Nous poursuivons nos travaux avec une table ronde consacrée au retrait-gonflement des sols argileux (RGA).
Vous le savez, ce phénomène de RGA pose des défis considérables à notre politique de prévention et d'indemnisation, sur les plans techniques, juridiques et financiers.
Ce risque naturel, également appelé phénomène de sécheresse-réhydratation des sols argileux, concerne 31 135 communes situées en zone d'aléa moyen ou fort, dont 12 000 communes fortement exposées, soit plus d'un tiers de nos communes. Les régions Île-de-France, Occitanie, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Nouvelle-Aquitaine sont historiquement les régions les plus touchées.
Le RGA se matérialise par l'apparition de désordres sur les maisons, qui peuvent à terme poser des problèmes de sécurité et de solidité du bâti, en plus de porter atteinte à la qualité de vie et à la valeur du patrimoine de nos concitoyens. Je pense à des fissurations sur le gros oeuvre et à des décollements, des affaissements ou des distorsions d'éléments de second-oeuvre.
Plusieurs facteurs jouent en la matière : la nature du sol, le contexte hydrogéologique, la géomorphologie, la végétation ou encore les défauts de construction. À ces facteurs de prédisposition, s'ajoutent des facteurs de déclenchement comme les conditions climatiques.
Ce phénomène, qui est déjà le deuxième poste de coûts du régime des catastrophes naturelles, derrière les inondations, va s'accentuer dans les prochaines années, que ce soit d'un point de vue géographique ou du point de vue de la gravité des dommages causés, du fait du dérèglement climatique, ce qui va poser des problèmes encore plus substantiels.
La proportion de dossiers « sécheresse » dans les demandes communales de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle est supérieure à 60 % depuis 2017. Ces demandes n'aboutissent souvent pas : le nombre de communes non reconnues en état de catastrophe naturelle pour la sécheresse s'élevait à 30 % en 2018 et à environ 50 % en 2019 et 2020. Enfin, dans les communes reconnues, environ 50 % des dossiers de sinistre ne sont pas pris en charge par les assureurs, d'après les éléments que nous avait indiqués le ministère de l'Intérieur lors de l'examen de la proposition de loi relative à l'indemnisation des catastrophes naturelles l'an dernier.
Face à cette situation, chacun s'accorde à dire que le cadre juridique actuel de traitement des conséquences du RGA, qui s'appuie sur la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, n'est pas satisfaisant en l'état, compte tenu des effets parfois très localisés des phénomènes, sur quelques habitations ou quartiers au sein d'une commune, et de l'absence de prise en compte de l'importance et de la gravité des dommages subis par les habitants.
Des évolutions sont intervenues ces dernières années, pour mieux appréhender ce risque pour le futur.
La loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan) du 23 novembre 2018 a posé un cadre de prévention pour les nouvelles constructions, qui a été récemment complété par une ordonnance du 29 juillet 2022 visant à renforcer le contrôle des règles de construction, prise en application de l'article 173 de la loi du 22 août 2021 dite « Climat et résilience ». Plusieurs décrets d'application manquent encore.
En revanche, le traitement des problèmes posés aux bâtiments actuels, déjà construits, n'a pas encore abouti.
Le Sénat a beaucoup travaillé sur ces sujets et en particulier notre collègue Nicole Bonnefoy, qui était rapporteur de la mission commune d'information sur la gestion des risques climatiques. Notre collègue avait notamment recommandé l'organisation d'une grande campagne d'information de la population sur le RGA et la mise en place d'un dispositif spécifiquement dédié au risque « sécheresse » au sein du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit fonds « Barnier ».
Ce travail avait été prolongé par le dépôt d'une proposition de loi, adoptée par le Sénat le 15 janvier 2020.
Puis, nous avons de nouveau eu l'occasion de travailler sur le RGA dans le cadre de l'examen parlementaire de la loi du 29 décembre 2021, portée par le député Stéphane Baudu et qui s'inspirait largement des travaux du Sénat.
Les dispositions proposées à l'article 8 par Pascal Martin, rapporteur de ce texte au nom de notre commission, avaient malheureusement été remplacées par une simple demande de rapport, qui n'a d'ailleurs toujours pas été remis alors qu'il aurait dû être transmis par le Gouvernement au Parlement au plus tard le 28 juin 2022.
Enfin, l'article 161 de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi « 3DS » du 21 février 2022 a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance dans un délai d'un an pour améliorer la prise en charge des conséquences du RGA sur le bâti au bénéfice des assurés sinistrés.
Récemment enfin, notre collègue Christine Lavarde, de la commission des finances, a mené un travail de contrôle spécifique sur ce sujet, dont nous attendons impatiemment les conclusions qui, à mon avis, seront calées sur la date de publication de l'ordonnance issue de la loi « 3DS ».
Pour aborder ces points et tenter d'en apprendre davantage sur les options à l'étude dans le cadre de la réforme à venir par voie d'ordonnance, nous recevons ce matin : M. Didier Valem, chef de service à la direction des affaires techniques et M. Christophe Boucaux, délégué général du pôle habitat à la Fédération française du bâtiment ; M. Franck Le Vallois, directeur général de la fédération France Assureurs ; M. Mayeul Tallon, chef du bureau des marchés et produits d'assurance à la direction générale du Trésor (DGT) du ministère de l'économie, des finances, de la souveraineté industrielle et numérique.
Je précise à l'ensemble des sénateurs présents que le format de cette table ronde a évolué jusqu'à la dernière minute et que je n'en suis pas satisfait. À la demande des ministères du pôle écologie, nous avions invité toutes les administrations compétentes sur ce sujet, qui travaillent en format interministériel à la préparation de l'ordonnance qui sera prise sur le fondement de l'article 161 la loi « 3DS ».
Nous avions donc convié la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN), la direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crise (DGSCGC) et la Direction générale du Trésor (DGT).
Certaines administrations considèrent que répondre à une invitation du Parlement est une option ; j'en prends acte et ferai part du fond de ma pensée au ministre chargé des relations avec le Parlement et au ministre de la transition écologique.
Nous aurons donc aujourd'hui le point de vue des professionnels de l'assurance et du bâtiment et uniquement celui de la direction générale du Trésor, qui devra nous retranscrire les débats internes au Gouvernement sur ce sujet.