Il me revient de vous présenter la deuxième proposition de loi inscrite, la semaine prochaine, dans la « niche » du groupe du RDSE. Son objet est assez technique puisqu'elle porte sur les règles d'incarcération d'un accusé condamné par la cour d'assises tant que l'arrêt n'est pas définitif, dans l'attente d'un appel ou d'un pourvoi en cassation.
Cette proposition de loi vise en réalité à corriger une malfaçon législative figurant à l'article 367 du code de procédure pénale, dans un souci de sécurité juridique.
L'article 367 du code précité envisage d'abord l'hypothèse où l'accusé est acquitté, condamné à une peine autre qu'une peine privative de liberté ou condamné à une peine privative de liberté couverte par la durée de la détention provisoire. Dans ce cas, l'accusé doit naturellement être remis en liberté.
En-dehors de ces hypothèses, l'article 367 prévoit que l'arrêt de la cour d'assises vaut titre de détention. L'accusé sera donc incarcéré à l'issue de l'audience, sans que la cour ait besoin de décerner mandat de dépôt. Je rappelle qu'un mandat de dépôt est un ordre donné par le juge à l'administration pénitentiaire de recevoir et de détenir une personne. Il reste nécessaire si la personne renvoyée devant la cour d'assises est condamnée, non pas pour un crime, mais pour un délit connexe.
La loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire a cependant apporté une nuance au principe selon lequel l'arrêt de la cour d'assises vaut titre de détention, dans le but de rapprocher les règles applicables devant la cour d'assises de celles qui sont applicables devant le tribunal correctionnel. Lorsqu'un tribunal correctionnel prononce une peine d'emprisonnement, la condamnation n'entraîne pas automatiquement l'incarcération du prévenu ; le tribunal apprécie, au cas par cas, si les circonstances justifient ou non un mandat de dépôt.
Or il arrive régulièrement que les cours d'assises prononcent des peines d'emprisonnement de nature correctionnelle, c'est-à-dire d'une durée inférieure à dix ans, comme le ferait un tribunal correctionnel.
Le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire distinguait deux hypothèses.
Première hypothèse, si la personne condamnée à une peine d'emprisonnement était déjà détenue avant l'audience, le principe selon lequel l'arrêt vaut titre de détention est maintenu. Cette solution est logique : si la personne comparaît détenue, c'est parce qu'un juge d'instruction a estimé que des considérations de sécurité imposaient de la placer en détention provisoire. Il serait absurde de la libérer le jour où elle est condamnée à une peine d'emprisonnement ferme.
Deuxième hypothèse, l'accusé n'était pas détenu au moment de l'audience. Dans cette hypothèse, il revient à la cour d'assises de décerner mandat de dépôt si les circonstances de l'espèce justifient une mesure particulière de sûreté.
Le dispositif retenu par le projet de loi était donc cohérent et il n'avait donné lieu qu'à peu de débats, que ce soit à l'Assemblée nationale ou au Sénat. Il est vrai que ce projet de loi comportait des dizaines d'articles, dont certains procédaient à des réformes plus substantielles qui avaient davantage retenu notre attention. C'est lors de l'examen du texte par l'Assemblée nationale que le problème est survenu : la commission des lois a adopté un amendement, présenté comme rédactionnel, prévoyant que l'arrêt vaut titre de détention seulement si l'accusé est condamné à une peine de réclusion criminelle. En conséquence, l'arrêt ne vaut pas titre de détention quand l'accusé est condamné à une peine d'emprisonnement. Le texte prévoit que la cour peut décerner mandat de dépôt si l'accusé comparaît libre, mais plus rien n'est prévu si l'accusé comparaît détenu.
Une lecture littérale de l'article 367 pourrait donc conduire à libérer la personne condamnée à une peine d'emprisonnement, alors qu'elle était détenue avant l'audience. Telle n'était évidemment pas l'intention du législateur.
La Chancellerie a été alertée sur cette difficulté après l'adoption définitive de la loi. Pour tenter d'y remédier, le Gouvernement a pris, le 25 février dernier, un décret, qui indique expressément que l'arrêt de la cour d'assises vaut titre de détention lorsque l'accusé comparaît détenu et qu'il est condamné à une peine d'emprisonnement ferme.
Cependant, la procédure pénale relevant du domaine de la loi, cette précision règlementaire paraît fragile. À ce jour, d'après les personnes que nous avons auditionnées, aucune contestation n'a été relevée et aucune libération inopportune n'a été recensée. Il est cependant souhaitable de sécuriser juridiquement les règles applicables, afin d'éviter tout problème à l'avenir.
C'est la raison pour laquelle je vous invite à adopter cette proposition de loi, en espérant qu'elle sera inscrite rapidement à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale.
Je vous présenterai deux amendements, dont l'un prévoit une nouvelle rédaction de l'article unique de la proposition de loi. Il me semble en effet qu'une rédaction plus concise serait préférable. Les auteurs de la proposition de loi se sont inspirés de la rédaction du décret, qui énumère de manière très pédagogique toutes les hypothèses pouvant être rencontrées. En l'état, elle serait donc quelque peu redondante avec le décret. De plus, nous ne voulons pas donner l'impression de procéder à une réécriture complète de l'article 367 du code de procédure pénale, alors que l'objectif est de procéder à une clarification ponctuelle.
Comme c'est l'usage, je me suis entretenue avec l'auteur de la proposition de loi, notre collègue M. Jean-Claude Requier, qui m'a donné son accord pour cette nouvelle rédaction.
En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous appartient d'arrêter le périmètre indicatif du projet de loi.
Je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives aux modalités d'incarcération, de placement en détention ou de libération des personnes poursuivies devant les juridictions pénales.
Il en est ainsi décidé.