Intervention de Florence Blatrix Contat

Commission des affaires européennes — Réunion du 8 décembre 2022 à 8h30
Culture — Proposition de règlement du parlement européen et du conseil établissant un cadre commun pour les services de médias dans le marché intérieur et modifiant la directive 2010-13-ue com2022 457 final - communication et proposition de résolution portant avis motivé

Photo de Florence Blatrix ContatFlorence Blatrix Contat, rapporteure :

Nous vous présentons donc ce matin le fruit de l'analyse collective que nous avons dû mener dans les délais très contraints, fixés par les traités pour l'examen des textes européens au regard du respect du principe de subsidiarité, en application de l'article 88-6 de la Constitution, et de l'article 73 octies du Règlement du Sénat. Ce fut une gageure d'autant plus qu'il s'agit d'un texte dense, touffu et complexe : la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2022 a en effet pour objet d'établir un cadre européen commun de régulation de l'ensemble du secteur des médias.

Porté par la vice-présidente de la Commission européenne, Vera Jourová et par le commissaire français au Marché intérieur, Thierry Breton, il met en oeuvre l'engagement politique pris par sa présidente, Mme von der Leyen, qui avait annoncé cette initiative dans son discours sur l'état de l'Union de 2021 : « Les médias ne sont pas des entreprises comme les autres. Leur indépendance est essentielle. Voilà pourquoi l'Europe a besoin d'une loi qui garantisse cette indépendance. L'année prochaine, nous présenterons précisément une telle loi sur la liberté des médias ». Elle figure effectivement dans le programme de travail de la Commission pour 2022.

Elle prolonge un paquet de mesures destinées d'une part, à réguler le cadre d'exercice des services numériques et des services de médias ; d'autre part à défendre la liberté de la presse, conformément au « plan d'action de la Commission européenne » pour la démocratie européenne, tout en établissant un nouveau cadre législatif commun et harmonisé d'un « marché intérieur » des services de médias.

C'est donc un texte aux objectifs louables, très ambitieux et disparate.

Nous partageons l'objectif principal de cette nouvelle proposition de législation européenne : il s'agit, au vu des constats qui ont pu être faits depuis plusieurs années dans quelques pays de l'Union, et récemment en Pologne ou en Hongrie, de renforcer la liberté et l'indépendance éditoriale des « entreprises de médias », en recommandant des financements dédiés aux médias de service public, des mesures sur l'attribution équitable et transparente de la publicité, des règles sur la transparence de la propriété des organes de presse et un contrôle des concentrations.

Ce texte institue pour cela un comité de régulation européen qui jouerait également un « rôle spécifique dans la lutte contre la désinformation ». Ce comité se substituerait au groupe des régulateurs européens pour les services de médias audiovisuels (dit Erga, de son acronyme en anglais, European Regulators Group for Audiovisual Media Services, institué par la directive de l'UE sur les services de médias audiovisuels, dite directive SMA). D'où les modifications proposées de ladite directive, supprimant son article 30 ter instituant l'Erga, et remplaçant en conséquence les références qui y sont faites.

Il s'agit ainsi de protéger les « entreprises de médias » contre des mesures nationales « injustifiées, disproportionnées et discriminatoires », afin de préserver le pluralisme du paysage médiatique européen, de garantir son bon fonctionnement et de renforcer la protection de l'État de droit, dans un contexte international et européen où celui-ci est parfois remis en cause, au sein même de l'Union européenne, dans certains États membres, mais aussi dans des États candidats ou potentiellement candidats ; et, dans la plupart des États membres, il est souvent mis au défi par l'expansion d'internet, des grandes plateformes et des réseaux sociaux, mais aussi par les risques d'ingérences d'États tiers, dans les campagnes électorales nationales ou européennes, notamment.

Que cette préoccupation, que cette inquiétude, que cette nécessité d'agir soient largement partagées, au niveau européen, ne fait guère de doutes.

Mais, car il y a un « mais », la Commission européenne justifie sa proposition sur le seul fondement de l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) qui prévoit l'adoption de mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l'établissement et le fonctionnement du marché intérieur.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion