Intervention de François Jacq

Commission des affaires économiques — Réunion du 14 décembre 2022 à 9h30
Relance du nucléaire — Audition de Mm. Luc Rémont président-directeur général d'edf bernard doroszczuk président de l'autorité de sûreté nucléaire françois jacq administrateur général du commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives thomas veyrenc directeur exécutif du pôle stratégie prospective et évaluation de réseau de transport d'électricité et guillaume dureau président d'orano projets sas directeur innovation - r&d - nucléaire médical

François Jacq, administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives :

Le CEA est un organisme de recherche intégré. Nous nous intéressons à l'énergie nucléaire, mais pas uniquement. Sans empiéter sur ce que dira mon collègue de RTE, il importe de mettre l'accent sur toutes les formes d'énergies décarbonées. Au-delà du nucléaire, nous travaillons aussi sur l'hydrogène, les batteries, les dispositifs de stockage et les réseaux intelligents, à savoir sur tout ce qui permettra un fonctionnement harmonieux du système énergétique dans des évolutions de paradigme. Nous défendons donc une vision intégrée.

Nous sommes par ailleurs un organisme de recherche : nous avons une vision d'ensemble sur toutes les questions nucléaires, de l'amont à l'aval. Cette compétence de recherche tangente l'ingénierie, mais ne va pas jusqu'à elle : nous ne sommes pas non plus des concepteurs de produits industriels.

Comme j'ai eu l'occasion de le souligner, nous ne sommes pas concernés au premier chef par ce projet de loi, je ne prétendrai donc pas juger de sa pertinence juridique. Pour autant, l'intention générale me paraît fondamentale : nous n'avons pas de temps à perdre et il convient d'actionner tous les leviers permettant de raccourcir les processus.

J'en viens au rôle du CEA dans ce process de reprise du nucléaire.

Premier aspect, nous apportons un soutien à la filière et à son développement. Nous disposons ainsi d'un socle de compétences et d'installation, qui constituent les voies de recours lorsque des difficultés surgissent dans l'exploitation industrielle. Nous l'avons fait encore récemment pour un réacteur de type EPR qui n'est pas installé en France, à la satisfaction des uns et des autres. Il s'agit là de notre coeur de métier et nous devons y être attentifs : quand certaines compétences ne servent pas, on dit qu'elles coûtent, mais quand elles manquent, on est bien ennuyé. C'est un message que je martèle d'audition en audition, mais c'est important. En matière d'ingénierie, nombre de difficultés rencontrées sur les projets nucléaires sont liées à un manque d'anticipation : peut-être faut-il instaurer un lien plus solide entre ingénierie et recherche ? Cela vaut pour le parc en fonctionnement comme pour les EPR2 à venir.

Deuxième aspect, nous préparons et nous ouvrons des voies différentes. Je pense, notamment, à tous les petits réacteurs innovants, mais il peut également s'agir du cycle. De ce point de vue, nos activités s'articulent totalement avec celles d'EDF, qui est le chef de file en ce qui concerne les SMR. Je rejoins les propos de M. Luc Rémont : dans les paradigmes énergétiques de demain, cela n'aura aucun sens d'installer ces petits réacteurs sur des sites déjà occupés par des installations nucléaires. Quant aux Advanced Modular Reactors (AMR), il s'agit de projets beaucoup plus futuristes et avancés : nucléaire de quatrième génération, réacteurs nucléaires à sels fondus, etc. Ce sont des projets qui devraient nous permettre de mieux traiter le cycle, à condition que l'on ne fasse pas de réacteur sans le cycle, ce qui est tout de même notre péché majeur en France !

Enfin, par rapport à l'usage du nucléaire, ne restons pas focalisés sur l'électrification et la seule électricité, car nous aurons des besoins en chaleur. Il y aura de la décarbonation de la chaleur qui ne sera pas facile à faire sur un certain nombre de grands process industriels, comme l'a souligné M. Rémont en évoquant la capacité à combiner. Je pense à l'hydrogène, mais pas uniquement. Le chimiste américain Dow Chemical commence, par exemple, à se poser la question de savoir s'il ne va pas installer un réacteur sur un de ses sites industriels pour obtenir la chaleur.

Quant au projet de loi, je ne peux que souscrire modestement aux remarques de M. Rémont : c'est certainement un ingrédient important, mais il va falloir en réunir beaucoup d'autres pour que nous puissions tenir les délais. Installer aussi bien des EPR ou des SMR au milieu de la décennie 2030 constitue des projets ambitieux, il faut le savoir.

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