Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 14 décembre 2022 à 15h00
Orientation et programmation du ministère de l'intérieur — Vote sur l'ensemble

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 12 août 1789, face à l’Assemblée nationale qui élabore notre future Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, Jean-Joseph Mounier, député du tiers état représentant, lors des États généraux, le Dauphiné, déclare : « La véritable liberté n’est que la sûreté des biens et des personnes ; cette sûreté n’a point d’autres fondements que le respect des lois. […] C’est la nécessité d’établir des lois et de les exécuter. »

Si, actuellement, nous parlons de sécurité plutôt que de sûreté, nous chérissons toujours autant nos libertés. Celles-ci ne peuvent s’exprimer pleinement que dans une société qui voit ses règles communes respectées. Nous n’avons donc aucune pudeur à affirmer combien le travail de la police et de la gendarmerie nationale est précieux !

C’est dans cet état d’esprit que s’est forgée mon opinion sur ce projet de loi de programmation, qui, pour l’essentiel, semble convaincant.

Les moyens budgétaires augmentent ; les perspectives indiquées dans le rapport sont bonnes.

Le Sénat a su corriger quelques aspects du texte pour qu’il soit mieux équilibré – j’y reviendrai notamment en parlant de l’amende forfaitaire délictuelle.

Nous avons aussi ajouté certains dispositifs particuliers qui sont les bienvenus. Je pense, par exemple, à celui de l’article 14 bis, qui supprime la nécessité de réitération ou de formalisation des menaces de mort pour encourir une sanction pénale. Je pense également à l’article 10 bis, qui permettra de reconnaître la qualité d’agent de police judiciaire aux élèves officiers de la gendarmerie nationale.

En bref, de manière générale, le groupe RDSE a toujours salué les apports de ce projet de loi. Cela étant, il a aussi fait preuve de réserves qui n’ont, hélas ! pas toutes été pleinement dissipées à l’issue du travail législatif.

Une première source de réserves a trait à l’amende forfaitaire délictuelle. Les dispositions du projet de loi initial ont vite été corrigées par notre hémicycle. Ce fut un ajustement heureux, et nous nous réjouissons de le retrouver dans le texte de la commission mixte paritaire. La liste des infractions susceptibles de faire l’objet d’une amende forfaitaire est strictement encadrée, et, mieux encore, la Haute Assemblée a pris soin de renforcer les droits des victimes en leur préservant la possibilité de se porter partie civile.

Une deuxième réserve touche à la suppression de la condition d’ancienneté appliquée aux policiers et gendarmes pour se présenter à l’examen d’officier de police judiciaire (OPJ). Nous peinons toujours à être convaincus. Notre groupe croit aux bienfaits de l’expérience, surtout dans ces métiers où la gravité des décisions et des actes est parfois vertigineuse.

Une troisième réserve est liée à la création des assistants d’enquête. Sur le principe, nous n’y sommes pas hostiles. Cela peut être une bonne chose, mais tout dépendra des modalités de mise en place. Je reprendrai quelques-unes des interrogations qu’avaient émises mes collègues Maryse Carrère et Nathalie Delattre au cours de nos débats : qu’en sera-t-il de leur formation et de leur encadrement, de leur rémunération, ou encore de leur répartition ? Espérons donc que tout soit fait pour que ce nouveau corps de métier soit effectivement en mesure d’apporter le soutien attendu à la police judiciaire.

Cela m’amène enfin à dire un mot sur la réforme en cours de notre police. Beaucoup de mes collègues ont relayé les inquiétudes qui entourent ce projet ; certes, il y en a dans nos territoires, mais je dirai seulement que la critique n’est pas unanime. Au cours de certaines auditions, j’ai pu entendre des voix en faveur des changements annoncés. Toujours est-il que cette réforme tend à diviser, et pourrait conduire à des ruptures. De ce point de vue, c’est regrettable.

Le Sénat a bien fait de rappeler la nécessaire prise en compte des spécificités de la police judiciaire dans le cadre de la réforme de l’organisation de la police nationale. Il faut que le Gouvernement trouve le moyen de rassurer les agents préoccupés par ces bouleversements à venir, ne serait-ce que pour ménager ces hommes et ces femmes qui œuvrent quotidiennement à la sécurité de nos concitoyens et au bien public de notre nation.

Ces remarques n’ôtent pas à ce projet de loi ses qualités, que je rappelais dans mon propos introductif. Notre groupe y sera donc très favorable.

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