Nous avons le devoir de nous hisser au-dessus de ces clivages pour prendre des décisions. Nous encourageons ce sursaut qui doit naître sur les mobilités ferroviaires, car nous devons donner la priorité à l’aboutissement des projets comme le Grand Paris Express ou les voies d’accès au tunnel Lyon-Turin, sujet cher à Martine Berthet, ou bien encore la sauvegarde des petites lignes, vitrine d’une France périphérique trop souvent laissée de côté.
Nous sommes tous, sur ces travées, un peu amers que les transports soient continuellement les grands absents des campagnes présidentielles et des débats qui se tiennent alors. Malgré cela, le train envahit l’actualité et devient un élément pivot de réponse aux crises de notre temps.
Toutefois, l’acuité médiatique du train demeure inversement proportionnelle au pourcentage de PIB injecté chaque année dans le financement du transport public. Le retard pris est si grand que les investissements de régénération permettent tout juste de stopper la dégradation du réseau. Le montant d’investissement par habitant est ridiculement bas, seulement 40 euros en France quand il est de 395 euros en Suisse et 95 euros en Italie.
Ce sous-investissement chronique s’est dernièrement manifesté par son nouveau totem – vous l’avez mentionné, mon cher collègue –, le contrat de performance. Ce document-cadre fait courir un risque majeur à nos infrastructures : il prévoit des investissements de renouvellement notoirement insuffisants et fait l’impasse sur la modernisation du réseau.
Pour traduire l’ambition du train et favoriser le retour des Français dans les rames, il faut investir davantage, rattraper le temps perdu et ne pas dépenser en décisions vaines celui que l’on devrait consacrer à l’action.
En cohérence, certains de mes collègues l’ont rappelé, nous avons fait voter au Sénat, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, 150 millions d’euros supplémentaires pour la régénération du réseau.
Monsieur le ministre, sans vous cacher éternellement derrière le Conseil d’orientation des infrastructures, donnez au ferroviaire des chances au moins équivalentes à celles qui sont octroyées aux filières automobile et aéronautique sans pour autant les opposer.
Nos attentes sont vives, car elles portent une exigence rehaussée et équilibrée. Il ne s’agit pas de se tourner vers la facilité d’annonces solennelles aux pieds d’argile, comme celles qu’a faites le Président de la République sur les RER métropolitains : pour l’instant, ils sont remisés aux ateliers de maintenance sans aucune trajectoire financière.
Je suis conscient de la complexité de notre demande et des capacités limitées de SNCF réseau. C’est pour cela que nous ne pouvons pas nous cantonner aux seules sirènes de cette proposition de résolution, qui affiche de grandes ambitions sans y adjoindre les solutions pour y arriver : performance, productivité, trajectoire de l’État en très forte révision, ou bien lutte contre le poison des péages ferroviaires.
Je ne peux pas non plus en valider totalement la portée tant elle cache mal, en arrière-boutique, une opposition plus dogmatique que réaliste et une certaine complaisance.
L’opposition dogmatique, tout d’abord, tient au fait de rejeter en bloc le champ de l’ouverture à la concurrence. À la différence des auteurs de ce texte, je crois à cette ouverture, car elle responsabilise les acteurs et leur évite de se complaire dans les travers du monopole. La concurrence ferroviaire doit se traduire, selon moi, par une offre accrue de trains et par des péages ferroviaires rendus à terme plus accessibles.
La complaisance, ensuite, vient du refus de porter un regard objectif, voire quelquefois critique, par idéologie, sur le champ social miné. Alors que l’État s’est engagé à reprendre 35 milliards d’euros de la dette de la SNCF et que l’entreprise a également bénéficié d’une recapitalisation, les contribuables français ne cachent plus leur crispation face aux grèves à répétition, qui ruinent nos efforts collectifs, ainsi que ceux de l’opérateur pour satisfaire les usagers à des moments importants et souvent festifs de leur vie.
Toutefois, je sais bien que parmi les syndicats et les cheminots, beaucoup se distinguent en restant attachés à la qualité du service et à l’amour de leur travail.
Fidèle à mon héritage politique et sans être prisonnier des vieilles lunes dogmatiques, je crois au ferroviaire par conviction. Notre groupe, cher Didier Mandelli, s’honore de réclamer un effort de rattrapage, de modernisation et de performance ferroviaire, mais il s’abstiendra sur cette proposition de résolution, qui malgré des constats bienveillants que je partage, reste prisonnière d’une idéologie quelquefois un peu trop politique sur les deux sujets que je viens d’évoquer.