Intervention de Martine Filleul

Réunion du 7 décembre 2022 à 15h00
Développement du transport ferroviaire — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Martine FilleulMartine Filleul :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « le progrès ne vaut que s’il est partagé par tous ». Au début des années 1990, la SNCF reprenait fièrement cette citation d’Aristote, en guise de slogan publicitaire.

Pourtant, aujourd’hui, à l’heure où le développement du rail s’impose comme une arme incontournable pour limiter nos émissions de carbone et éviter la congestion du réseau routier, des voyageurs, partout dans notre pays, vivent au rythme de la galère des transports. Il s’agit de cette France qui se lève tôt et qui arrive en retard, de la France des trains à l’arrêt.

Dans ma région des Hauts-de-France, les mêmes scènes se répètent quotidiennement pour les usagers du TER. Dans les gares devenues des salles des pas perdus, les voyageurs craignent chaque matin de découvrir que leur train a été supprimé, faute de conducteur, de contrôleur ou de matériel.

En quelques années à peine, la situation s’est dégradée à tous les étages, partout en France. Liaisons régionales, TGV, aucun train n’est épargné. Le taux de régularité que la SNCF tente de maintenir difficilement tous les jours est un exploit au regard de la vétusté de notre réseau. À la lumière de ce constat, nous pouvons affirmer que, oui, la SNCF est en voie de clochardisation.

Pour autant, les Français ont envie de trains. Quelque 12 millions de billets ont été vendus pour le seul été 2022 – un record ! –, alors même que les billets étaient hors de prix pour une partie de nos concitoyens et que les trains, pris d’assaut, affichaient complet.

En cette période où les prix de l’essence se sont envolés, le train est porteur de la promesse d’une concurrence optimale de la voiture. Et les Français sont au rendez-vous tant que le service est de qualité et abordable.

Ayons de l’ambition ! Il est plus qu’inadmissible que nous soyons aujourd’hui rendus à baisser la vitesse commerciale d’exploitation parce que le réseau n’a pas été entretenu ou modernisé. Nous sommes à l’os, alors que, en parallèle, nos voisins européens se lancent dans des dispositifs innovants, comme la digitalisation de leur réseau, opérant une maintenance prédictive par le biais de capteurs pour intervenir avant que le matériel ne casse et ne mette le réseau à l’arrêt.

Le réchauffement climatique met de plus nos infrastructures ferroviaires à rude épreuve. Les équipements doivent être adaptés et homologués face à ces changements.

Alors que la SNCF est déjà à la peine pour entretenir son réseau en raison du manque de soutien de l’État, je comprends qu’il paraisse inconcevable de mettre en place des dispositifs innovants, de développer ou de redévelopper le train de nuit, le fret et l’intermodalité.

Je citerai, par exemple, l’abandon de deux plateformes trimodales connectées au réseau ferré pour le projet de canal Seine-Nord. Que d’argent public et de possibilités de développement économique gâchés !

De manière plus globale, Jean-Pierre Farandou, président-directeur général de la SNCF, que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a reçu à plusieurs reprises, évalue les besoins de la SNCF à 100 milliards d’euros sur quinze ans.

Une grande loi de programmation ferroviaire de planification et d’évaluation des besoins annuels au long cours s’impose. Au lieu de cela, par le contrat de performance 2021-2030, le Gouvernement a renforcé la règle d’or de SNCF Réseau, contraignant sa capacité d’endettement et l’obligeant à réaliser des efforts de productivité inatteignables.

Faute d’un niveau d’investissements suffisants et dans un contexte d’ouverture à la concurrence, cette disposition risque d’affaiblir la SNCF et de susciter chez les usagers une hostilité accrue.

Nous refusons de voir cette stratégie mener à une privatisation. L’erreur serait majeure. Le rail a historiquement besoin de subventions publiques, que ce soit dans notre pays ou chez nos partenaires européens, qui n’hésitent pas y recourir.

C’est en ce sens que mon collègue Olivier Jacquin a déposé, en juillet dernier, une proposition de loi visant à développer le transport ferroviaire de voyageurs et de marchandises en libérant SNCF Réseau de son carcan réglementaire et budgétaire, afin de répondre à l’urgence écologique.

Le groupe socialiste du Sénat a également déposé un amendement au PLF visant à renforcer le soutien au ferroviaire à hauteur de 3 milliards d’euros. Ce montant est certes important, mais il est indispensable pour répondre à l’impératif de régénération et de modernisation du réseau.

Le même amendement, déposé par les députés socialistes, a d’ailleurs été largement adopté par l’Assemblée nationale en séance publique, mais il n’a pas été retenu par le Gouvernement dans le texte soumis au 49.3.

Dans ces conditions, le groupe socialiste ne peut que saluer cette proposition de résolution relative au développement du transport ferroviaire, qu’il votera.

Il est grand temps de renverser la vapeur. Faisons le pari du train, afin que, à l’heure de l’impératif climatique, les Français retrouvent confiance dans leur réseau ferré !

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