Intervention de Cédric Lewandowski

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 27 octobre 2022 à 10h38
Audition publique sur les problèmes de corrosion sous contrainte rencontrés sur le parc électronucléaire d'edf

Cédric Lewandowski, directeur exécutif du groupe EDF en charge de la direction du parc nucléaire et thermique :

Je réitère ma conclusion : il n'y a pas d'arbitrage entre la sûreté et la sécurité d'approvisionnement. La sûreté est une priorité absolue. Si nous avons la moindre conviction technique ou scientifique qu'un réacteur se trouve en difficulté, nous l'arrêtons. C'est ce que nous avons démontré en arrêtant une douzaine de réacteurs en plein hiver, moment crucial pour l'approvisionnement en électricité. À ce titre, je récuse le terme d'arbitrage, car nous serons toujours d'abord au service de la sûreté et en second lieu de la sécurité de l'approvisionnement.

Il reste encore beaucoup de travail de recherche et de développement pour aboutir à un consensus scientifique et technique permettant de comprendre pourquoi seule une partie du parc est touchée. Selon EDF, le facteur prépondérant de l'apparition de cette corrosion sous contrainte est le design des lignes, devenu complexe avec le temps. En effet, celui-ci est plus complexe dans les réacteurs de 1 450 mégawatts que dans les réacteurs de 1 300 mégawatts et plus complexe dans ces derniers que dans les réacteurs de 900 mégawatts. Toutefois, d'autres facteurs peuvent intervenir comme l'oxygène, la température et les typologies de soudure. De notre point de vue, la prépondérance du facteur des lignes nous conduit à considérer que les 32 réacteurs du palier 900 mégawatts ne sont pas ou sont peu affectés par la corrosion sous contrainte. Néanmoins, nous n'affirmons pas pour autant qu'il n'y aurait aucun risque de corrosion sous contrainte sur ce palier. Nous devons encore travailler sur ce sujet. Dans cette perspective, nous avons pris des engagements vis-à-vis de l'ASN pour contrôler les lignes de l'ensemble des réacteurs d'ici fin 2025. Nous avons simplement priorisé les réacteurs potentiellement les plus affectés, c'est-à-dire les 12 réacteurs du palier P'4, pour les contrôler avant mi-2023.

Aujourd'hui, nos experts estiment que la vitesse de propagation des fissures serait d'environ 0,5 millimètre par an. Cette donnée ne fait toutefois pas consensus et reste à approfondir.

Le manchonnage, ou overlay, n'a pas été retenu, car ce procédé n'est pas qualifié dans la réglementation française. Nous ne l'excluons pas, mais qualifier un procédé de cette ampleur requiert plusieurs mois, voire plusieurs années d'instruction. Il nous était donc impossible de mettre en place cette technique au regard de l'enjeu relatif à la sécurité d'approvisionnement. Pour autant, nous avons pris en compte les remarques des experts internationaux que nous avions invités à Paris, notamment ceux de l'Electric Power Research Institute (EPRI). Nous allons donc étudier cette question et engager un dialogue avec l'ASN.

En ce qui concerne la présence de soudeurs et d'usineurs étrangers, je voudrais mettre en exergue deux points. Premièrement, nous avions besoin de fonderies en mesure de préparer des lingots d'inox de qualité forgés en fonction de nos spécifications. C'est une tristesse pour nous de ne pas avoir trouvé dans le temps imparti des fondeurs français. Aussi, je suis très reconnaissant à deux fondeurs d'Italie du Nord d'avoir répondu présent et d'avoir fourni un travail de très grande qualité. En revanche, notre pays déplore un déficit de soudeurs, d'usineurs et de tuyauteurs. Pour y faire face, nous avons par exemple recréé une école de métiers à Cherbourg pour le soudage. Ce déficit industriel ne concerne pas uniquement la filière nucléaire.

Deuxièmement, les travaux s'effectuent dans un environnement radioactif avec une dosimétrie importante. Nous allons d'ailleurs au-delà de la réglementation et fixons une marge de sécurité pour chacun des salariés, d'EDF et de ses prestataires. À partir d'un certain nombre d'heures de travail, les travailleurs doivent se retirer pour éviter de dépasser la dose prescrite. La rotation de personnel est donc considérable. Dans ce contexte, certains des groupements qui travaillent avec nous ont fait appel à une main-d'oeuvre étrangère de grande qualité, américaine, canadienne et européenne, représentant cependant moins de 10 % des effectifs qui travaillent à nos côtés.

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