Intervention de Jean-Luc Fugit

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 17 novembre 2022 à 9h35
Examen des conclusions de l'Audition publique sur la rénovation énergétique des bâtiments pierre henriet député et gérard longuet sénateur rapporteurs

Jean-Luc Fugit, député, vice-président de l'Office :

Je veux d'abord formuler le regret de n'avoir pas pu être présent à l'audition du 6 octobre car je présentais devant la commission des finances de l'Assemblée des amendements sur les crédits budgétaires dont je suis rapporteur. Je le regrette vraiment parce que c'est un sujet qui me tient à coeur et sur lequel j'ai travaillé sous la législature précédente avec notre collègue Loïc Prudhomme.

Je voudrais aborder les problématiques de la qualité de l'air intérieur et de la ventilation. Vous savez que je suis un peu spécialiste de ces sujets. Le souci en rénovation est que, lorsqu'on isole un bâtiment, on risque de détériorer la qualité de son air intérieur. Que signifie la qualité de l'air intérieur ? Ceci recouvre le renouvellement de l'air - je rappelle les débats relatifs aux capteurs de CO2 - mais aussi les émissions de particules et la nature des usages à l'intérieur. La crise de la Covid-19 en a bien montré l'importance.

Le renouvellement de l'air est fondamental dans un bâtiment ou dans un logement mais aussi dans un habitacle de véhicule ou dans le métro. Dans les modes de vie occidentaux, la population passe 80 à 90 % de son temps dans un milieu clos et la qualité de l'air intérieur est donc fondamentale.

Je continue à suivre ce sujet de très près et il a fallu attendre début 2021 pour que soit créée l'Association française de ventilation, qui réunit toutes les professions concernées. En toute transparence, je suis l'un des deux parlementaires parrains de cette association et, en même temps, je dis très clairement que je n'ai aucun lien d'intérêt avec une quelconque entreprise intéressée. Je suis un universitaire en position de détachement pour le temps de mon mandat politique.

Par-delà ma situation personnelle, la qualité de l'air intérieur est un sujet important. Je prends l'exemple des écoles. 75 % des salles de classe n'ont actuellement pas de ventilation mécanique contrôlée. Je ne parle pas de double flux : elles n'ont même pas de ventilation simple flux. Les maires disent que 60 % de ces salles de classe seront rénovées dans les cinq ans qui viennent, ce qui signifie faire une rénovation thermique. Il faut en profiter pour s'intéresser à la qualité de l'air intérieur, et ce faisant, on améliore le renouvellement de cet air.

Des études scientifiques ont permis d'objectiver le fait qu'une mauvaise qualité d'air intérieur provoque une baisse significative de la concentration psychique, que ce soit l'effet des polluants ou celui du CO2, qui n'est pas un polluant au sens où il n'a pas d'impact sur la santé, même s'il a un effet climatique. D'ailleurs, lorsqu'on est enfermé pendant un moment, on dit : « je vais aller prendre l'air ». La concentration en CO2 à l'extérieur est 400 ppm et la qualité de l'air intérieur commence à être sérieusement dégradée lorsqu'elle dépasse 1 000 ppm. Il a été prouvé que la qualité de l'air a autant d'influence sur les résultats scolaires que la catégorie socioprofessionnelle des parents. Pourtant, malgré l'importance de la qualité de l'air intérieur, on n'a pas souvent le réflexe de s'y intéresser quand on prépare un projet de rénovation.

Plusieurs entreprises m'ont expliqué qu'on peut réduire sensiblement la consommation énergétique d'un bâtiment avec un système de ventilation performant. On peut diminuer de 25 % la quantité d'énergie consommée pour chauffer un bâtiment et on arrive même à déstratifier l'air. En effet, l'air immobile se stratifie et, d'après la loi de Mariotte, les couches les plus élevées sont les plus chaudes ; les systèmes de ventilation peuvent donc déstratifier l'air intérieur, l'homogénéiser, ce qui permet de faire des économies de chauffage. On fait donc de la sobriété énergétique. De plus, le renouvellement permet de réduire la transmission des virus.

