Intervention de François Toujas

Commission des affaires sociales — Réunion du 14 décembre 2022 à 9h30
Audition de M. François Toujas président de l'établissement français du sang

François Toujas, président de l'Établissement français du sang :

Pour ce qui concerne les points de collecte, il faut rappeler les conséquences de la crise épidémique sur le niveau d'absentéisme, qui est de deux à trois points au-delà de ce taux avant la crise, en 2019. Nous avons engagé, dans un souci d'efficience, une réorganisation de la collecte sous forme d'une concentration : nous sommes passés d'environ 40 000 collectes mobiles à 29 000. Il faut accompagner cette mesure dans les territoires ruraux car, s'il n'y a plus de collecte localement, il n'y aura plus d'associations pour le don du sang. Des associations ont ainsi mené des actions cantonales.

Sur la question du financement, nous avons dû nous mettre en conformité avec le droit européen. Lors de la création de l'ESF, son régime de TVA n'y était pas conforme, ce qui a été découvert un peu tardivement. La disparition de ce régime représente une perte de 80 millions d'euros. L'État a donc pris l'engagement de nous redonner 40 millions sous forme d'avantages fiscaux. Il nous a aussi demandé de réaliser 40 millions d'euros d'économies ; pour nous y aider, il a été décidé d'attribuer à l'EFS une subvention de l'assurance maladie, dégressive annuellement. Pour 2022, le total des subventions attribué l'EFS est de 21 millions d'euros, contre 33,5 millions d'euros en 2021.

Le chiffre d'affaires de l'établissement s'élève à 1 milliard d'euros, dont 54 % sont consacrés aux charges salariales - l'EFS compte 10 000 salariés -, la somme restante, autour de 350 millions d'euros, servant aux achats de machines. Le financement de l'établissement provient, à hauteur de 80 %, de la cession aux hôpitaux de produits sanguins, dont le prix est fixé par arrêté. Il n'y a donc pas de marché du sang, mais un monopole : l'EFS n'a pas de concurrent, et c'est heureux.

Le tarif de cession des produits sanguins, fixé règlementairement, représente une charge pour les hôpitaux. Le financement de l'EFS apparaît donc assez peu dans les lois de financement de la sécurité sociale, mais relève plutôt de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) hospitalier.

L'EFS collecte deux types de produits : d'une part, des produits sanguins labiles (PSL) - globules rouges, plaquettes, plasma thérapeutique - qui sont livrés aux services hospitaliers pour la prise en charge des malades ; d'autre part, du plasma pour fractionnement, dont la totalité est livrée au LFB et qui sert à fabriquer les médicaments dérivés du plasma, lesquels sont produits par des firmes pharmaceutiques. Le tarif auquel nous cédons ce plasma est un prix administratif, très inférieur au cours mondial.

Les relations entre l'EFS et les hôpitaux sont très bonnes, et les équipes cliniques demandent notamment à nos équipes de faire du conseil transfusionnel. Il est vrai que certains établissements hospitaliers nous doivent de l'argent : cette dette s'élève à environ 13 millions d'euros.

Le prochain texte européen relatif à la filière du sang devrait être un règlement. À cet égard, le ministère a pris une position, mais plusieurs éléments sont d'ores et déjà rassurants : le règlement rappellera le principe de non-marchandisation du corps humain et visera à favoriser le don éthique. Ce modèle français du don éthique, il faut non seulement le défendre mais aussi le promouvoir, comme nous le faisons, par exemple, en aidant les Libanais à l'établir dans leur pays. Car ce n'est pas à un malade d'aller chercher du sang, mais à la collectivité de le lui fournir.

Toujours sur le plan européen, je rappelle que l'association European Blood Alliance (EBA) avait été créée par des transfuseurs publics néerlandais, finlandais, français et anglais. Depuis le Brexit, nous voyons beaucoup moins nos collègues anglais, dont nous étions pourtant très proches...

Vous avez parlé des « sangs rares ». Il existe 360 systèmes de groupes sanguins, dont la répartition est différente selon l'origine des populations. Par exemple, il y a beaucoup plus de « O positif » en Afrique qu'en Europe. La population des donneurs doit ressembler à celle des malades. Je prendrai l'exemple de la drépanocytose, première maladie génétique à toucher plus de 10 000 personnes. Les drépanocytaires ont une espérance de vie comparable à celle des personnes ne souffrant pas de cette maladie, mais à condition de recevoir au cours de leur vie 300 à 400 transfusions d'un sang qui corresponde au leur. Pour promouvoir le don du sang auprès des populations ultramarines, entre autres, nous échangeons avec les associations - y compris musicales - issues de ces communautés ; nous demandons aux mairies s'il y a dans la commune une association antillaise ou comorienne. Et, pour la deuxième année consécutive, nous avons organisé en novembre une semaine de sensibilisation aux sangs rares. La collecte de sang dans les territoires d'outre-mer est un enjeu majeur de santé publique.

L'EFS travaille sur l'immunothérapie mais aussi sur la médecine régénérative à partir de cellules souches, une recherche fondamentale pour la médecine de demain, qui coûte 20 millions d'euros. Sans financements, il sera difficile de continuer.

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