Intervention de Bérangère Couillard

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 9 novembre 2022 à 16h35
Audition de Mme Bérangère Couillard secrétaire d'état chargée de l'écologie

Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie :

Un premier volet de la stratégie nationale biodiversité a en effet été publié en mars dernier, sur lequel les avis étaient mitigés. Il manquait des indicateurs, des objectifs chiffrés ainsi que les financements pour les atteindre. J'ai repris ce travail. Le fonds vert sera utilisé, tout comme l'augmentation du programme 113. Les membres du comité national de la biodiversité se sont remis au travail fin octobre. Le travail est engagé et nous devrions aboutir en mars 2023.

Je partage votre inquiétude s'agissant des espèces exotiques envahissantes. Le risque concerne autant l'hexagone que les outre-mer. L'Union européenne a mis en place une réglementation contraignante, reposant sur une liste d'espèces soumises à de nombreuses interdictions (importation, libération dans l'environnement, commercialisation). À ce jour, 88 espèces envahissantes sont réglementées en métropole. Le précédent gouvernement a lancé, début 2022, un plan d'actions visant à renforcer les aspects de surveillance et de contrôle. L'État finance des opérations de gestion, dites opérations coup de poing. Ce dispositif, qui s'inscrit dans la stratégie nationale biodiversité 2022-2030, sera reconduit jusqu'en 2026. Il sera financé par le fonds vert à hauteur de 20 millions d'euros. Cela permettra de financer 250 opérations par an, partout sur le territoire, dès 2023. La mesure financera des actions locales impliquant divers acteurs. Concernant les végétaux, il peut s'agir de fauchages ou d'implantation d'espèces locales concurrentes. Concernant les animaux, il s'agit de tirs ou de piégeages. Un tiers de ces opérations concerne les territoires ultramarins.

Sur la chasse, aucune piste n'est écartée. Dans le rapport de qualité produit par le Sénat, le sujet de la demi-journée n'a pas été tranché. La chasse dans les forêts périurbaines et celle dans les forêts rurales sont en effet bien différentes. Le sujet est sur la table, la demi-journée permettrait de faire coexister les usages. Néanmoins, imaginer qu'il s'agisse de la seule solution pour assurer la sécurité de la chasse serait illusoire. J'ai actuellement des discussions très nourries avec le président de la fédération nationale des chasseurs, Willy Schraen. Je rencontrerai également d'ici quelques jours les ONG représentatives ainsi que les élus locaux. L'idée est d'ouvrir les discussions pour aboutir avant Noël.

S'agissant des espèces menacées et de leurs habitats, en complément des règles de protection, il nous faut des plans pour restaurer les espèces. C'est le rôle des plans nationaux d'actions. Nous poursuivons ces plans et continuons à les améliorer. L'idée est de les financer en partie avec le fonds vert. Nous avons l'objectif de pérenniser le fonds vert, pour qu'il perdure au-delà de l'année 2023. L'enjeu de la préservation des oiseaux doit être mené au niveau international. Cela fera partie des sujets biodiversité en discussion lors de la COP 27 et de la COP 15.

S'agissant des ressources tirées de la compensation carbone des centrales de Saint-Avold et Cordemais, vous savez que Bercy n'est en général pas favorable aux fléchages directs et à l'affectation des recettes aux dépenses. Nous devons diminuer les subventions liées aux énergies fossiles. Lorsque l'on accompagne les Français via une remise du prix à la pompe, il est certain que cela n'encourage pas à la transition écologique. Mais il s'agit d'une mesure d'urgence nécessaire à court terme. Il faut simplement veiller à ce que ce type de subvention ne soit pas pérennisé.

Il y a en effet une baisse du nombre d'éleveurs. Nous avons connu une année particulièrement difficile, avec une sécheresse importante qui a découragé de nombreux éleveurs. La baisse de la production de fourrage les a incités à arrêter l'élevage et à conduire les bêtes, notamment les vaches laitières, à l'abattoir. Le Gouvernement souhaite une agriculture forte et la plus autonome possible. Avec le ministre de l'agriculture, nous travaillons pour accompagner nos éleveurs dans ces pertes d'exploitation.

Je n'aurai pas d'élément à vous apporter sur les rats taupiers. J'ai en revanche beaucoup travaillé sur le loup et sur l'ours. La population de loups a dépassé le seuil de viabilité démographique de 500 individus, pour un effectif d'environ 920 loups à l'hiver 2021-2022. Depuis quatre ans, la population de loups a quasiment doublé et l'expansion géographique se poursuit très régulièrement, avec un nombre de zones de présence de loups en forte croissance. Un plan national loup et activités d'élevage 2018-2023 est piloté par le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Il repose sur le financement de mesures de protection, l'indemnisation des dommages, le suivi de la population lupine, les interventions de tirs létaux et la recherche scientifique. On constate une stabilisation des dégâts depuis trois ans, à environ 12 000 individus. En 2021, pour la première fois, le nombre d'attaques a diminué de 3 %. L'État a mis en place un cadre pour le financement des mesures de protection. On compte près de 20 % de contrats de protection signés par les éleveurs depuis le début du plan en 2018. Un préfet coordinateur sur le loup a été nommé, dédié uniquement à ce sujet.

Le plan d'actions doit être revu en 2023 pour la période 2024-2029. Il faut chercher les moyens d'une bonne cohabitation avec les grands prédateurs. La difficulté concerne davantage les territoires nouvellement touchés par la présence du loup, les niveaux de protection n'étant pas encore équivalents à ceux déployés dans les territoires déjà exposés.

S'agissant de l'eau et du poids des comités de bassin, les établissements publics territoriaux de bassin demandent à être davantage associés, notamment concernant les projets de réserves de substitution. Je leur propose aussi de s'autosaisir. Ils sont libres de le faire sur les projets qui concernent leur territoire. Tout ce qui permettra de redonner du poids aux instances locales, sans pour autant créer de lourdeur administrative, est à encourager. Lors d'un déplacement dans la Drôme début août, à un moment critique pour les cours d'eau, les acteurs rencontrés étaient unanimes pour reconnaitre que la multiplication du nombre d'intervenants rendait difficile la prise de décision. Il est difficile de déterminer l'acteur devant prendre la décision définitive. Sans remettre en cause la décentralisation de cette politique, il faut néanmoins s'interroger sur les modalités de la gouvernance de l'eau. Le but doit être de simplifier l'action sur les territoires, sans que l'État reprenne la main sur ce sujet.

Sur le sujet du recul du trait de côte, des financements sont engagés pour l'ingénierie à hauteur de 20 millions d'euros pour 2023. Lors du congrès de l'association nationale des élus du littoral (ANEL), j'ai annoncé que des concertations seront lancées en début d'année pour disposer d'un financement soutenable. On ne peut pas tout faire peser sur les collectivités territoriales ni tout faire reposer sur l'État. Les discussions devraient aboutir pour le PLF 2025. Je souhaite que nous dégagions une visibilité à 30 ans pour ces financements.

Sur les zones humides, celles-ci ont fait l'objet dans le passé d'un certain désintérêt, conduisant à leur destruction. Nous devons nous réengager pour leur protection. Nous n'avons pas abandonné l'idée de disposer d'un douzième parc national consacré à la protection des zones humides. Plusieurs sites pourraient être retenus. Il n'en demeure pas moins que les contraintes restent importantes et que cette perspective n'est pas toujours bien accueillie par les élus locaux.

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