Thierry Burlot et moi-même avons été sollicités par le Conseil national de l'eau (CNE) et son président pour coprésider un des groupes de travail dans le cadre du plan « eau », qui devrait faire l'objet d'annonces gouvernementales fin janvier.
Nous avons humblement tenté d'ouvrir le dialogue dans le cadre de nos groupes de travail, l'expérience passée nous ayant quelque peu frustrés. La méthode est en effet toujours la même : il faut aller vite, pas plus de deux à trois réunions de groupe de travail, pour ensuite passer éventuellement à des annonces.
Je ne suis pas de ceux qui pensent qu'un grand nombre de réunions est gage de réussite mais, face aux enjeux que l'on évoque ce matin, savoir donner du temps au temps peut parfois s'avérer utile, en matière d'eau notamment.
C'est pourquoi nous insistons beaucoup auprès de vous. Chacun d'entre vous vit cette réalité à l'échelle de son territoire - conflits d'usage, forages agricoles, retenues collinaires. S'il n'existe pas un document partagé à l'échelle des territoires par l'ensemble des acteurs qui établissent les éléments stratégiques et la planification à moyen et long termes, nous allons être conduits à gérer les uns les autres, au coup par coup, souvent dans l'urgence et les tensions, des sujets dont on connaît par ailleurs globalement les tenants et les aboutissants.
Aujourd'hui, force est de constater que l'ensemble du territoire national n'est pas couvert par ces éléments de planification. Pour nous, il est nécessaire qu'il en soit pourvu.
On a beaucoup parlé de la question du bassin versant, et tout le monde considère que c'est un élément fondamental. Nous le constatons parfois sur nos territoires, la GEMAPI - que nous ne remettons pas en cause -, qui renvoie au bloc communal et que nous approuvons par ailleurs, ne fait pas l'objet d'un dispositif de gouvernance à l'échelle du bassin versant. C'est pourquoi, de notre point de vue, EPAGE et EPTB sont nécessaires pour garantir aux élus locaux et à l'ensemble des parties prenantes une intervention cohérente, planifiée, en soutien aux collectivités territoriales, complétant une intervention en amont et une intervention en aval.
La solidarité est pour nous fondamentale. J'ai présidé l'EPTB Seine Grands Lacs, dont la vocation était de protéger la zone dense francilienne. Quand j'ai pris la présidence de cet établissement, le traumatisme était encore énorme, en particulier du côté de la Marne et de la Haute-Marne, où trois villages ont été rayés de la carte.
J'ai tenu à associer l'ensemble des territoires à la gouvernance, alors que ce n'était pas le cas jusque-là. Depuis, tous les territoires à proximité immédiate participent à la gouvernance. Je suis profondément convaincu que c'est à l'échelle des territoires et des bassins versants que les choses doivent se jouer.
Nous pensons donc très clairement qu'il faut renforcer ou favoriser l'obligation de couvrir le territoire de documents de planification et d'outils de gouvernance à l'échelle du bassin versant, afin de garantir à l'ensemble des collectivités la cohérence de l'intervention et les meilleurs résultats possibles concernant la question du grand cycle de l'eau.
Enfin, j'attire votre attention sur les zones de ruissellement. Chacun fait comme il peut, mais personne ne sait qui doit faire quoi, jusqu'où et à quelle échelle. La question orpheline est celle du soutien d'étiage en période de sécheresse. Elle n'est pas prise en charge dans le cadre de la GEMAPI.
Or chacun le sait - et les scientifiques le disent -, on assistera dans le futur à une intensification des épisodes d'inondation, avec des effets bien plus importants que ceux que nous avons pu connaître. Les derniers exemples en Europe centrale en témoignent : on dépasse parfois les crues centennales, dans un contexte d'urbanisation et de technologie qui nous rend paradoxalement plus vulnérables que nous ne l'étions, même à Paris en 1910, avec, à l'inverse, une intensification des épisodes de sécheresse et la nécessité de prévoir un soutien d'étiage. Ces événements constituent des angles morts qui ne font pas partie de la GEMAPI.