Intervention de Françoise Gatel

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 7 décembre 2022 à 10h00
Métropoles de lyon et d'aix-marseille-provence — Examen du rapport d'information

Photo de Françoise GatelFrançoise Gatel, rapporteur :

Nous sommes réunis ce matin pour un exercice intéressant puisqu'il s'agit d'évaluer l'impact et l'application de dispositifs que nous avons votés, ce que nous n'avons pas toujours le temps de faire. Nous nous consacrons ici aux métropoles de Lyon et d'Aix-Marseille-Provence, qui appelaient toutes les deux, pour des raisons différentes, à ce qu'un bilan soit dressé.

S'agissant de Lyon, la métropole atteint enfin, plus de sept ans après sa création, son fonctionnement institutionnel de croisière. En effet, en 2020, les élections des conseillers métropolitains au suffrage universel direct se sont tenues pour la première fois. Elles ont eu lieu en même temps que les élections municipales. Je rappelle que cette métropole, ayant la particularité d'exercer à la fois les compétences d'un département et d'une métropole, est une collectivité territoriale à part entière.

En ce qui concerne la métropole d'Aix-Marseille-Provence, son origine et son processus d'élaboration sont un peu différents. Elle a notamment été profondément modifiée par les dispositions de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite « 3DS » de février 2022, à l'issue d'une concertation des élus locaux conduite par le Gouvernement, sans qu'une étude d'impact solide n'ait pu être conduite.

Les membres de la mission, dont je tiens à saluer le travail tout au long de ces mois passés entre Paris, Lyon, Aix et Marseille, se sont attachés à formuler des propositions visant à améliorer le fonctionnement concret de ces deux métropoles particulières, tout en dégageant une possible trajectoire d'évolution institutionnelle. Nous allons vous présenter les résultats de nos travaux, en commençant par la métropole de Lyon.

La métropole de Lyon a été construite dans un moment de notre histoire politico-administrative particulièrement favorable à la création de métropoles très intégrées. Je vous renvoie à ce titre au rapport du comité dit « Balladur », qui était très positif en matière de reconnaissance du fait urbain et envisageait la création de ces métropoles pour permettre à de grands territoires d'affronter la compétition européenne et mondiale à armes égales avec leurs homologues européens et mondiaux. L'air du temps a sans doute un peu changé depuis lors, mais le choix avait été fait de donner à la métropole de Lyon un statut particulier, de la doter de compétences élargies, ainsi que de moyens juridiques et financiers étendus.

Chacun reconnait que la transition entre la communauté urbaine de Lyon (COURLY) et la métropole a été bien menée. Aujourd'hui, cette collectivité dispose d'un important pouvoir d'agir, ce dont le Sénat, défenseur de la capacité d'action des collectivités territoriales, ne peut que se féliciter.

Quels sont les éléments majeurs ayant conduit à ce résultat positif ? D'abord, il existe dans ce territoire une culture très forte de coopération, qui a favorisé une sorte de mutation naturelle vers le statut de collectivité. Ensuite, sa capacité d'action financière et juridique est assez remarquable.

Malgré ces atouts favorables, les inquiétudes formulées depuis deux ans, par les maires des communes situées sur les territoires de la métropole au sujet d'une gouvernance excessivement centralisée et verticale, paraissent fondées.

Un malentendu est né dans la période de transition, entre la création de la métropole et les élections de 2020, qui n'a pas permis de clarifier le modèle métropolitain. On observe aujourd'hui, d'une part, une majorité métropolitaine souhaitant mener à bien ses projets et, d'autre part, les maires des communes qui aspirent légitimement à une meilleure association aux décisions prises par la métropole sur leur territoire. À cet égard, nous comprenons l'émoi, voire la colère, des maires qui, tenus à l'écart des projets de la métropole affectant directement leur commune, s'en voient informés par voie de presse.

Faut-il pour autant prôner le retour à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre ? Nous en avons beaucoup débattu et, au moment de conclure nos travaux, nous avons répondu par la négative de manière collégiale. Une marche arrière ne semble ni possible ni souhaitable, y compris pour les communes. En effet, la métropole représente aujourd'hui un instrument efficace de l'action publique. Cependant, il nous faut présenter des propositions concrètes afin de mieux associer les communes et de rendre la gouvernance plus collaborative.

Cherchant à inscrire nos propositions dans cet équilibre, nous les avons organisées autour de trois axes. Je présenterai les deux premiers et Mathieu Darnaud évoquera le dernier.

En premier lieu, il convient de prendre acte du caractère spécifique de la collectivité territoriale que constitue la métropole de Lyon, qui cumule compétences départementales et intercommunales.

À cet égard, il parait essentiel de clarifier le régime électoral de la métropole. Pour ce faire, il semble d'abord nécessaire de dissocier les élections municipales des élections métropolitaines, qui doivent se tenir au terme d'une campagne spécialement dédiée aux projets métropolitains.

Ensuite, des ajustements paraissent pouvoir être apportés au mode d'élection des conseillers et nous avons exploré deux options polaires. Dans un premier cas de figure, ces élections seraient alignées sur un scrutin départemental, qui aurait le mérite de rendre identifiable ce caractère départemental de la collectivité, aujourd'hui trop peu perçu. Néanmoins, cette option n'a pas été souvent évoquée par les personnes que nous avons auditionnées.

Dès lors, il faut considérer l'autre option, qui consiste à rapprocher le mode de scrutin de celui qui est en vigueur pour les conseillers régionaux. En effet, le mode de scrutin actuel est inspiré du mode communal, ce qui entraine la présence d'une majorité dont les effectifs peuvent sembler écrasants et qui éprouve des difficultés à associer. Un alignement sur la prime majoritaire en vigueur dans les régions - à 25 % au lieu des 50 % actuels - permettrait de favoriser un fonctionnement plus démocratique du conseil de la métropole. Cette prime pourrait notamment s'exercer au niveau d'une circonscription unique, ce qui rendrait plus claire la distinction entre les légitimités métropolitaine et municipale, et favoriserait une gouvernance plus collective, en tout cas moins dominante qu'aujourd'hui.

Par ailleurs, dans un but de clarification de la nature singulière de la collectivité, il apparaitrait opportun de supprimer la clause de compétence générale de la métropole. En effet, en droit commun, cette clause n'est détenue que par les communes.

Le défaut de structure intercommunale étant amené à perdurer pour les communes situées sur le territoire de la métropole, il est nécessaire qu'elles retrouvent des marges de manoeuvre plus amples en matière de gouvernance. Il faut trouver des pistes pour rééquilibrer le rapport de forces entre la métropole et les communes ; il s'agit d'une demande forte, pressante et largement unanime parmi les maires.

S'agissant de la gouvernance de la métropole, il semble nécessaire de renforcer les conférences territoriales des maires (CTM) et la conférence métropolitaine des maires (CMM). Lors des discussions sur la loi dite « 3DS », nous avions beaucoup insisté sur ce sujet : la métropole ne peut fonctionner avec efficacité que s'il y a affectio societatis et que les maires ont voix au chapitre. La CMM doit être un lieu d'échanges, de débats et d'information, mais il faut également renforcer les CTM.

De même, le pacte de cohérence métropolitain, outil concret de coopération entre la métropole et les communes membres, doit mieux associer les maires dans son élaboration.

En ce qui concerne les moyens juridiques d'action de la métropole, leur emploi doit se faire dans une plus grande concertation avec les maires. Si les élus en sont d'accord et quand cela est possible, il faudrait davantage faire usage des facultés de délégation de compétences ouvertes. Par ailleurs, le président de la métropole doit exercer ses pouvoirs de police de manière concertée avec les maires, qui exercent parfois aussi de tels pouvoirs.

Enfin, il convient de doter les maires des moyens de rééquilibrer leurs relations avec la métropole, en assouplissant notamment la possibilité pour les communes de sortir de la métropole par la création d'une procédure ad hoc, respectueuse des prérogatives du législateur. De façon analogue, la création de communes nouvelles au sein de la métropole pourrait donner plus de poids aux communes de petite taille qui le souhaiteraient.

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