Intervention de François Toujas

Commission des affaires sociales — Réunion du 14 décembre 2022 à 9h30
Audition de M. François Toujas président de l'établissement français du sang

François Toujas, président de l'Établissement français du sang :

Madame Cohen, étant nommé par les tutelles, j'ai un devoir de loyauté. Disons que nous avons une relation exigeante et constructive. Mon travail consiste à défendre les intérêts de l'EFS et j'invite régulièrement mes interlocuteurs à ne pas oublier le rôle qu'il joue. Ce n'est pas toujours simple, mais il y a une écoute forte lorsqu'on évoque les enjeux de santé publique. En effet, que deviendrait notre système de santé si l'on devait manquer de sang ?

Il est vrai que nous n'avons pas été assez entendus dans le cadre du Ségur, ce qui a produit un conflit social et des conséquences négatives sur notre relation avec les partenaires sociaux, même si le dialogue ne s'est jamais interrompu. Les réponses ont été partielles et je continue à adresser des demandes pour améliorer la situation des personnels.

La crise épidémique a profondément modifié la situation de nos ressources humaines. Outre la question de l'attractivité salariale se posent celles de la qualité de vie au travail et de la compatibilité entre vie professionnelle et vie privée ; il y va de la fidélisation des personnels.

Nos réserves de produits sanguins sont basses. La crise sanitaire a rendu difficile la mobilisation des donneurs. Sur les 1,6 million de donneurs actifs, c'est-à-dire ceux qui donnent leur sang au moins une fois par an, 10 % de cet effectif disparaissent chaque année de nos fichiers en raison de leur âge ou d'une maladie. Pour renouveler le nombre de donneurs à hauteur de 10 %, et les fidéliser, nous nous adressons essentiellement aux jeunes, lesquels s'intéressent au don du sang - 30 % des donneurs ont moins de 30 ans. Or, durant la crise du covid, les universités et les écoles étaient fermées. Le problème était le même dans les entreprises qui avaient recours au télétravail. Par ailleurs, la récente crise sociale dans les raffineries a eu des conséquences sur la mobilisation des donneurs, comme la météo peut en avoir. Nous envisageons donc de nouveaux modes de communication.

La crise sanitaire a aussi eu des conséquences néfastes sur la mobilisation des bénévoles, lesquels sont plutôt des personnes un peu âgées qu'il fallait protéger. Avec la direction générale de la santé (DGS), nous avons donc mis en place les « rendez-vous ». Et nous avons engagé un travail avec les associations sur le rôle qu'elles peuvent avoir dans ce nouveau contexte.

Comme vous l'indiquiez, Madame Doineau, l'Établissement français du sang a connu un choc de TVA. Du jour au lendemain, il nous a fallu réaliser 40 millions d'euros d'économies. Ma responsabilité a été d'assumer les conséquences financières de ce changement de régime fiscal. De fait, en 2019, nous livrions au groupe LFB 900 000 litres de poches de sang tout en ayant des comptes équilibrés ; cet équilibre des comptes a duré jusqu'à l'année dernière.

En matière d'attractivité, 300 postes manquent à l'heure actuelle, faute de candidatures. Pour réenchanter le métier, je compte beaucoup sur les jeunes bénévoles. Il n'est pas possible de leur demander de prendre des responsabilités associatives du fait de leur vie active, mais il est rassurant de voir qu'ils sont de plus en plus nombreux dans les points de collecte.

Concernant les dépistages, nous dépistons notamment l'hépatite C dans toutes les poches de sang. En cas d'anomalie, nous informons la personne et l'engageons à aller voir son médecin.

Au sujet de l'hémophilie, il faut faire attention. Parmi les nombreux médicaments dérivés du plasma, les immunoglobulines sont essentielles. Leur croissance mondiale est comprise entre 10 % et 12 % par an. En dix ans, la France a multiplié par deux sa consommation. Les immunoglobulines sont des produits chers, présents dans les pays riches. Il faut savoir que 80 % du plasma utilisé dans la fabrication des médicaments dérivés du plasma est collecté aux États-Unis, dans des conditions quelquefois éloignées de l'éthique... Par conséquent, la France et l'Europe doivent urgemment accroître leur capacité de prélèvement. L'autosuffisance dans ce domaine est impossible car nous sommes dans un marché, mais nous pouvons abaisser notre dépendance en accroissant notre capacité de collecte, en suivant l'exemple de la construction de l'usine LFB à Arras.

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