Intervention de Jean Hingray

Délégation aux entreprises — Réunion du 8 décembre 2022 à 9h50
Examen du rapport d'information relatif aux difficultés des pme et eti face au défi du commerce extérieur

Photo de Jean HingrayJean Hingray, co-rapporteur :

Florence Blatrix Contat et Vincent Segouin l'ont rappelé, à travers leurs deux interventions, il n'y a pas de solution miracle, mais une nouvelle stratégie à définir.

S'il n'y a pas de solution miracle pour redresser la balance commerciale et rendre nos PME et ETI plus compétitives, nous estimons que nous avons, collectivement, l'obligation de définir et mettre en oeuvre une véritable stratégie pour le commerce extérieur de la France.

C'est le fil conducteur de nos 10 propositions qui s'articulent autour d'objectifs stratégiques et d'objectifs opérationnels.

Tout d'abord, je tiens à rappeler que le Conseil stratégique de l'export, CSE, et la Team France Export, TFE, existent et constituent un indéniable progrès depuis la réforme issue de la stratégie dite « de Roubaix », présentée en 2018. Cependant, il ressort de nos auditions une carence de stratégie à long terme pour la France, et le besoin de renforcer la gouvernance de la Team France Export, ce que confirme l'analyse récente de la Cour des comptes.

Aussi notre proposition n° 1 vise-t-elle à définir une stratégie à long terme du commerce extérieur de la France, a minima, jusqu'à 2040, pour en définir les objectifs - notamment en matière de souveraineté économique - en identifiant les secteurs et compétences clés à soutenir. La définition de cette stratégie relève à la fois du Gouvernement et du Parlement ; elle pourrait s'appuyer sur une loi d'orientation économique pour la France. Mes collègues viennent de démontrer les terribles conséquences de choix stratégiques passés, ainsi que l'absolue nécessité de penser le commerce extérieur de manière écosystémique. Les pouvoirs exécutif et législatif doivent aujourd'hui assumer le rôle éminemment politique d'orientation de la politique globale du commerce extérieur, qui concerne tant les importations que les exportations.

La proposition n° 2 vise à rénover la gouvernance du Conseil stratégique de l'export, afin de piloter efficacement la stratégie nationale définie préalablement en intégrant les objectifs du commerce extérieur dans les différentes politiques publiques ayant un impact sur la balance des biens et des services tout en assurant la bonne coordination entre ces politiques. Le CSE ainsi rénové devrait sortir de l'enceinte de Business France dont il sert à conseiller le conseil d'administration, et devenir une instance à vocation interministérielle, en plus d'être multisectorielle et de coordination des acteurs publics et privés. La proposition de résolution que nous proposerons pourra recommander au Gouvernement de demander un rapport annuel à la Cour des comptes sur la balance commerciale de la France, avec un suivi non seulement des exportations mais également des importations.

Déclinaison logique des précédentes propositions, la troisième d'entre elles concerne la Team France Export, qui doit traduire les orientations stratégiques sur le terrain et auprès des TPE, PME et ETI ayant un réel potentiel à l'international. Faisant écho aux recommandations de la Cour des comptes, nous estimons que l'unité d'action entre les différentes composantes de la TFE doit être renforcée et les résultats de son action dans les territoires formellement présentés devant le Conseil stratégique de l'export.

Quatrième et dernière recommandation relevant des objectifs stratégiques, la proposition n° 4 vise à mieux intégrer la question des services dans la lutte contre les délocalisations. Cette proposition pourrait sembler redondante avec les précédentes, dans la mesure où elle devrait en tout logique en découler. Cependant, la leçon de l'erreur stratégique de la désindustrialisation nous pousse à insister sur la dimension des services, qui constitue aujourd'hui un atout pour la France, mais également un risque non négligeable si rien n'est fait pour en préserver la force. Cet objectif met donc l'accent sur les questions de formation, de compétences, et d'infrastructures numériques dans les territoires, comme outils de lutte contre les délocalisations.

Je passe maintenant aux objectifs opérationnels, dont la proposition n° 5 concerne les relocalisations et la réindustrialisation de la France, en facilitant la transmission d'entreprise et en soutenant les PME et ETI. Elle s'inscrit dans la suite logique du rapport de nos collègues Michel Canévet, Rémi Cardon et Olivier Rietmann, et serait notamment mise en oeuvre à travers la proposition de loi qui reprendra toutes les propositions.

La proposition n° 6 vise à inciter les entreprises à « chasser en meute », puisque nous retenons de nos déplacements que c'est l'une des grandes faiblesses de la culture française dans la conquête des marchés étrangers. Cette incitation peut s'appuyer sur une fiscalité ciblée et / ou la valorisation d'un label Made in France spécifique à l'export.

La proposition n° 7 a pour objectif d'organiser une campagne d'information sur les offres d'accompagnement des PME et ETI proposées par la Team France Export. Il s'agit également de s'inspirer de l'exemple italien en rendant gratuite la participation à des salons internationaux pour les entreprises françaises.

Parce que nous ne répéterons jamais assez l'importance des compétences en matière de compétitivité hors-prix, la proposition n° 8 vise à renforcer l'apprentissage des langues et les connaissances en économie, mathématiques, technologies ainsi qu'en matière de commerce international dans l'enseignement secondaire et dans l'enseignement supérieur.

La proposition n° 9 vise les vulnérabilités d'approvisionnement, qu'il s'agit de mieux identifier grâce aux données douanières que la Commission européenne pourrait mettre à disposition de la France.

Enfin, la proposition n° 10 vise à définir le contenu, le cadre et les règles éthiques de la constitution de fonctionnement d'une base de données française qui permettra, avec l'intelligence artificielle, d'accompagner finement les PME françaises à l'export. Une telle base serait constituée de données publiques, open data, de données payantes, avec des études de cabinets notamment, des données des entreprises elles-mêmes, mais aussi des informations des réseaux sociaux dont l'activité pourrait être étudiée, via l'intelligence artificielle, et mise à profit pour orienter utilement les entreprises vers les marchés à l'export en quasi temps réel. Cette proposition fait à la fois écho au projet de base de données en cours de réalisation au ministère du commerce international britannique mais aussi aux travaux récents de la Cour des comptes, qui regrette le manque de partage d'informations utiles entre les membres de la Team France Export. La gestion de cette base pourra être confiée à un membre de la TFE dans le respect des règles en matière d'intelligence économique.

Voilà chers collègues le fruit de nos travaux qui, nous l'espérons, permettront au Sénat de mieux prendre en compte toutes les composantes du commerce extérieur. Nous proposons d'ailleurs d'assurer un suivi informel de ce sujet au long cours. Nous vous remercions pour votre écoute et votre patience.

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