Intervention de Stéphane Le Rudulier

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 30 novembre 2022 à 9h00
Proposition de loi sur le déroulement des élections sénatoriales — Procédure de législation en commission - examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Stéphane Le RudulierStéphane Le Rudulier, rapporteur :

Comme l'a expliqué le président François-Noël Buffet, la proposition de loi dont il est l'auteur vise un objectif clair et circonscrit : remédier aux difficultés constatées lors du scrutin sénatorial de septembre 2020 s'agissant des modalités de publication des résultats, d'une part, et de propagande électorale, d'autre part.

Je ne m'attarderai pas sur les problèmes soulevés par l'application aux élections sénatoriales des deux dispositions de droit commun mentionnées par le président Buffet.

Dans les départements concernés par le scrutin majoritaire - au nombre de 34 lors du renouvellement de septembre 2020 -, l'embargo sur les résultats imposé jusqu'à 17 heures 30 est en effet apparu peu compatible avec la nécessité de communiquer les résultats du premier tour dès la fin de la matinée. Cet embargo s'est également révélé difficile à respecter dans les départements concernés par le scrutin proportionnel : en dépit des actions d'information menées spécialement à cette fin par le ministère de l'intérieur et par le Sénat lui-même, des fuites ont été constatées avant 17 heures 30 de la part de sites internet ainsi que d'organes de la presse locale. Ces derniers étaient en effet habitués à diffuser progressivement les résultats, ce qui était la norme durant les scrutins antérieurs à 2020.

C'est pourquoi il apparaît pertinent de rétablir la possibilité de communiquer les résultats en métropole dès la proclamation des résultats, et indépendamment du fait que des bureaux de vote soient encore ouverts dans d'autres départements métropolitains.

Le retour au principe d'une diffusion des résultats au fil de l'eau est à la fois indispensable dans les départements concernés par le scrutin majoritaire et bienvenu dans les départements visés par le scrutin proportionnel.

En outre, il est pour le moins incongru d'interdire aux candidats qualifiés pour le second tour de faire campagne durant les quelques heures qui séparent la clôture du premier tour de l'ouverture du second.

En permettant de déroger, pour la seule période de l'entre-deux-tours, à l'interdiction posée par l'article L. 49 du code électoral, l'article 1er de la proposition de loi apparaît comme une mesure de bon sens. Les candidats qualifiés au second tour seraient donc de nouveau autorisés à distribuer des tracts, envoyer des messages ou encore tenir des réunions électorales à ce moment-là.

Je souhaite souligner que cette mesure ne remettrait aucunement en cause l'interdiction de mener des actions de propagande durant la journée du samedi ainsi que le matin du dimanche de l'élection. Elle ne remettrait pas davantage en question l'interdiction d'introduire tardivement éléments nouveaux de polémique électorale, qui est posée par l'article L. 48-2 du code électoral.

Par ailleurs, le rétablissement de la possibilité pour les candidats de faire campagne entre les deux tours de scrutin pose également la question du financement des dépenses à visée électorale qui seraient engagées durant cette période.

Comme vous le savez, les règles relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales prévues pour les élections législatives, départementales et municipales s'appliquent également aux élections sénatoriales.

Les candidats aux élections sénatoriales ayant réalisé au moins 1 % des suffrages exprimés doivent déposer auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) leur compte de campagne retraçant l'ensemble des recettes perçues et l'ensemble des dépenses engagées en vue de l'élection. Les candidats ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés peuvent ensuite prétendre, sous certaines conditions, au remboursement forfaitaire de la part de l'État.

Conformément à l'article L. 52-4 du code électoral, seules les dépenses « engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise » et inscrites au compte de campagne peuvent être considérées par la CNCCFP comme des dépenses électorales, et donc être éligibles au remboursement forfaitaire de l'État. En toute rigueur, ne sont donc pas concernées les dépenses intervenant le jour même de l'élection.

Avant l'entrée en vigueur de la loi du 2 décembre 2019, la CNCCFP admettait, à titre exceptionnel, que les dépenses liées à l'organisation de réceptions avec les grands électeurs dans l'entre-deux-tours ou encore à l'envoi de messages durant cette même période pouvaient être qualifiées d'électorales. Cette position procédait d'un ajustement de la doctrine classique de la CNCCFP, et d'un écart par rapport à la lettre de l'article L. 52-4 du code électoral.

Depuis l'entrée en vigueur de cette loi, les dépenses liées aux actions de propagande entreprises entre les deux tours du scrutin et qui sont inscrites au compte de campagne du candidat présentent un caractère irrégulier. Elles ne peuvent donc pas faire l'objet d'un remboursement de la part de l'État.

En toute logique, l'adoption de la présente proposition de loi lèverait, pour la période de l'entre-deux-tours de l'élection sénatoriale, l'interdiction posée par l'article L. 49 du code électoral, si bien que la position de la CNCCFP admettant le remboursement des dépenses de propagande intervenues entre les deux tours du scrutin serait de nouveau susceptible de s'appliquer. Pour autant, il n'apparaît pas satisfaisant, notamment au regard de l'objectif de sécurité juridique, de faire dépendre l'éligibilité des dépenses engagées par les candidats aux élections sénatoriales durant la période de l'entre-deux tours de la seule prise de position de la CNCCFP.

C'est pourquoi je vous proposerai un amendement visant à adapter la rédaction de l'article L. 52-4 du code électoral à la spécificité du scrutin sénatorial. L'objectif est de garantir, sans ambiguïté, l'éligibilité au remboursement des dépenses engagées entre les deux tours de scrutin lorsque ceux-ci ont lieu le même jour.

Enfin, comme l'a rappelé le président Buffet, cette proposition de loi a vocation à entrer en vigueur avant la prochaine échéance électorale de septembre 2023. Les délais impartis sont donc relativement serrés, et en tout état de cause, inférieurs au délai d'un an que la loi précitée avait posé comme durée minimale à respecter entre la modification des règles électorales et les élections concernées. Le législateur est toutefois libre de déroger au cas par cas à cette règle ; en l'espèce, une telle dérogation semble justifiée.

Par conséquent, je vous propose d'adopter la proposition de loi ainsi modifiée.

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