Intervention de Fabien Gay

Réunion du 7 décembre 2022 à 15h00
Hausse des prix de l'énergie pour les collectivités territoriales — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Fabien GayFabien Gay :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a le texte, qui réclame le retour aux tarifs réglementés du gaz et de l’électricité, et il y a le contexte. Permettez-moi de commencer par ce dernier.

En tant que groupe minoritaire et d’opposition, nous disposons d’une ou de deux niches parlementaires par an. Il nous faut donc évidemment bien choisir nos textes. Pour cela, deux solutions s’offrent à nous.

Nous pouvons, parce que notre projet politique est à l’opposé de celui de la majorité sénatoriale, choisir de déposer un texte pour combattre politiquement celle-ci et marquer des points. Nous l’avons déjà fait dans cet hémicycle en débattant de la renationalisation des concessions autoroutières, de l’interdiction de toute coupure d’énergie tout au long de l’année ou d’un pôle public du médicament.

Ce faisant, il arrive parfois qu’une position minoritaire devienne majoritaire. L’idée d’inscrire l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution, par exemple, continue de faire son chemin, et un texte en ce sens a même été adopté par l’Assemblée nationale.

De même, une proposition de loi tendant à la création d’une délégation parlementaire aux droits de l’enfant sera débattue de nouveau demain au Sénat ; nous nous en réjouissons et espérons qu’elle sera adoptée.

La seconde option consiste à trouver une position qui rassemble, l’idée ayant fait son chemin dans la société ou dans notre hémicycle. Saluons, par exemple, la revalorisation des retraites agricoles, proposée par mon ami André Chassaigne.

Je me réjouis également que nous soyons parvenus à nous mettre d’accord, que ce soit, sous l’impulsion de ma collègue Cécile Cukierman, lorsque les aides personnelles au logement (APL) avaient été rabotées de 5 euros par le ministre Julien Denormandie, ou encore pour que nous puissions avoir voix au chapitre sur l’accord économique et commercial global (Ceta).

Je dois vous dire, mes chers collègues, que nous pensions que cette proposition de loi, qui vise à revenir à des tarifs réglementés du gaz et de l’électricité pour toutes les collectivités, entrerait dans la seconde catégorie.

En effet, la situation est extrêmement grave pour nos collectivités. Nous connaissons tous les raisons de la situation actuelle : la guerre en Ukraine, l’arrêt d’une partie de nos centrales nucléaires – nous en avons parlé lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement –, qui a fait de nous, alors que nous étions des exportateurs nets, des importateurs nets d’électricité et, bien sûr, la dérégulation du marché.

Nous aurons d’ailleurs à débattre de la question du marché européen de l’électricité. Sur ce sujet aussi, je vois que même les ministres bougent. Pendant des années, vous nous avez ri au nez lorsque nous disions qu’il ne fonctionnait pas. Désormais, même le ministre de l’économie et des finances dit qu’il faut découpler les prix du gaz et de l’électricité – tant mieux !

Il faudra tout de même un jour nous expliquer comment un marché sans stock peut s’organiser. Car le principe d’un marché libre, c’est une production qui rencontre une demande. Or il n’y a actuellement pas de stock d’électricité. Nous subissons donc une pure spéculation, qui nous affecte, nous et nos collectivités.

Toutes nos collectivités font face à ce problème, quels que soient leur couleur politique, leurs choix budgétaires ou leur taille. Et comme, ici, il n’y a que des sénateurs et sénatrices de terrain, vous avez dans vos circonscriptions les mêmes discussions que les sénateurs et sénatrices communistes dans les leurs.

Dans mon département de la Seine-Saint-Denis, si vous demandez aux élus les augmentations de leur budget, le maire de Noisy-le-Sec vous répondra : « +800 000 euros », celui de Neuilly-sur-Marne : « +1 million d’euros » et le président de département : « +30 millions d’euros » !

Comme vous le voyez, j’ai pris tout l’arc républicain politique de la Seine-Saint-Denis. Et dans chaque département, c’est la même chose !

Certes, nos collectivités sont inventives. Mais les problèmes qu’elles rencontrent sont particulièrement difficiles à surmonter : l’inflation touche non seulement l’énergie, mais aussi les matières premières. Les personnes qui gèrent des collectivités ou des cantines scolaires voient bien les difficultés à boucler les budgets.

Or, il faut le dire, les prix de l’électricité, comme ceux du gaz, ne redescendront pas. La crise est durable.

Ainsi, nos collectivités sont face à un dilemme : soit elles augmentent les impôts, ce qui, nous en conviendrons toutes et tous, est impossible ; soit elles s’endettent pour financer un budget de fonctionnement, ce qui est ingérable ; soit elles ferment des services publics, ce qui est évidemment impensable. Il est donc demandé à nos maires de bricoler.

Faut-il baisser le chauffage dans les écoles ou les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ? Je vous laisse vous en charger. Faut-il ne pas chauffer les piscines en plein hiver ? Je ne connais personne qui ait envie de se baigner dans une eau à 12 degrés… Faut-il demander aux usagers des bibliothèques de garder leurs manteaux pour aller consulter un livre, sous peine de les voir en ressortir comme des pingouins ?

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