Pour y parvenir, nous avons besoin de changer de paradigme et de nourrir une grande ambition publique, sans laquelle rien ne sera possible. Nous ne pourrons y arriver sans un soutien de l’État à l’ensemble des autorités organisatrices de la mobilité. Permettez-moi de pointer au passage les dispositions qui ont été annoncées hier, auxquelles nous ne sommes évidemment pas insensibles.
Le ferroviaire, qui est le mode de transport écologiquement le plus vertueux, est le seul qui paie l’intégralité de ses coûts ! En ces temps de crise de l’énergie, réaffirmons que le fer est plus résilient que l’aérien et la route. Il serait d’ailleurs légitime de reconnaître les externalités négatives des autres modes quand il s’agit d’aborder le coût réel du ferroviaire.
La transition aura aussi une incidence sociale, qui peut se révéler positive. Il faut, pour cela, que les tarifs du train soient attractifs, quand on sait qu’un véhicule individuel, en comptant l’assurance, l’entretien ou encore le carburant, coûte en moyenne 5 000 euros par an aux automobilistes.
Le transport ferroviaire n’est pas seulement écologique. Il est aussi un soutien majeur au pouvoir d’achat des Français, à condition que nous nous en donnions les moyens.
Malgré la reprise de 35 milliards d’euros de la dette de SNCF Réseau et les fonds du plan de relance en faveur du fret et des trains de nuit, nous savons qu’il manque au moins 1 milliard d’euros par an aux gestionnaires d’infrastructures pour envisager un maillage équilibré du territoire et offrir une solution de mobilité de rechange à nos concitoyens.
Et comme nous raisonnons sur le long terme, il eût été raisonnable de commencer dès maintenant. Tel fut d’ailleurs l’objet – je l’indique au passage – de l’un des amendements que nous avons soumis au débat dans le cadre du PLF, vendredi dernier, en séance publique dans cet hémicycle.
Nous savons que notre réseau vieillit. Sa moyenne d’âge est en effet de 29 ans, contre 17 ans en Allemagne. Accélérons donc sa régénération et sa modernisation, pour augmenter la sécurité et les fréquences sur les sillons, en adoptant une réelle stratégie, ce qui n’est, hélas, pas le cas aujourd’hui.
Nous ne pouvons pas nous contenter de considérer qu’il suffit d’ouvrir le ferroviaire à la concurrence pour répondre aux besoins de modernisation du réseau, ainsi qu’à la nécessité de développer les territoires et de sauver les petites lignes ferroviaires.
On remarquera, du reste, que les initiatives locales et solidaires et autres coopératives ou ferroviaires qui ont émergé dans les territoires qui nourrissent des ambitions de réouverture de certaines lignes se heurtent aussi à des difficultés résultant de l’insuffisance des moyens affectés à la réhabilitation des infrastructures.
Nous devons soutenir l’industrie, car celle-ci emporte des conséquences positives sur l’emploi. Cela passe par la relance et la pérennisation de filières utiles à notre économie.
Enfin, pour mesurer les limites du pari de l’ouverture à la concurrence, il suffit de se référer à ce qui s’est passé dans le fret ferroviaire pour constater qu’il y a loin de la coupe aux lèvres.
Tout le monde s’accorde aujourd’hui pour reconnaître que, si rien d’exceptionnel n’est fait au plus vite, les objectifs annoncés pour 2030 ne seront atteints ni pour le fret ni pour le transport des voyageurs. De petites lignes risquent d’être fermées, des réseaux ne seront pas entretenus et les objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre seront manqués.
Plus près de nous, lors des débats sur la future loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, et dans le cadre d’une mission d’évaluation conduite par le Sénat, des préconisations en faveur d’une reconquête du transport ferroviaire, qu’il s’agisse du fret ou des voyageurs, ont été retenues.
Depuis le débat sur le projet de loi de finances rectificative pour 2022, tous les groupes politiques du Sénat sont d’ailleurs intervenus pour pointer cet objectif. Ce fut encore le cas la semaine passée, à l’occasion des débats relatifs au projet de loi de finances pour 2023.
La présente proposition de résolution (PPR) nous donne l’occasion d’y revenir. Et l’argument de la reprise de la dette ne doit pas être utilisé pour s’interdire de nouveaux investissements ou le nécessaire développement du ferroviaire, en France comme en Europe.
La résorption de la dette doit maintenant se conjuguer avec le développement du mode ferroviaire. Telle est bien l’ambition que se fixe cette PPR.