En complément des propos de M. Guillaume Dureau sur l'approvisionnement en uranium et notre dépendance vis-à-vis de l'étranger, je souhaite rétablir quelques ordres de grandeur sur notre consommation et notre dépendance en uranium. Des dépendances vis-à-vis de l'étranger, nous en aurons toujours, il est illusoire de penser que l'on peut viser l'autarcie. L'essentiel est de cartographier et de savoir gérer ces dépendances, sur des métaux critiques, l'uranium ou autre. Sur l'approvisionnement en uranium, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) précise que, pour le parc mondial actuel, nous disposons de 135 années de stock, éventuellement 90 à 100 années si l'on accroît fortement le parc. Cela fixe l'horizon de temps du cycle et le moment auquel nous aurons besoin de réacteurs d'une autre nature, comme les protons rapides, qui permettrait une meilleure consommation de la matière et de ne plus dépendre de l'approvisionnement en uranium naturel. Cela n'exonère pas de s'en occuper dès maintenant, mais il faut savoir raison garder.
Je passe à la question des déchets. Vous avez raison, il faut faire de la pédagogie sur les déchets. Je suis étonné de ce point de fixation dans le public, alors que le traitement est extrêmement bien géré, avec beaucoup de rigueur, par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). On peut expliquer aux citoyens assez facilement que le risque lié aux déchets doit être relativisé. Il en va de même avec les questions liées à Cigéo. Ce centre a des flexibilités, des inventaires permettant de traiter les marges. Ce sujet n'est pas figé, il y aura toujours de la production de déchets, mais le fait d'avoir prouvé une faisabilité, d'en avoir évalué la sûreté nous met sur la voie du traitement des déchets. Ce point ne m'inquiète pas outre mesure.
Sur les formations, un chercheur, c'est cinq ans de formation : la thèse et le post-doctorat. Donc, ne rêvons pas : il ne sera pas évident de faire des milliers de recrutements. En revanche, le fait d'avoir une perspective, de l'innovation nous permet d'attirer les jeunes.
J'en viens aux annonces du DOE de mardi dernier. Il s'agit de fusion par confinement inertiel. Ce sont des lasers ; rien à voir avec la voie d'Iter. Le National Ignition Facility (NIF), au Lawrence Livermore National Laboratory, correspond, plus ou moins, en France, au programme Laser Mégajoule de la direction des applications militaires : il s'agit d'une installation permettant de conduire des expériences de simulation quand on ne peut plus faire d'essais d'armes nucléaires. Le NIF a obtenu un stade dit de break even : la quantité d'énergie renvoyée par une microbille de tritium deutérium a été supérieure à l'énergie envoyée. Cela ne veut pas dire que le processus est producteur d'énergie parce que, si l'on intègre toute l'énergie consommée, tout au long de la chaîne, ce n'est pas globalement positif. Ce n'est que comparé à l'énergie qui arrive sur la sphère que la production est positive. C'est une magnifique réalisation toutefois et nous en aurons des échos du côté de la direction des applications militaires, car le projet Laser Mégajoule est tout aussi excellent et devrait produire le même genre d'effets.
Je termine avec la voie dite par confinement magnétique. Il s'agit non de faire des microcibles avec des lasers, mais d'étudier des processus ayant vocation à devenir industriels plus rapidement. Il s'agit de confinement par des aimants - on rapproche les particules - dans un tokamak. Vous me demandez quand le projet Iter, ou son successeur, produira de l'énergie de fusion. Selon moi, au cours de la deuxième moitié de ce siècle, au plus tôt. M. Bernard Bigot était plus optimiste, j'ai une pensée émue pour lui, mais, pour ma part, je pense que ce sera à la fin du siècle.