Intervention de Jean-François Longeot

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 7 décembre 2022 à 10h35
Gestion de la compétence eau par les collectivités territoriales dans un contexte de changement climatique — Audition de Mm. Thierry Burlot président du cercle français de l'eau cfe baptiste julien responsable du pôle eau association amorce bruno forel président et frédéric molossi coprésident de l'association nationale des élus de bassin aneb

Photo de Jean-François LongeotJean-François Longeot, président :

Mes chers collègues, à la demande de plusieurs d'entre vous, notamment d'Hervé Gillé que je salue, nous entamons aujourd'hui un cycle d'auditions consacrées à l'eau, cette ressource si précieuse sans laquelle il n'y a pas de vie.

Pendant longtemps, notre pays s'est bercé de l'illusion que la ressource en eau était illimitée grâce à son climat tempéré, à sa pluviométrie abondante et régulière, ainsi qu'à des aquifères aux effets contracycliques, qui jouent le rôle de masses d'eau de réserve pour répondre aux besoins l'été et se rechargent l'hiver. Ce cycle idéal n'est plus qu'un souvenir. La donne hydrique a changé car l'or bleu est devenu rare. Ce n'est un scoop pour personne : nos concitoyens font l'amère expérience d'épisodes de sécheresse chaque année plus sévères, plus fréquents et plus longs. Plus d'une centaine de communes ont été dans l'incapacité de fournir de l'eau potable à leurs habitants au plus fort de la canicule l'été dernier : c'est une situation inédite qui a marqué les esprits, avec des approvisionnements par camion qui sont le révélateur de la fragilité de nos réseaux et de notre dépendance, souvent oubliée, aux performances des services d'adduction d'eau.

Dans ce contexte, il m'a paru fondamental que la commission s'intéresse à nouveau à ce sujet, à l'aune notamment des évolutions du contexte climatique et hydrologique. La bonne gestion de l'eau est un prérequis essentiel à un contexte social apaisé : la rareté de l'eau peut conduire à des conflits d'usage délicats à résoudre mais, plus grave encore, à des conflits d'usagers, ce qu'il faut à tout prix éviter. Les défis sont devant nous et il est nécessaire de s'y préparer. Nous ne partons naturellement pas d'une feuille blanche, mais il faut que cette feuille, dont les premières lignes ont déjà été tracées, devienne une véritable feuille de route pour assurer la résilience hydrique de la France !

Cette première table ronde est consacrée à la gestion de la compétence dans le domaine de l'eau par les collectivités territoriales dans un contexte de changement climatique. Cela n'étonnera personne, le Sénat étant l'assemblée des territoires.

Pour explorer ce vaste sujet et les nombreuses questions qu'il soulève, nous avons le plaisir d'accueillir :

- Thierry Burlot, président du Cercle français de l'eau (CFE), une association créée en 1990 par notre ancien collègue Jacques Oudin, sénateur de la Vendée. M. Burlot est par ailleurs président du comité de bassin Loire-Bretagne ;

- Bruno Forel, président, et Frédéric Molossi, coprésident, de l'Association nationale des élus de bassin (ANEB) ;

- Baptiste Julien, en visioconférence, responsable du pôle eau de l'association Amorce, un réseau d'information, de partage d'expériences et d'accompagnement des collectivités en matière de transition énergétique et de gestion durable de l'eau.

Qu'elle repose sur une organisation en régie ou une délégation de service public, l'exercice de la compétence « eau et assainissement » est confrontée à des défis nouveaux : raréfaction de la ressource, rénovation de réseaux vieillissants caractérisés par de forts taux de fuite ou tarification aux usagers, un important levier d'investissement que peu d'élus utilisent.

Il y a une forme d'anachronisme à rester sur l'idée que la modicité du prix de l'eau est un indicateur de bonne gestion de la compétence. Dans un avenir proche, il faudra nécessairement débattre de la facture d'eau, le prix étant un puissant vecteur de sobriété pour mettre fin aux gaspillages, à condition que des actions de sensibilisation du grand public soient menées en parallèle.

La voie est cependant étroite : la fourniture d'une eau de qualité à un coût maîtrisé est un enjeu de premier plan pour les services d'eau et les usagers, même si l'idée d'une tarification de l'eau à l'aune des contraintes pesant sur la ressource fait son chemin. J'aimerais vous entendre sur le sujet. Cette question me paraît essentielle pour le petit cycle de l'eau, alors que de nombreux élus locaux déplorent le désengagement relatif des agences de l'eau pour la rénovation des canalisations et des ouvrages de traitement. À ce propos, j'ai récemment publié une tribune, largement cosignée par les parlementaires, appelant à un plan d'urgence nationale eau qui déclinerait, entre autres mesures, un ambitieux programme de rénovation des réseaux.

Notre pays est un bon élève historique en matière de gestion et de traitement de la ressource hydrique, à tel point qu'on parle souvent d'une « école française de l'eau », mais il ne faut pas baisser la garde ni abandonner le soutien financier aux collectivités gestionnaires. Je rappelle que la Commission européenne a saisi la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) d'un recours en manquement le 9 juin 2021, car les conditions de traitement des eaux urbaines résiduaires de 169 agglomérations d'assainissement de 2 000 habitants et plus sont non conformes à la directive européenne. À ce jour, 92 présentent à nouveau des performances conformes aux exigences de la directive, mais 77 sont toujours en cours de mise en conformité. Il y a là un point d'attention sur lequel la commission souhaiterait recueillir votre avis.

J'aimerais également évoquer les réformes à mener pour lever le tabou de la réutilisation des eaux usées. On arrose aujourd'hui les pelouses avec de l'eau potable, les voitures sont lavées avec la même eau que celle qui sert à la cuisson de nos aliments. Comment mettre fin à cette aberration ? Quels sont les freins à desserrer pour avancer sur ce sujet, sans amoindrir la sécurité sanitaire des populations ?

Ce ne sont là que des premières pistes pour engager le dialogue avec la commission. Je ne doute pas que mes collègues sénateurs auront bien d'autres questions à vous poser.

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