La proposition de loi visant à permettre aux différentes associations d'élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, un édile victime d'agression, dont la présidente Nathalie Delattre est première signataire, a été inscrite par le groupe du RDSE dans sa niche parlementaire. Elle est cosignée par nos collègues issus de plusieurs groupes et bénéficie d'un large soutien ; nous aurons l'occasion de l'examiner en séance publique la semaine prochaine.
Elle tend à permettre à trois associations nationales représentant les trois niveaux de collectivités territoriales, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), l'Assemblée des départements de France (ADF) et Régions de France, de se porter civile en cas d'agression d'un élu. Elle élargit également le champ des infractions pour lesquelles il sera possible à ces associations de se porter partie civile notamment celles qui sont subies par la famille d'un élu du fait de son mandat.
Cette proposition de loi s'inscrit dans la continuité des travaux menés par le Sénat depuis déjà de nombreuses années. Je rappelle à cet égard les travaux réalisés par la commission des lois qui avaient conduit aux préconisations de son plan d'action pour une plus grande sécurité des maires en octobre 2019. Le texte qui nous est soumis répond également à une demande de l'AMF et rejoint les engagements pris par le Gouvernement en matière de protection des élus, notamment lors de la première version de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi).
Permettez-moi de vous rappeler la portée exacte du dispositif qui nous est soumis avant d'envisager les compléments que nous sommes susceptibles de lui apporter. J'indique en préambule que, s'agissant d'une proposition de loi inscrite dans un ordre du jour réservé, nous ne pouvons lui apporter en commission que les modifications acceptées par son auteur. Je vous informe également que nous sommes dans l'attente d'une proposition d'amendement du Gouvernement qui devrait arriver d'ici à la séance publique et dont le périmètre exact n'est pas encore très clair.
Il est important de rappeler brièvement l'objet de l'article 2-19 du code de procédure pénale que la proposition de loi entend modifier. Il s'agit à l'origine d'une initiative sénatoriale portée par nos anciens collègues Dinah Derycke et Michel Charasse en 1999. Son objet était de permettre aux associations départementales de maires de se porter partie civile en cas d'agression d'un élu. La plupart de ces associations interviennent en effet en appui financier des maires, que ce soit pour payer les frais d'avocat ou les frais de justice, notamment la consignation au moment de la constitution de partie civile. Il était donc cohérent que ces associations puissent obtenir compensation en justice.
Il me semble important de relever que la rédaction de l'article 2-19 vise « les instances introduites » par les élus. Seules sont concernées les affaires qui arrivent devant une juridiction. La constitution de partie civile dans le cadre de l'article précité ne peut forcer à l'engagement de poursuites ou à l'instruction.
L'AMF a, depuis vingt ans et tout particulièrement ces dernières années, développé son soutien aux élus victimes. Elle se substitue aux associations départementales lorsque cela est nécessaire et a mis en place deux dispositifs au cours des dernières années au travers de son Observatoire des agressions envers les élus. Le premier concerne l'accompagnement des élus dès la survenance des faits, confié à un officier mis à disposition par la gendarmerie nationale. Le second a trait à la signature d'une convention avec l'association France Victimes afin de proposer une écoute et éventuellement un soutien psychologique aux élus, mais aussi à leur famille. L'inclusion de l'AMF apparaît donc cohérente avec la possibilité déjà ouverte pour les associations départementales de maires qui lui sont affiliées. À notre connaissance, aucune autre association n'a mis en place un tel dispositif, à la fois adapté et discret.
La volonté de la présidente Delattre d'inclure, avec leur accord, l'ADF et Régions de France dans ce dispositif découle plus du souhait d'offrir un soutien aux élus départementaux et régionaux et ainsi d'étendre à l'ensemble des élus locaux la faculté qui existe pour les maires.
Dans le prolongement de cette logique, je vous proposerai un amendement de précision visant les élus des collectivités à statut particulier, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, la Guyane et la Martinique, ainsi que l'Assemblée de Corse. Ces collectivités sont membres ou associées de Régions de France.
La présidente Delattre m'a fait part de son accord d'inclure la possibilité pour les assemblées parlementaires, s'agissant des sénateurs et députés, et pour les collectivités territoriales dont un membre a été agressé de se porter partie civile, ainsi que le prévoit l'amendement de Stéphane Le Rudulier et plusieurs collègues. Elle ne souhaite cependant pas élargir à toutes les associations d'élus la faculté qui serait ouverte à l'AMF, à l'ADF et à Régions de France.
Par ailleurs, si l'amendement du Gouvernement est déposé, la rédaction proposée pour l'article 2-19 pourrait évoluer, ce qui nous conduira à en débattre de nouveau, notamment pour procéder à des harmonisations rédactionnelles.
Malgré quelques débats, ce texte, dont la portée est circonscrite, fait l'objet d'un large soutien, et je suis sûre que nous pourrons parvenir à un consensus, y compris avec le Gouvernement, qui semble disposé à l'inscrire à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale.