Mais je le dis. C'est un des sujets sur lesquels nous devons travailler. J'ai commencé à le faire, mais je ne suis là que depuis trois semaines, il me faut encore un peu de temps pour faire évoluer les règles de marché dans cette voie, de concert avec les autorités gouvernementales et communautaires.
Du reste, cela peut ne pas suffire. Il y a d'autres industries énergétiques qui ne trouvent pas leur financement complet au travers de leurs ventes ; ils recourent donc au soutien public, comme les énergies renouvelables, mais également les centrales à gaz. Le fait d'avoir un modèle économique qui soit le plus proche possible du coût complet peut ne pas suffire dans le dispositif de financement, auquel cas, il faudra définir un dispositif qui permette de le compléter, par des garanties ou par des financements publics, comme cela existe dans d'autres pays.
Nous avons d'ailleurs récemment conclu un accord sur le projet Sizewell, avec un dispositif de financement accompagné par les autorités britanniques. C'est l'ensemble de ce dispositif qu'il nous faudra élaborer, mais il nous reste un peu de temps puisque nous sommes à plus d'une année de la décision finale d'investissement.
Quelles réformes de marché faut-il prévoir ? Le marché d'aujourd'hui a des qualités : il permet notamment l'équilibre de court terme. Mais il a aussi des défauts, mis en lumière par la situation de crise énergétique à l'échelle européenne. Tout d'abord, le couplage gaz-électricité induit une hyper volatilité des prix de l'électricité. Ensuite, dans la mesure où le marché est orienté vers le court terme, il ne donne pas de signal d'investissement et il ne permet pas d'établir un équilibre de long terme entre des producteurs et des clients finaux. Il revient aux autorités gouvernementales de définir les règles de marché à l'échelle communautaire - je sais que le gouvernement français y travaille très activement. Il faudrait, selon moi, mettre davantage l'accent sur la faculté de conclure des contrats de long terme à la place d'une régulation qui oblige l'exploitant nucléaire à vendre sa production à un prix fixé de façon administrative. C'est sur cet axe-là qu'il faudrait, à mon sens, forger les futures règles de marché.
Je ne reviens pas sur Cigéo, largement évoqué par François Jacq, ni sur le risque géopolitique puisque Guillaume Dureau vous a répondu. J'ajoute simplement que la stratégie d'approvisionnement d'EDF repose très fortement sur une collaboration étroite avec Orano, mais pas uniquement. Nous avons aussi une stratégie de contrats de long terme et de sources diversifiées d'approvisionnement afin de limiter nos risques, comme le ferait n'importe quel industriel.
M. Michau m'a demandé combien de réacteurs seraient à l'arrêt début 2023. Aujourd'hui, quinze réacteurs sont en arrêt pour travaux, dont huit en arrêt programmé au titre des visites décennales et des visites périodiques. Six réacteurs sont encore en travaux dans le cadre de la corrosion sous contrainte. Ces travaux vont se poursuivre dans les semaines et les mois qui viennent, même si nous essayons de faire le plus vite possible. Par ailleurs, le réacteur de Flamanville 1 fait encore l'objet de contrôles dans le cadre de la corrosion sous contrainte. En janvier, la vie du parc va continuer : un certain nombre de réacteurs vont être rattrapés par les besoins qu'il s'agisse de rechargement de combustible, de visites périodiques, de visites décennales, etc. Je ne suis donc pas en train de vous dire que nous allons raccorder tous les réacteurs au fur et à mesure. L'objectif est simplement d'atteindre en janvier une disponibilité de 45 gigawatts.
Vous m'avez questionné sur la sobriété. Le prix de l'électricité est certes un élément déterminant pour les clients, mais tous, selon leur catégorie, n'ont pas la même réaction face à l'augmentation des prix. Pour autant, les particuliers ont suivi de façon assez remarquable les différents appels à la sobriété qui ont été lancés. Ils ont ainsi massivement contribué au fait que nous soyons aujourd'hui en situation d'équilibre. S'agissant des entreprises, je suis extrêmement sensible - je l'avais déjà précisé lors de mon audition - à l'impact qu'ont les prix sur certaines d'entre elles. Nous avons exécuté le plus vite possible les dispositions décidées par le Gouvernement pour mettre en place des amortisseurs sur les prix. Quoi qu'il en soit, la logique de sobriété devra être respectée tout l'hiver même si nous sommes en train de discuter de règles de marché pour calmer la volatilité des prix.
