Vous m'avez questionné sur le projet de loi, puis vous m'avez posé des questions plus ciblées sur les moyens dont dispose l'ASN, notamment en matière de coercition ou de sanctions liées au nouveau projet nucléaire.
Le projet de loi concerne l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires de type EPR, notamment sur les sites nucléaires existants. Je rejoins la remarque du PDG d'EDF concernant l'extension éventuelle de ce projet à d'autres types de réacteurs, comme les SMR.
Ce texte vise à faciliter les procédures administratives - relatives à l'environnement et à la gestion du droit du sol - dans une phase préliminaire à la construction nucléaire elle-même. Il s'agit de gagner du temps sur les étapes non nucléaires. Ces premières étapes sont essentiellement composées de travaux permettant de préparer le site avant la pose du « premier béton nucléaire », soit le T0 à partir duquel on commence à décompter la durée du projet.
Le projet de loi ne modifiera absolument pas les exigences ni les procédures existantes en matière de sûreté nucléaire pour les nouveaux projets. Les enjeux de sûreté nucléaire sont essentiellement portés par l'autorisation de création de l'installation dont la demande sera instruite par l'ASN, suivant le processus actuel et avec les mêmes étapes de concertation et d'association du public. La délivrance de l'autorisation de création n'est pas sur le chemin critique des projets d'EPR2.
Si ce projet de loi est bien évidemment important, il n'est pas le seul élément qui permette d'accélérer un projet de construction d'installation nucléaire. Je rejoins également la remarque du président d'EDF : il y a un travail commun d'anticipation à réaliser pour pouvoir accélérer la partie industrielle de la construction nucléaire elle-même. Indépendamment des instructions, l'ASN n'attend pas que la demande d'autorisation de création soit déposée pour avancer sur ce projet avec EDF. Nous avons déjà commencé à travailler avec les équipes d'EDF sur une version préliminaire du rapport de sûreté. C'est une pièce essentielle dans le dépôt de la demande d'autorisation de création. Nous le faisons avec l'appui de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) afin d'identifier les points durs.
De la même manière, nous sommes sollicités par Framatome pour travailler sur la qualification des pièces forgées les plus importantes qui permettront la fabrication des cuves ou des générateurs de vapeur, et ce bien en amont de l'autorisation du projet. C'est un risque industriel pris par Framatome, car les délais industriels sont un élément fondamental dans la conduite du projet.
Ce projet de loi ne comporte pas qu'un titre I dont je viens de parler, qui est celui de l'accélération des procédures administratives relatives au droit du sol, mais comporte également un titre II dont l'ASN est à l'origine et qui concerne le parc existant. Il porte sur un point très particulier des dispositions législatives actuelles relatives aux décisions qui sont prises à l'issue des réexamens de sûreté, notamment à partir du quatrième réexamen de sûreté après trente-cinq années de fonctionnement. Il s'agit d'amener leur niveau de sûreté le plus près possible des réacteurs de dernière génération.
Ces améliorations de sûreté ont deux sources essentielles. Elles sont une première source qui vient de l'exploitant lui-même, qui mène le travail et qui propose un certain nombre de modifications pour améliorer la sûreté. Ces modifications doivent actuellement être soumises à enquête publique. Il existe en parallèle une procédure d'adoption par l'ASN de prescriptions techniques complémentaires qui résulte des débats et des discussions techniques que nous avons avec l'exploitant. Mais le droit en vigueur ne définit pas l'articulation entre ces deux procédures. Nous proposons donc, à travers le projet de loi, de corriger et de simplifier le dispositif actuel en reliant l'enquête publique à l'adoption par l'Autorité de sûreté nucléaire des prescriptions techniques complémentaires. Ce dispositif simplifiera le processus actuel et le rendra plus robuste.
Par ailleurs, une deuxième modification du titre II consistera à remplacer une disposition actuelle conduisant à l'arrêt définitif de plein droit d'une installation nucléaire qui n'a pas fonctionné pendant deux ans par un acte positif, éventuellement de fermeture, au regard des enjeux si ce délai est dépassé. La consultation du public se fera sur la base du projet de décret de fermeture. En ce qui concerne l'ASN, il s'agira donc de dispositions d'allégement n'ayant pas d'impact sur les projets de nouveau nucléaire puisqu'elles concernent les installations en service.
Vous m'avez ensuite questionné sur les moyens de coercition et de sanction dont dispose l'ASN. Effectivement, elle dispose d'une palette de pouvoirs à la fois d'injonctions et de sanctions. Ces pouvoirs importants ont été renforcés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), avec une possibilité d'amendes administratives dès lors que nous avons l'accord du comité des sanctions. Ces moyens sont utilisés de manière adaptée au contexte nucléaire, qui est tout à fait différent de celui des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Il y a plusieurs dizaines de milliers d'installations classées, mais il n'y a en revanche que très peu d'exploitants nucléaires. Par ailleurs, les exploitants nucléaires disposent en général d'une forte structure d'ingénierie. Nous sommes aussi dans un dialogue technique permanent avec eux, afin de bien calibrer les dispositions réglementaires ou les prescriptions que nous imposons, ce qui est assez différent dans le domaine des installations classées.
Ces moyens de coercition sont donc mis en oeuvre de manière relativement modeste en nombre lorsqu'on les compare aux installations classées. L'ASN ne fait pas plus d'une dizaine de mises en demeure par an et il n'y a pas eu depuis 2014 d'exigence d'exécution de travaux d'office. La commission des sanctions, depuis sa mise en oeuvre, n'a ainsi jamais été sollicitée puisque nous avons toujours réussi à régler les problèmes en amont.
Je ne pense pas que les projets liés à la relance du nucléaire changent quoi que ce soit à cette situation. Depuis le début du chantier de l'EPR de Flamanville, par exemple, nous n'avons procédé qu'à deux mises en demeure : une pour des raisons de sûreté et une en termes d'inspection du travail.