Intervention de Didier Lallement

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 14 décembre 2022 à 9h00
Régime juridique du secours en mer et accueil des personnes débarquées — Audition de M. Didier Lallement secrétaire général de la mer

Didier Lallement, secrétaire général de la mer :

Tout à fait. Je pense en particulier au CROSS, dont les opérateurs - ils sont trois au cours d'une nuit de veille - sont saturés de messages.

Plus globalement, c'est tout notre dispositif de secours qui est saturé. Toute la question est de savoir si les secours sont nécessaires. S'y ajoute la difficulté de localisation des navires. Voilà pourquoi la procédure CROSS prévoit que l'on demande aux intéressés de se géolocaliser via une application quelconque, comme WhatsApp.

En outre, plus on approche de l'Angleterre, plus ces embarcations convergent, car la zone d'arrivée est assez étroite - elle est longue de moins de 20 kilomètres. Il est d'autant plus difficile de savoir quelles sont les embarcations réellement en difficulté.

Pour ce qui concerne la Méditerranée, les chiffres sont également connus, du moins pour ce qui concerne les personnes secourues : par définition, on ne peut pas comptabiliser les personnes qui passent. Toujours est-il que la Méditerranée centrale, au départ de la Libye, est aujourd'hui la route principale. En 2021, nous y avons secouru 68 000 migrants, contre 15 000 en 2019. Nous sommes donc bien face à une hausse exponentielle.

En Méditerranée, un tiers des migrants partent de Tunisie, du moins parmi les personnes secourues, et les flux en provenance de Turquie tendent à se réduire un peu. Parmi les personnes secourues au départ de la Libye, on trouve une majorité de Sri Lankais, auxquels s'ajoutent désormais des Égyptiens et des Bangladais. À La Réunion, on a également secouru quelques Sri-Lankais. À l'évidence, certains pays riverains de la Libye, qui ne demandent pas de visas pour ces nationalités, permettent des transferts aériens. Ensuite, ces populations transitent en Libye par des réseaux de passeurs. Cela étant, je rappelle que ma compétence s'arrête à l'entrée du port.

Contre-amiral Benoît de Guibert, secrétaire général adjoint de la mer. - Il faut bien distinguer les zones de recherche en mer et les délimitations maritimes.

Les eaux territoriales vont jusqu'à 12 milles nautiques ; c'est sur elles que nous exerçons notre véritable souveraineté. Viennent ensuite la zone contiguë, jusqu'à 24 milles nautiques, sous juridiction française pour un certain nombre de polices, et la zone économique exclusive (ZEE), jusqu'à 200 milles nautiques. Au-delà de ces zones, la haute mer fait l'objet d'un certain nombre de règles fixées par la convention de Montego Bay.

Pour le sauvetage en mer, les SRR (Search and Rescue Region) sont des zones de coordination déclarées à l'OMI par les États, soit de manière unilatérale, soit en accord avec les États voisins. Certaines de ces zones se recoupent, mais ce n'est pas un problème. Un point d'entrée est défini : le MRCC (Maritime Rescue Corodination Center) - en France, il prend le nom de CROSS - constitue le centre de coordination des opérations de sauvetage dans cette zone.

Ces zones sont définies selon plusieurs critères, reposant sur la géographie et sur les moyens de sauvetage des différents pays. Un État avec de très faibles moyens ne sera pas chargé d'une zone aussi étendue qu'un voisin mieux doté.

Quand une opération de sauvetage doit être menée, les autorités des pays concernés sont donc appelées à se concerter. C'est ce que les autorités britanniques et françaises font ce matin même en Manche Est-mer du Nord, sous la coordination du MRCC britannique.

La désignation du port relève, elle aussi, d'un dialogue dépendant d'un certain nombre de paramètres. Ainsi, les Maltais ne répondent plus aux demandes qui leur sont adressées, ou y répondent beaucoup moins ; ils estiment ne plus avoir la capacité d'accueillir tous les navires qui auraient fait l'objet d'une opération de secours au titre de la SRR maltaise. S'y ajoutent des considérations politiques : on l'a vu pour ce qui concerne l'Italie au début du mois de novembre dernier.

Enfin, trois opérations Frontex sont déployées en mer Méditerranée au profit des pays dits « de première entrée », à savoir la Grèce, l'Italie et l'Espagne. Il s'agit des opérations Poséidon, Themis et Indalo. Ces moyens sont-ils suffisants ? Tant que des personnes périront en mer, on pourra estimer qu'ils ne le sont pas ; et ils ne le seront probablement jamais.

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