Intervention de Jacques Fernique

Réunion du 7 décembre 2022 à 15h00
Développement du transport ferroviaire — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Jacques FerniqueJacques Fernique :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le ferroviaire est une réponse à de nombreux enjeux : la mobilité et la réduction des ségrégations spatiales, la fin des énergies fossiles, la défense du pouvoir d’achat et la reconquête industrielle. Il est également un vecteur de la transition écologique.

Les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires saluent donc l’initiative de leurs collègues du groupe communiste et voteront la présente proposition de résolution.

Sans un changement de braquet, les prochaines années seront marquées par un déclin inexorable de la performance du réseau – ce n’est pas moi qui le dis, c’est SNCF Réseau.

Monsieur le ministre, c’est peu de dire que la politique globale des transports que vous menez aujourd’hui paraît insuffisamment structurée pour parvenir à l’objectif ambitieux de doublement de la part modale d’ici à 2030, tant pour les voyageurs que pour le fret.

Pour le fret, l’atteinte de cet objectif de doublement nous permettrait simplement – il faut le noter – de rejoindre la moyenne européenne actuelle, qui s’établit à 20 %, sachant que l’objectif européen pour 2030 est de 30 %.

Si votre gouvernement a commencé à pallier le manque criant d’investissements des dernières décennies, les 2, 9 milliards d’euros par an prévus pour SNCF Réseau au titre de son contrat de performance sont insuffisants. Je note d’ailleurs qu’une bonne part de cette enveloppe dépend de la forte hausse programmée des tarifs des péages ferroviaires, qui sont déjà parmi les plus chers d’Europe.

Il faudra aller plus loin – vous le dites vous-même, monsieur le ministre. Mais, on le sait, un tien vaut mieux que deux tu l’auras.

Le tant attendu rapport du Conseil d’orientation des infrastructures sera bien sûr déterminant : il sera la référence à l’aune de laquelle une loi de programmation ferroviaire pourra être votée pour planifier l’effort et permettre à nos collectivités de plancher, en concertation, sur la définition, la déclinaison et le déploiement de projets structurants pour nos territoires.

Le redéploiement d’un véritable réseau de trains de nuit en France et vers l’Europe devra être intégré à cette programmation pluriannuelle. On ne peut en effet se contenter de deux lignes de train de nuit.

Si la Commission européenne a récemment donné le feu vert à l’interdiction, en France, des liaisons aériennes d’une durée inférieure à deux heures trente, elle relève que, sur les six liaisons qui pourraient entrer dans le champ de cette interdiction, trois en seront exclues en raison de l’absence d’une solution de rechange ferroviaire adaptée.

Sans changement urgent de braquet, de nombreuses lignes risquent de dépérir. En vingt-cinq ans, nous avons perdu l’équivalent du réseau ferroviaire suisse en France.

Le réseau ferroviaire est vieillissant et, pour sa modernisation, pour garantir une offre de transport structurée, aucun modèle de financement durable n’a vraiment été défini. Nous payons le renoncement historique à rééquilibrer la concurrence entre le rail et la route par l’instauration d’une redevance pesant sur les donneurs d’ordres du fret routier. C’est pourtant l’un des leviers de réussite du transfert modal dans d’autres pays d’Europe.

Au lendemain de nos débats budgétaires, aucun basculement d’ampleur vers le ferroviaire ne se lit de façon précise. À ce titre, puisqu’il n’a pas été politiquement possible d’actionner le levier du versement mobilité, la réduction du taux de TVA à 5, 5 % sur les titres de transport en soutien aux opérateurs, qui font face à la hausse des coûts de l’énergie, doit absolument être adoptée par la commission mixte paritaire.

Il est vital de prendre des mesures exceptionnelles pour maintenir ces services publics essentiels des transports en commun du quotidien et pour éviter d’envoyer le signal désastreux selon lequel les hausses des tarifs des transports en commun coïncideraient avec les aides au carburant consenties en faveur des « autosolistes ».

À ce titre, l’aide qui vient d’être annoncée en faveur des transports en commun, d’un montant de 300 millions d’euros – 200 millions d’euros pour Île-de-France Mobilités et 100 millions d’euros pour les régions – va assurément dans le bon sens, car sans soutien au secteur ferroviaire, la part du train s’érodera.

Enrayons cette dérive, en construisant avec les autorités organisatrices de transports (AOT) et avec les territoires les conditions d’un choc de l’offre ferroviaire.

Telle est la voie ouverte par l’Eurométropole de Strasbourg, qui, avec le soutien de la région Grand Est, a récemment mis en service le réseau express métropolitain européen. Elle a ainsi réalisé le potentiel de développement ferroviaire et intermodal permis par un renforcement des infrastructures, lui-même obtenu par feu la région Alsace et réalisé conjointement par l’Europe, l’État et la région en dix ans.

Qu’une telle ténacité et une coopération aussi positive puissent inspirer l’action publique nationale et décentralisée pour lancer, dès maintenant, ce renouveau ferroviaire !

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