Intervention de Françoise Gatel

Délégation aux Collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 17 novembre 2022 à 9h30
Audition de M. Charles Touboul maître des requêtes au conseil d'état rapporteur de ses études de 2016 et 2018 sur la simplification des normes et ancien directeur juridique des ministères sociaux sur la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales : « après le choc de la simplification enfin une thérapie de choc ? »

Photo de Françoise GatelFrançoise Gatel, présidente :

Votre conviction nous rassure sur notre obstination. Votre propos rejoint certaines de nos idées sur la fabrique de la loi. Sans amoindrir le droit d'initiative, cette logique est la nôtre.

Il en va de même quant à la surveillance de la production gouvernementale. Ainsi, chaque année, le Sénat élabore un rapport sur le bilan des actions de l'ANCT. Je citerai également l'exemple du suivi des actions du ministère de la Justice concernant les agressions des élus.

M. Rémy Pointereau, 1er vice-président. - Comme l'a rappelé notre Présidente, je suis investi depuis 2014 au sein de la Délégation sur la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales. Avec certains de mes collègues, j'ai porté diverses initiatives sur ce thème, dont une proposition de loi constitutionnelle. Elle intégrait notamment l'interdiction de la surtransposition et le principe du « deux pour un ». Nous avons aussi travaillé sur la simplification en matière d'urbanisme ou de la transition énergétique.

En France, nous légiférons beaucoup par rapport à d'autres pays européens et créons de ce fait de la norme. Le stock doit approcher les 500 000 normes applicables aux collectivités territoriales. Le principe de précaution a dû également contribuer à l'ajout de normes.

Trop souvent, la norme crée des contraintes excessives qui compromettent l'objectif de performance de l'action publique locale et génèrent un coût financier. Nous travaillerons donc avec Françoise Gatel à être force de propositions. Non avons ainsi identifié plusieurs pistes.

Tout d'abord, il conviendrait de renforcer le rôle du CNEN, sur le modèle du NKR allemand, en étendant ses moyens financiers et humains, en développant ses liens avec l'INSEE, en réaffirmant symboliquement son indépendance dans la loi, en le rattachant au Premier ministre et en annexant ses avis aux études d'impact des textes applicables aux collectivités territoriales.

Qu'en pensez-vous ? Quelles évolutions vous paraissent-elles prioritaires ?

Le deuxième axe consisterait à étendre la règle du « deux pour un ». Comment aller plus loin que les dispositions de la circulaire de 2017 ? Pourquoi ne pas l'étendre aux arrêtés et à la fabrique de la loi elle-même ?

La proposition de loi constitutionnelle que j'avais déposée en 2016 prévoyait un tel dispositif. Le Sénat avait alors estimé que « la volonté légitime de lutter contre la prolifération des normes ne devait pas s'accompagner d'une restriction excessive de l'initiative parlementaire » et que « l'allègement normatif relève avant tout d'une volonté politique ». Néanmoins, force est de constater que, depuis 2016, cette volonté politique ne s'est pas traduite par un allègement des normes législatives. Une réflexion doit donc être menée sur le point de savoir si cette règle du « deux pour un » doit être inscrite dans un texte qui s'impose au législateur (Constitution ou loi organique) ou dans une « charte » qui traduirait un engagement politique fort du Sénat. Notre institution donnerait ainsi l'exemple dans le domaine des normes applicables aux collectivités territoriales, dont il est le représentant constitutionnel.

Nous aimerions connaître votre avis sur ces différentes pistes de travail.

Enfin, le troisième axe porte sur la transposition des directives, notamment européennes.

La fabrique de la norme doit intégrer une exigence forte : lorsqu'on transpose une directive communautaire, il ne faut pas excéder les objectifs qu'elle poursuit. En d'autres termes, il ne faut pas, à l'occasion d'une transposition, créer des contraintes et charges supplémentaires, notamment pour les collectivités territoriales.

Consciente de cet impératif, notre assemblée a adopté en 2016 une proposition de loi qui fixe l'interdiction des surtranspositions de textes européens. Je regrette que l'Assemblée nationale n'ait jamais examiné ce texte.

Certes, le Gouvernement affiche des objectifs louables pour prévenir le risque de toute surtransposition, notamment dans la circulaire de 2017 déjà mentionnée.

Toutefois, ces engagements n'ont pas produit les effets escomptés. Ainsi, le CNEN a récemment réitéré, dans une délibération du 15 septembre 2022, ses inquiétudes sur le sujet : « Le collège des élus appelle, de nouveau, le Gouvernement à la vigilance sur les risques de surtransposition des directives européennes. Il constate que ce phénomène, de plus en plus fréquent, est à l'origine d'une inflation normative qui prospère face à l'ineffectivité des actions prises par les pouvoirs publics pour en limiter les effets. Il invite le Gouvernement à mener une réflexion sur la méthode de transposition des directives européennes afin de clarifier les mesures relevant du droit de l'Union européenne et celles relevant strictement du droit national. »

Quelle est votre analyse de la situation ? Avez-vous observé une évolution positive du Gouvernement sur les transpositions de directives ?

J'ajouterai une question : qui doit réaliser les études d'impact ? Elles sont actuellement produites par le ministère qui porte le projet de loi. C'est un réel sujet d'interrogation pour moi.

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