Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chauffage des écoles, fermeture des piscines, appels à la sobriété énergétique : nos collectivités territoriales sont aujourd’hui en première ligne dans la crise et elles subissent de plein fouet les conséquences de l’explosion de la facture d’énergie. Je salue donc l’initiative de nos collègues du groupe CRCE, ainsi que le travail de notre rapporteur.
Il est primordial de mettre en lumière les difficultés qu’éprouvent nos collectivités pour accéder à l’énergie à un prix compétitif. Nous partageons tous, je crois, les constats dressés par les auteurs de cette proposition de loi. En effet, depuis le printemps 2022 et le déclenchement de la guerre en Ukraine, les prix de marché du gaz et de l’électricité connaissent une hausse record et atteignent des niveaux inédits, ce qui pénalise directement l’ensemble des collectivités territoriales.
L’onde de choc provoquée par la crise internationale, amplifiée par notre dépendance au gaz russe, a touché les particuliers, les acteurs économiques et associatifs, ainsi que nos collectivités territoriales. Entrés de plain-pied dans cette « économie d’externalités » que décrivait récemment Jean Pisani-Ferry, nous ne pouvons rester muets.
Si d’importants dispositifs d’aide ont été mis en place par l’État, à l’image du récent amortisseur électricité, le compte n’y est pas totalement.
Mes chers collègues, nos collectivités territoriales tirent la langue : l’augmentation des prix va de 30 % à 300 % pour l’électricité comme pour le gaz ! Une telle explosion de la facture n’est tout simplement pas tenable pour des finances locales souvent fragiles, parfois exsangues. Les élus locaux sont démunis.
Dans cette crise énergétique, notre soutien à nos collectivités doit être total, et l’État doit prendre ses responsabilités pour les accompagner face aux répercussions néfastes de ce choc exogène.
Si nous partageons donc le diagnostic établi, nous ne souscrivons pas aux propositions que les auteurs de ce texte formulent. En effet, l’extension de l’éligibilité au tarif réglementé de vente de l’électricité à l’ensemble des collectivités territoriales et à leurs groupements, ainsi que le maintien du tarif réglementé de vente du gaz pour les mêmes acteurs, est un non-sens du point de vue du droit de l’Union européenne, vu la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
À l’heure où la réalisation d’une Union européenne de l’énergie est plus que jamais nécessaire pour assurer notre souveraineté énergétique et garantir la sécurité de notre approvisionnement en énergie, il serait inopportun d’aller à rebours de ce projet.
Pour diminuer la facture énergétique, il nous semble plus pertinent d’agir à l’échelle européenne, en faveur de la mise en œuvre des réformes structurelles figurant à l’agenda de la Commission européenne et des États membres.
Le découplage des prix de l’électricité et du gaz doit ainsi être notre priorité. Actuellement, le prix de l’électricité est aligné sur celui du gaz, ce qui conduit à gonfler artificiellement le prix de l’électricité produite par d’autres sources d’énergie, notamment le nucléaire et les énergies renouvelables. Cela ne peut plus durer.
La finalisation du mécanisme de plafonnement du prix du gaz à l’échelle européenne, s’appuyant notamment sur la bourse TTF (Title Transfer Facility), est une autre perspective que nous devons explorer rapidement, afin de contrôler l’envolée des prix.
C’est en agissant collectivement, avec l’ensemble de nos partenaires européens, que nous réussirons à aider nos collectivités.
Par ailleurs, cette proposition de loi se heurte à une série d’obstacles constitutionnels. Par exemple, EDF est le seul fournisseur à pouvoir proposer le TRVE. Quid des fournisseurs alternatifs et de l’effectivité du principe de libre concurrence ? Celui-ci est consacré par le juge constitutionnel…
De plus, le calcul des tarifs réglementés prend en compte l’ensemble des coûts des fournisseurs. La hausse des coûts de production et d’acheminement de l’énergie serait donc répercutée directement sur le tarif proposé : méfions-nous, mes chers collègues, des miroirs aux alouettes !
Je salue donc la proposition, formulée en commission par notre collègue Franck Montaugé et le groupe SER, de déposer une proposition de résolution européenne visant à alerter le Gouvernement sur l’urgence d’agir au niveau européen pour réformer le marché de l’électricité et du gaz.
C’est pour ces raisons que la majorité de mes collègues du groupe UC et moi-même, sans idéologie ni dogmatisme et en nous méfiant des remèdes miracles, ne voterons pas en faveur de cette proposition de loi.
Mme Catherine MacGregor, directrice générale d’Engie, entendue hier à l’Assemblée nationale par la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France, a déclaré : « La souveraineté énergétique doit aussi être pensée à l’échelle européenne. »
Nous devons être pragmatiques et trouver une réponse adaptée et efficace aux défis posés par la hausse de la facture énergétique, afin d’accompagner nos collectivités territoriales.