Intervention de Jean-Claude Tissot

Réunion du 7 décembre 2022 à 15h00
Hausse des prix de l'énergie pour les collectivités territoriales — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Jean-Claude TissotJean-Claude Tissot :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tout d’abord, je tiens à remercier les auteurs de cette proposition de loi : ils nous permettent, une nouvelle fois, de débattre et d’échanger sur les difficultés que rencontrent les collectivités territoriales pour faire face à l’explosion de leurs factures énergétiques.

Cette crise énergétique, sur laquelle nous pourrions revenir à l’occasion de chacun de nos débats, a des causes multiples et n’est pas seulement une conséquence de la guerre en Ukraine. Elle illustre aussi l’échec du marché européen de l’énergie, où la course aux profits a trop longtemps remplacé l’idée de souveraineté énergétique et de défense de l’intérêt général.

La période difficile que nous traversons, que ce soit pour les ménages, les entreprises ou les collectivités, est également symbolique des erreurs du modèle énergétique français, une multitude de choix ayant été faits trop tardivement pour des enjeux de long terme.

N’oublions pas que le retard de la France en matière de développement des énergies renouvelables va nous coûter plusieurs centaines de millions d’euros, faute d’avoir atteint les objectifs contraignants de l’Union européenne.

À cet égard, les divergences entre les États membres de l’Union européenne retardent fortement la prise des décisions sur les enjeux stratégiques pour le marché de l’énergie, qu’il s’agisse du plafonnement du prix du gaz, des achats en commun ou du découplage entre le prix de l’électricité et celui du gaz.

Dès lors, madame la ministre, les collectivités territoriales, garantes du bon fonctionnement de leur territoire et de leurs services publics, se trouvent acculées par des factures dont l’augmentation varie entre 30 % et 300 % pour le gaz et l’électricité. Ces hausses pourraient même représenter pour certaines communes jusqu’à plusieurs millions d’euros supplémentaires par rapport à leur budget prévisionnel annuel.

La seule solution dont disposent les collectivités, particulièrement les communes, est de restreindre ou de limiter les équipements et les services publics locaux. Mes chers collègues, nous avons tous malheureusement connaissance de communes qui font le choix de fermer des locaux municipaux pour faire face à leurs dépenses énergétiques.

Des conséquences directes sont aussi à craindre sur le traitement de l’eau et la gestion des déchets, qui sont des missions de service public particulièrement énergivores, mais indispensables à la vie en collectivité.

Il paraît inconcevable que les collectivités territoriales et leurs habitants subissent de manière aussi importante les conséquences des erreurs stratégiques de l’État et du Gouvernement.

Madame la ministre, vous nous répondrez très certainement, comme vous l’avez déjà fait dans votre propos liminaire, que le Gouvernement a pris toute sa part pour alléger les difficultés que rencontrent les collectivités dans ce contexte inflationniste, et nous ne vous donnerons pas totalement tort.

Malheureusement, ces mesures sont souvent trop limitées, notamment du fait des critères conditionnant le bénéficie du bouclier tarifaire. En outre, très logiquement, leur arrêt est programmé à court terme, ce qui empêche les collectivités d’avoir une bonne visibilité budgétaire.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui répond à une logique de long terme, en permettant l’accès aux tarifs réglementés de vente d’électricité et de gaz dans les périodes de crise, mais aussi lors des retours à la normale.

Afin de répondre aux préoccupations des collectivités, nous avons collectivement obtenu, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, malgré les fortes réserves du Gouvernement, un élargissement du filet de sécurité aux collectivités, même si nous l’aurions souhaité plus ambitieux.

L’amortisseur électricité, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2023 pour les collectivités non éligibles au TRVE, est une bonne nouvelle, même si les seuils et les montants couverts auraient pu être plus larges, notamment pour les premiers mois de l’hiver 2023.

Toutefois, les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain pensent que les tarifs réglementés de vente peuvent apporter une réponse plus concrète et plus durable aux collectivités territoriales, en permettant un retour à la finalité première des TRV : la protection des usagers, de tous les usagers.

Nous partageons le point de vue présenté dans l’exposé des motifs de cette proposition de loi : la réglementation des tarifs symbolise parfaitement la nécessité d’une intervention publique dans le secteur hautement stratégique qu’est l’énergie, ainsi que l’indispensable engagement de l’État pour préserver les collectivités territoriales.

Ainsi, lors de l’examen de ce texte, nous soutiendrons l’élargissement du bouclier tarifaire à l’ensemble des collectivités territoriales, par l’accès à un tarif réglementé de vente de l’électricité qui soit décorrélé des prix du marché.

Comme cela a été dit précédemment, cette mesure permettra aux collectivités de faire face à l’urgence de la crise énergétique en accédant au bouclier tarifaire le temps de son application. Elle constituera également une réponse de long terme, afin que les collectivités n’aient plus à subir la volatilité extrême des prix du marché de l’énergie.

L’article 2 du texte prévoit une mesure de bon sens : le rétablissement des tarifs réglementés de vente de gaz.

Dans le contexte actuel, nous le savons tous, il est inconcevable que les collectivités territoriales ne puissent plus conclure de nouveaux contrats aux tarifs réglementés de vente de gaz et que l’extinction définitive des TRVG, prévue le 30 juin 2023, s’applique aux collectivités dont le contrat est toujours en cours.

Bien sûr, lors de l’examen de cette proposition de loi par la commission des affaires économiques, nous avons parfaitement entendu les remarques de M. le rapporteur sur l’incompatibilité de ce texte avec le droit européen.

Toutefois, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutiendra cette proposition de loi. Nous considérons en effet qu’elle peut permettre de lancer un appel et d’instaurer un nouveau rapport de force lors des négociations européennes sur la question de l’énergie.

En effet, il est indispensable que l’énergie soit considérée comme un bien de première nécessité, un bien commun, dont l’organisation ne peut être laissée au seul marché. Pour cela, l’énergie doit être reconnue comme un service public ou, pour utiliser le langage de la Commission européenne, un service d’intérêt économique général, qui suppose une maîtrise publique de la politique tarifaire.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutiendra cette proposition de loi.

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