Intervention de Thierry Burlot

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 7 décembre 2022 à 10h35
Gestion de la compétence eau par les collectivités territoriales dans un contexte de changement climatique — Audition de Mm. Thierry Burlot président du cercle français de l'eau cfe baptiste julien responsable du pôle eau association amorce bruno forel président et frédéric molossi coprésident de l'association nationale des élus de bassin aneb

Thierry Burlot, président du Cercle français de l'eau (CFE) :

La Bretagne est la première région d'Europe à être entrée dans les contentieux sur les nitrates. Aujourd'hui, cette même région est la première d'Europe à en être sortie. Quand on veut, on peut ! Même en Bretagne, on a réussi à relever le défi !

S'agissant du rendement des réseaux, plus ceux-ci sont longs, notamment à la campagne, moins il y a de tirage, et plus c'est compliqué. On a aujourd'hui des moyens techniques de diagnostic dont on ne disposait pas il y a dix ou quinze ans. On sait repérer les fuites. Il y aura donc un travail à faire, mais il s'agit de renouvellement de canalisations, de patrimoine commun, tâche qui n'a pas été effectuée depuis l'après-guerre.

Les élus et les acteurs locaux ont désormais l'impression que les agences de l'eau financent moins que par le passé. Vous rendez-vous compte du gouffre financier que cela représente ? Le plafond mordant ne suffira pas ! Intègre-t-on dans le prix de l'eau le renouvellement du patrimoine ? Non, évidemment ! À l'époque, lorsqu'on signait des délégations de service public, le renouvellement des canalisations incombait souvent au délégataire, qui s'en exonérait. Cela coûtait trop cher.

On s'est tous voilé la face et on est, aujourd'hui, dans une situation dont il va falloir tenir compte pour déterminer le prix de l'eau. Il faut étudier cela de très près. Il existe en effet des endroits où l'eau était très abondante. On ne s'occupait pas du rendement. En Vendée, par exemple, où le sujet existe depuis des années, les choses sont à présent sérieusement prises en main.

S'agissant du grand cycle et de son financement, je pense qu'il faut qu'on fasse le bilan de tous les dispositifs actuels. Le premier, c'est la GEMAPI. Un territoire comme celui qui a subi la tempête Xynthia doit entretenir 62 kilomètres de digues. Il n'y arrivera pas, alors qu'il existe des territoires très peuplés avec des taxes ridicules ! Il faut donc dresser un bilan de la GEMAPI. Son rendement national est d'environ 280 millions d'euros.

Le deuxième dispositif, c'est le fonds Barnier, qui est en train de disparaître progressivement dans le budget général. C'est un fonds utile, dont il faudrait dresser le bilan. Nous allons avoir de plus en plus d'épisodes extrêmes. Jusqu'à quel montant les assurances vont-elles payer ? La facture de Xynthia a représenté 600 millions d'euros pour l'État. L'État a acheté 626 maisons. À la Roya, la facture s'est élevée à 1 milliard d'euros ! Comment va-t-on financer cela demain ?

Je n'exclus pas des solutions comme celle des REP s'agissant des produits toxiques, mais le grand cycle de l'eau repose sur des solutions fondées sur la nature, la reconstitution des zones humides, le paiement de services environnementaux, toute une gamme d'actions à mettre en oeuvre - et les budgets actuels des agences de l'eau n'y suffiront pas.

Si on veut donner du sens à tout cela, il faut réfléchir au financement plus large du grand cycle de l'eau. Poser uniquement la question des REP, ce serait aborder le sujet d'une mauvaise façon.

Vous avez cependant raison concernant une « loi chapeau ». On ne va pas demander à chaque EPTB et à chaque agence de l'eau d'avoir une fiscalité propre, surtout avec les inégalités territoriales qu'on connaît. Il faut étudier le problème par le haut. C'est dans cet état d'esprit que nous travaillons sur les propositions que le CNE pourrait faire à la ministre en début d'année prochaine. Nous reviendrons d'ailleurs vous voir : le sujet est si central qu'il le mérite bien. Je pense qu'il faut étudier les choses globalement s'agissant de la fiscalité.

La bataille de l'eau peut avoir lieu. Elle a même lieu dans certains endroits. En Loire-Bretagne, c'est la centrale hydroélectrique de Montpezat qui produit de l'eau issue du bassin de la Loire, et qui rejette ces 300 millions de m3 dans le Rhône, via l'Ardèche, pour qui c'est vital.

On nous annonce une baisse de 30 % d'eau d'ici 2050 dans la Loire. Il ne neige plus, et on n'a plus de soutien d'étiage. Valéry Giscard d'Estaing disait que le Massif central était le château d'eau de la France. Ce ne sera bientôt plus le cas.

En Limagne, les agriculteurs et les coopératives agricoles sont très inquiets. C'est leur modèle économique qui est fragilisé à travers tout cela. On a donc intérêt à collectivement porter ces messages, et la collectivité publique dans son ensemble, territoires et État, a intérêt à trouver des consensus. On ne pourra pas faire autrement !

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