Je dis tout ceci parce que j'ai des regrets par rapport au passage du projet de conclusions qui dit que la recherche sur la rénovation, l'isolation, la qualité de l'air et le bâti doit être poursuivie et amplifiée. Je ne dis pas qu'il ne faut pas continuer la recherche en matière de qualité d'air, mais on sait déjà beaucoup de choses. Par contre, j'ai réussi à faire inscrire dans la loi climat-résilience la notion de rénovation performante en y incluant la question de la ventilation. J'ai été suivi, le Gouvernement ne s'est pas braqué et on a réussi à donner force de loi à cette notion. J'ai essayé d'aller encore un peu plus loin, mais j'ai senti que c'est un sujet sur lequel on a du mal à travailler.

Je voulais donc simplement attirer votre attention sur le fait qu'il est de la responsabilité de l'Office de continuer à s'intéresser à la qualité de l'air intérieur, dans l'esprit de ses travaux sur le covid. Les considérations scientifiques, technologiques et sanitaires sous-jacentes sont extrêmement importantes, y compris sur les plan scolaire et social.

J'ai déposé en toute fin de législature une proposition de loi, travaillée avec les ministères, qui vise à réduire l'exposition de la population à la pollution de l'air de manière générale, et pas seulement aux émissions de polluants. L'une de ses dispositions consiste à expérimenter un diagnostic de performance de la qualité de l'air intérieur (DPQAI), ciblé dans un premier temps sur le renouvellement de l'air puis éventuellement dans un second temps sur d'autres polluants. L'idée serait d'ouvrir aux collectivités qui le souhaitent la possibilité de l'expérimenter sur des bâtiments publics. Évidemment, le dispositif pourrait être ensuite élargi, un peu comme le DPE. Je m'inquiète d'ailleurs comme vous que le DPE ne soit pas encore très au point. Il faudra évidemment progresser.

Vous préconisez la création de véritables conseillers et je trouve cela très bien, mais ne pourrait-on pas imaginer qu'au-delà de la problématique énergétique, ces conseillers regardent aussi ce qu'est le « bien vivre » dans un logement, en intégrant la qualité de l'intérieur ? Le bien-être n'est pas seulement une question de chaud et de froid mais touche aussi à ce qu'on respire, aux problématiques acoustiques, etc. Je sais qu'il existe des conseillers en environnement intérieur mais je ne sais pas vraiment où on les trouve ni comment on les mobilise. Je crois en tout cas intéressant de se poser la question.

J'insiste sur ce sujet parce que les maladies liées au transport de virus, comme la Covid-19, sont aussi liées au renouvellement et à la qualité de l'air. On sait très bien que, si l'on purifiait l'air dans les salles communes des EHPAD par exemple, on réduirait fortement la transmission de virus comme la grippe ou le coronavirus. Ce serait une belle amélioration.

Je m'intéresse beaucoup à la santé respiratoire de nos concitoyens et je pense qu'être dans un logement ou dans un bâtiment bien isolé d'un point de vue thermique est extrêmement important mais qu'il est tout aussi important d'y respirer un air de qualité. Or cet enjeu est beaucoup moins bien perçu. C'est la raison pour laquelle j'essaie d'être clair. Je cherche à voir si nous ne pouvons pas avoir une approche liant énergie et qualité de l'air intérieur, de manière à ce que la qualité de l'air intérieur soit en quelque sorte « prise dans le wagon » de tout ce qui est amélioration des performances énergétiques des bâtiments. Tout le monde souhaite aujourd'hui aller de plus en plus loin sur ce sujet et je voudrais profiter de ce vecteur pour que les problématiques de qualité de l'air intérieur soient également prises en compte.

Je m'excuse d'avoir été un petit peu long et j'espère ne pas avoir entraîné de baisse significative de concentration psychique, comme peut le faire le CO2. Si vous vous intéressez à ce sujet, vous verrez que c'est passionnant.

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