Le secrétariat général de la mer (SGMer) est un organisme interministériel placé auprès de la Première ministre. Plus petit que les autres secrétariats généraux, il compte une quarantaine de personnes et remplit deux fonctions, à savoir l'action de l'État en mer et la coordination des dossiers interministériels que la Première ministre lui demande de mettre en oeuvre, par exemple celui sur la pêche illégale. Son personnel est composé pour moitié de militaires de la Marine nationale. Surtout, un centre opérationnel lui permet de suivre l'évolution de la situation dans les zones maritimes, tant en métropole qu'outre-mer, et il bénéficie aussi de l'aide des représentants locaux par le biais des préfectures maritimes, le préfet maritime exerçant à la fois le commandement militaire de zone et la responsabilité de la police en mer. Il agit sous ma coordination et sous l'autorité de la Première ministre.
L'action de l'État en mer s'étend au-delà du sauvetage en mer, puisqu'elle concerne aussi la pêche illégale ou le trafic de drogue. Pour la mener, nous disposons d'une fonction garde-côtes - il n'existe pas de corps de garde-côtes en France -, composée de l'ensemble des moyens nautiques mis à disposition par la Marine nationale, la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) et la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture (DGAMPA). Cette fonction nécessite une adaptation constante aux menaces et aux difficultés du moment, l'actualité pouvant être pourvoyeuse de nécessités impératives. Par exemple, la Première ministre a souhaité dernièrement renforcer les moyens de secours en Manche, en y affectant deux navires supplémentaires, pour faire face à l'augmentation significative des demandes de sauvetage. Le SGMer a donc prélevé deux navires sur la compétence de la préfecture maritime de l'Atlantique et les a déplacés en Manche.
Nous n'intervenons que dans notre zone de compétence et pas à l'échelle mondiale, hormis quand des navires français sont concernés. Nous suivons, par exemple, les mouvements des navires des organisations non gouvernementales (ONG) en Méditerranée centrale, grâce à leur balise AIS (Automatic Identification System), qui fournissent des données ouvertes. Ce suivi se fait dans le centre opérationnel de la fonction garde-côtes, situé à Paris sur le site Balard et qui est adossé à l'état-major de la Marine nationale, bien qu'il dépende du SGMer.
Pour ce qui est de l'architecture juridique du dispositif, des conventions internationales régissent la recherche et le sauvetage en mer, le principe général restant d'intervenir le plus rapidement possible en cas de demande de secours grâce au navire le plus proche. La convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, dite « convention Solas », prévoit l'obligation pour les États contractants de prendre les dispositions nécessaires pour la coordination et la communication en cas de détresse en mer. Elle a été complétée par la convention internationale de 1979 sur la recherche et le sauvetage maritimes, dite « convention SAR », et par la convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 qui prévoit l'obligation de porter assistance et de faciliter la création d'un dispositif permanent de recherche et de sauvetage. En France, les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS) assurent sur chaque façade maritime cette fonction de sauvegarde.
Indépendamment de ces traités, l'Organisation maritime internationale (OMI) traite de ces sujets dans le cadre d'un comité de sécurité maritime qui comprend notamment un sous-comité de la navigation, des communications, de la recherche et du sauvetage. Il oeuvre conjointement avec un groupe de travail de l'organisation de l'aviation civile internationale, car les secours en mer font souvent intervenir des reconnaissances en avion.
En droit interne, le code de la sécurité intérieure, en ses articles R. 742-1 à R. 742-15, reprend ces dispositions : quel que soit le lieu où un événement se produit, la recherche et le sauvetage des personnes en détresse sont assurés par une organisation dédiée ; l'assistance par les capitaines de navire ou les centres de recherche aux personnes en mer doit être assurée sans considération de leur nationalité, de leur statut ou des circonstances. Par conséquent, il y a une obligation de fournir à toute personne une assistance dès lors qu'elle émet un signal de détresse.
Or, aujourd'hui, des signaux sont émis qui ne répondent pas forcément à des cas de détresse. C'est du moins ce que l'on observe en Manche, au niveau du CROSS Gris Nez. Notre travail est donc de déterminer s'il y a détresse ou non, car nos moyens étant limités, les CROSS ne peuvent pas faire fonction d'escorte pour les embarcations de migrants, comme le voudraient les passeurs. Les règles des conventions internationales sont ainsi parfois détournées de leur finalité première.
Chaque État assure la coordination par l'intermédiaire des centres de coordination et de sauvetage (CCS) - Rescue Coordination Center (RCC). Un catalogue de ces centres est fourni au titre de l'OMI. Chaque navire dispose ainsi de la documentation nécessaire pour pouvoir s'adresser au RCC compétent par le biais de la radio, afin de déclencher une recherche dans les zones dites « SAR » (Search and Rescue), notifiées à l'OMI.
Ces zones ont été définies par les États de manière coordonnée. Elles peuvent parfois se superposer, comme c'est le cas en Méditerranée centrale entre l'Italie et Malte. En effet, dès lors que l'on est en mer, la précision frontalière ne peut pas être totale. Toutefois, le dispositif reste clair.
Cela n'empêche pas que les conditions de son utilisation puissent parfois être étonnantes. Ainsi, certains navires procèdent en sélectionnant leur zone de sauvetage plutôt que de choisir la plus proche. Ils préféreront systématiquement les zones italienne ou maltaise aux zones tunisienne ou libyenne pourtant plus proches. Les ONG concernées ont justifié cela par le fait que la Tunisie et la Libye n'offraient pas les garanties nécessaires pour accueillir les personnes à bord de leurs navires. Elles choisissent donc systématiquement l'Europe.
Il existe une quinzaine de navires d'ONG capables de croiser en Méditerranée centrale. Ils ne sont jamais tous ensemble en mer, à cause des besoins de ravitaillement et de la rotation des équipages. En ce moment, deux d'entre eux croisent au nord de la Libye ; la semaine dernière, il y en avait trois ; en général, il y en a entre deux et quatre, sous pavillons différents, allemand, norvégien, anglais, mais pas français. L'Italie considère que le pavillon du navire a son importance, car l'État concerné exerce une responsabilité, ce qui ne figure pas dans les conventions internationales.
Nous bénéficions aussi des informations que nous donnent nos contacts, tout cela en source ouverte. Ainsi, nous savons que le navire de SOS Méditerranée appareillera le 18 ou le 19 décembre prochain ; nous aurons sans doute des discussions avec les Italiens aux alentours de Noël sur l'Ocean Viking. Tous ces navires croisent en zone libyenne dans le cadre des conventions internationales. C'est en tout cas ce qu'ils affirment et nous n'avons aucun élément pour dire le contraire ni pour corroborer cela.