Intervention de Yves Lheureux

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 27 octobre 2022 à 10h38
Audition publique sur les problèmes de corrosion sous contrainte rencontrés sur le parc électronucléaire d'edf

Yves Lheureux, directeur de l'ANCCLI :

Nos inquiétudes, nos questionnements et nos attentes rejoignent des propos déjà tenus par les autres acteurs du nucléaire.

Cet événement générique se produit malheureusement dans une période de pleine tension sur le marché de l'énergie, de recherche d'indépendance énergétique et de préoccupations de nos concitoyens quant à l'alimentation électrique de leurs habitations. L'ASN avait déjà alerté sur l'éventualité d'un tel événement générique, qui pouvait impacter plusieurs réacteurs. Sa survenue crée des contraintes dans un moment qui n'est pas le plus propice. Toutefois, ce sujet a été abordé avec sérieux par l'ensemble des acteurs, avec un souhait de transparence et un partage des informations. Le retour d'expérience des événements passés a probablement favorisé cette posture de l'ensemble des acteurs du nucléaire, dont nous considérons faire partie en tant que quatrième pilier. Nous sommes ainsi parvenus, dans nos indépendances respectives et une confiance réciproque, à développer cette transparence et ce partage des informations.

Ce sujet de la corrosion sous contrainte a donné lieu à de nombreuses présentations dans les CLI, même dans des commissions locales non concernées par ce sujet, comme à Gravelines. Les citoyens et acteurs locaux ont toutefois ressenti le besoin d'expliquer ce processus. J'ai participé à des réunions publiques des CLI de Golfech et du Tricastin, à Valence. Plus d'une centaine de personnes étaient présentes. Le public a posé des questions au sujet de la corrosion sous contrainte, qu'il s'agisse de la sûreté, du redémarrage, de l'indépendance électrique ou du calendrier des opérations de réparation. En somme, les citoyens partagent légitimement les interrogations que nous soulevons ce jour.

Dans ce contexte, sous l'impulsion de Madame Noiville, présidente du HCTISN, du président de l'ANCCLI, Jean-Claude Delalonde, et de tous les partenaires : exploitants, ASN, et IRSN, nous avons décidé d'organiser un webinaire le 10 novembre 2022, à l'attention de tous les membres des CLI et des citoyens, afin de présenter la chronologie, les explications, les expertises et les perspectives sur ce sujet des CSC.

Pourquoi découvrons-nous ce phénomène aujourd'hui ? Les tests réalisés lors de la deuxième visite décennale (VD2) de Civaux 1 ont-ils été plus importants que prévu ? Ne passons-nous pas à côté d'autres phénomènes inattendus et inédits ? Nous nous interrogeons sur la nécessité de réaliser des maintenances préventives plus précoces sur d'autres circuits. Ce sujet a également mis en évidence le besoin de compétences qui nous font défaut. Nous avons parlé de soudeurs italiens et américains, ainsi que d'une école de soudure créée par EDF. Ces informations circulent dans la presse et les citoyens nous interrogent naturellement sur le fait de devoir chercher des compétences à l'étranger, alors que nous sommes un pays nucléarisé depuis de nombreuses années. Nous devons donc engager une réflexion sur les compétences dont nous avons besoin aujourd'hui, mais également à l'avenir, pour la politique énergétique de notre pays, avec les projets d'EPR2, dont celui de Penly. Nous devons également tenir compte de la pyramide des âges et du transfert des compétences. EDF l'a pris en compte depuis de nombreuses années et a conscience des conséquences du départ à la retraite de nombre de ses personnels, mais est-ce suffisant ? N'avons-nous pas besoin de davantage de formations et de compétences ?

Sur ce sujet organisationnel et humain, l'ANCCLI envisage de réaliser un livre blanc et d'organiser un séminaire en 2023.

Il existe évidemment des tensions sur le marché de l'énergie et nous partageons un souhait d'indépendance. Toutefois, il est nécessaire de s'assurer que les réacteurs redémarrent dans les meilleures conditions et dans l'optimum de sûreté nécessaire. Les avis de l'IRSN et les décisions de l'ASN doivent être pris en compte par les décideurs pour que ce phénomène très sérieux ne se reproduise pas et ne conduise pas non plus à des redémarrages précipités, que nous pouvons craindre compte tenu du contexte actuel.

La transparence et le partage des informations doivent être poursuivis. Les travaux et redémarrages qui auront lieu dans les prochaines années imposent de maintenir les rendez-vous réguliers organisés par le HCTISN, les CLI ou l'OPECST.

Enfin, cette découverte inattendue et inédite ne rend-elle pas nécessaire la réalisation plus fréquente de contrôles, de processus de surveillance et d'opérations de maintenance ? Le vieillissement du parc nucléaire pose question. Une visite décennale pour des réacteurs âgés de plus de quarante ans est-elle suffisante ?

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