétexte de l'attaque de Sébastopol le 29 octobre pour dénoncer l'accord céréalier. Ce bombardement aérien et naval par drone a été un coup dur porté à la flotte russe. La Russie - qui possède une flotte puissante en mer Noire - se retrouve à subir d'importants revers et à devoir se replier à Novorossiisk dans le Caucase. De la même manière que les missiles anti-aériens rendent le ciel très dangereux pour les avions ou les hélicoptères russes, la mer (au moins aux abords des côtes) devient extrêmement dangereuse pour ces navires russes extrêmement coûteux. D'un point de vue politique, les Ukrainiens amènent la bataille sur le sol de Crimée. Il y a en Crimée un attachement beaucoup plus fort à la Russie que dans les territoires du Donbass récemment annexés. Les attaques sur la Crimée (base de Saki, pont de Kertch) contribuent à l'objectif de banaliser la guerre dans cette région. Pendant la guerre froide, cette méthode était désignée sous l'expression de « stratégie de l'artichaut ». Le but est de faire petit à petit la guerre dans un endroit qui, en principe, doit être sanctuarisé. Un bataillon finira peut être par débarquer en Crimée.

S'agissant de l'accord sur les céréales, je pense que les Russes finiront par revenir à la table des négociations. C'est un des rares sujets où il existait un accord entre Ukrainiens et Russes. La Turquie, qui joue un rôle majeur dans cette crise, devrait dénouer la situation. Cet embargo sur les céréales est un moyen pour la Russie de mondialiser le conflit.

Si j'étais ministre des armées, ma première décision concernerait les réserves. Dans la perspective de la LPM, un des éléments majeurs à intégrer est notre capacité à remonter en puissance. Face à une surprise stratégique qui impose un changement d'échelle, nous devons être capables de monter rapidement en puissance. Cela suppose de faire appel aux ressources de la nation et d'organiser une planification des réserves humaines et matérielles. Celle-ci ne s'improvise pas, comme le prouve l'exemple russe de mobilisation des réserves.

Un deuxième élément majeur concerne la politique d'équipement. Il faut réfléchir à la possibilité de disposer d'équipements plus rapidement accessibles, peut-être plus éphémères, moins coûteux et plus adaptables. Il nous faut gagner en souplesse, en imitant la méthode des États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale. Les Américains étaient alors capables de développer très rapidement des équipements militaires suffisants, efficaces, peu coûteux et produits en grande quantité.

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