Intervention de Thierry Burlot

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 7 décembre 2022 à 10h35
Gestion de la compétence eau par les collectivités territoriales dans un contexte de changement climatique — Audition de Mm. Thierry Burlot président du cercle français de l'eau cfe baptiste julien responsable du pôle eau association amorce bruno forel président et frédéric molossi coprésident de l'association nationale des élus de bassin aneb

Thierry Burlot, président du Cercle français de l'eau (CFE) :

Je vous invite à vous rapprocher du CFE si cela vous intéresse, car nous essayons de réfléchir collectivement à toutes ces questions, aussi bien avec l'Association des maires de France (AMF), Régions de France, l'Assemblée des communautés de France (AdCF), les entreprises et EDF afin de faire des propositions.

Depuis quelques mois, nous travaillons sur le fait de savoir s'il faut une nouvelle loi sur l'eau. À l'inverse d'Amorce, nous pensons que ce n'est pas souhaitable. Le problème n'est pas de renforcer la réglementation là où le système est plutôt solide, mais de savoir où cela ne va pas et ce que l'on peut améliorer collectivement. Nous ne croyons pas au grand soir.

Je pense qu'une des difficultés vient du fait que l'on ne se comprend pas. Le monde de l'eau ne sait plus parler aux autres politiques. On complexifie les choses. Vous avez parlé de SAGE, de SDAGE, de PTGE, d'EPTB, d'EPAGE. Les gens ne savent pas ce que c'est ! Peut-on parler français ?

Je viens de voter un SDAGE qui fait 10 kilos : personne ne va le lire, et j'ai dit en plaisantant au directeur de l'agence de l'eau qu'il faudrait que nous écrivions un « SDAGE pour les nuls » ! Revenons à des choses simples !

J'ouvre ici une parenthèse : heureusement que nous avions des retenues cet été, alors qu'on disait qu'il n'en fallait surtout pas. Je vais même aller plus loin : attention à EDF et à l'hydroélectricité. C'est un vrai sujet. La mise en concurrence peut détruire un système qui fonctionne aujourd'hui très bien.

Nous avons eu hier une présentation de ce qui s'est passé sur la Durance grâce au soutien d'étiage réalisé par EDF et ses barrages hydroélectriques. Imaginez une mise en concurrence qui viendrait ruiner tous ces efforts...

À Sainte-Soline, le comité de bassin que je préside - 180 personnes - n'a même pas été sollicité. Il faut le faire ! On a mis à feu et à sang un territoire, et le comité de bassin, qui est censé appliquer le SDAGE, n'a même pas été consulté. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas.

Pourquoi ? Chacun travaille dans son coin. Ce qui se passe à Sainte-Soline n'est que le résultat d'un non-dialogue entre territoires. Je suis surpris de voir des gens modérés avoir des positions très fortes sur ce sujet, sans même connaître le fonctionnement d'une retenue. On n'arrive même pas à expliquer ce que l'on va faire.

Sainte-Soline, pas plus que les autres, ne pourra se faire sans un État et des territoires forts. Avez-vous entendu beaucoup d'élus soutenir Sainte-Soline ? Personne n'ose s'impliquer pour la défense de sujets si compliqués.

Par ailleurs, il faut que le projet soit sous contrôle public, faute de quoi il s'agirait d'une forme d'accaparation d'un bien commun. Pour vous dire mon sentiment, je pense que le stockage ne peut passer que par une gestion publique, collective et multiusage.

Le comité de bassin a récemment adopté une motion, que l'État n'a d'ailleurs pas votée, condamnant les violences, appelant au dialogue et disant qu'il fallait travailler ensemble. C'est le b.a.-ba. L'État, membre du comité de bassin, s'est abstenu. C'est incroyable !

Encore une fois, je pense qu'il va falloir partager. Tout le monde va devoir faire des efforts, y compris le consommateur et l'industriel. Il faut des lieux de concertation et des projets collectifs. Cela ne peut se faire qu'avec un État fort, mais aussi des territoires qui se mobilisent.

L'une des dernières conférences du CFE portait sur la question de savoir si les acteurs de l'eau auraient le courage politique de mener à bien les réformes pour garantir le partage de la ressource, éviter les conflits d'usage et assurer la sécurité hydrique des territoires. La question est là. Derrière les questions de quantité, il y a les questions de qualité. Moins on a d'eau, plus elle est dégradée.

J'ai fait le calcul : en Bretagne, on consomme aujourd'hui 240 millions de m3 d'eau. On annonce 4 millions d'habitants en Bretagne. Il nous manque entre 50 et 60 millions de m3 d'eau. C'est la consommation totale du département des Côtes-d'Armor. Or il n'y a pas d'eau souterraine dans le Massif armoricain. Au bout du compte, il faudra stocker de l'eau. Sans eau, on amoindrit le développement économique, la capacité de construire ou de développer les cités, d'épurer, de produire de l'énergie, car la centrale nucléaire, si elle capte l'eau, la rejette aussi. Même si j'ai une différence d'approche avec Amorce, la réponse ne peut être que collective.

Normalement, la règle veut qu'il existe des périmètres de protection de captage autour des forages et que les prélèvements soient sous contrôle, mais cela démontre la faiblesse des dispositifs réglementaires face à l'enjeu.

Quant aux pesticides, je suis d'accord avec vous, mais nous avons en France un système sanitaire qui ne fonctionne pas trop mal. L'eau du robinet est aujourd'hui de très bonne qualité. On finit par l'oublier. Je pense que le débat sur les métabolites a fait très mal à tout le monde.

Cela montre les difficultés que nous pouvons rencontrer entre l'application de la directive-cadre sur l'eau (DCE), les ARS, l'ANSES, les nouvelles normes. On sort des seuils sur lesquels on revient ensuite parce qu'on se rend compte de la difficulté de les mettre en oeuvre mais, entre-temps, on a effrayé le consommateur.

Il faut le dire : l'eau du robinet est une eau de qualité. Les collectivités et les entreprises savent la traiter, et le prix de l'eau est somme toute acceptable.

Chaque foyer fait entrer chaque année chez lui 70 tonnes de ressources naturelles sous forme d'eau. Vous rendez-vous compte de l'énergie que cela représente, tout cela pour 3 ou 4 euros le m3 ? Je crois qu'il ne faut pas oublier ces éléments.

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