Pour ce qui concerne EDF, si nous étions autorisés à conclure avec la plupart de nos clients des contrats de long terme compatibles avec le coût complet du renouvellement de notre parc, nous serions très en dessous des prix du marché actuel. Mais il faudrait que les règles de marché nous le permettent, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
En réponse à M. Salmon, je reprends à mon compte les propos de M. Bernard Doroszczuk sur les conclusions tirées de Taishan. J'ajoute que pour la partie combustible et assemblage, nous en avons tiré les conséquences dès Flamanville 3. Pour l'EPR2, cela se fera directement sur le circuit hydraulique.
En ce qui concerne l'aval et la saturation des piscines de La Hague, je souscris à la réponse de M. Guillaume Dureau. Nous travaillons main dans la main avec l'ASN et Orano pour trouver une solution. J'ajoute que je me suis rendu dès ma prise de fonction auprès des élus de la Manche pour discuter avec eux de ce sujet, après avoir visité Flamanville 3.
Mme Gacquerre a soulevé la question des modalités de financement. Il va falloir me laisser encore un peu de temps, mais je prends l'engagement de revenir devant vous dès qu'un dispositif sera complètement instruit. Sur la gestion des déchets, je partage les propos de mes collègues : il s'agit effectivement d'un élément clé de l'ensemble du cycle. L'économie du futur du nucléaire devra absolument intégrer l'aval du cycle. En ce qui concerne les démantèlements, neuf réacteurs sont en cours de démantèlement. Je ne peux pas vous confirmer le chiffre que vous citez de 400 millions d'euros par réacteur, car EDF révise régulièrement ses coûts. Nous commençons à démanteler les premiers réacteurs à eau pressurisée. Nous pouvons aussi tirer les leçons de ces premiers démantèlements pour optimiser les procédures et amener l'exercice au bon niveau de maîtrise industrielle.
J'espère avoir répondu à la question de savoir qui allait payer, posée par M. Gay. L'attractivité de la filière nucléaire est un sujet absolument essentiel. Pour m'être beaucoup déplacé sur le terrain, je ne suis pas inquiet en termes de qualité des compétences. Nous avons en revanche un problème de quantité, car la filière n'a pas construit depuis longtemps de façon industrielle. Notre pays s'est également un petit peu contracté sur les métiers techniques en général. Par ailleurs, nous allons avoir besoin de beaucoup de main-d'oeuvre. C'est le cas temporairement aujourd'hui à cause de la corrosion sous contrainte, mais ce sera aussi le cas demain où nous devrons cumuler à la fois la construction neuve et les travaux de maintenance du parc, qui sont aussi compliqués à mettre en oeuvre que la construction neuve. Nos besoins vont donc croître massivement, même par rapport à ce que nous avons connu lors de la construction neuve du premier parc. L'effet démographique se fera sentir sur tous les métiers techniques lesquels sont tous d'égale importance. Voilà ce qui nous attend pour les deux prochaines décennies. Nous le prenons comme un plan industriel, nous allons continuer à engager des initiatives. L'école des métiers, par exemple, que certains ont évoquée, est un concept dans lequel je crois.
Enfin, nous sommes un grand pays, mais notre population n'est pas non plus infinie. Lorsqu'EDF continue de faire des projets à l'étranger, c'est aussi pour étendre notre bassin d'emplois, notamment au moment des pics. Nous n'allons pas avoir affaire à un plateau uniforme pendant vingt ans et nous aurons besoin, sur des périodes limitées, à toutes les compétences possibles.
Mme Noël m'a demandé comment remplir les besoins énergétiques d'ici à l'arrivée des nouveaux réacteurs. Nous avons d'autres investissements que le nucléaire, comme l'a précisé Thomas Veyrenc. Peu importe de savoir quel sera modèle le plus exact à vingt ans, car si l'on procède ainsi on est sûr de se tromper ! Ce qui compte, c'est d'avoir une carte des possibilités, comme le propose RTE. À nous d'apprendre à naviguer au sein de cette carte en fonction de ce que nous parviendrons à faire dans toutes les technologies. Ma seule certitude à ce stade, compte tenu des besoins de décarbonation, c'est qu'il nous faut faire tout ce que nous pouvons le plus vite possible. Toutes les technologies n'ont pas le même temps. Le temps du nucléaire est le plus long, d'où l'objet de votre projet de loi qui permet de le comprimer le plus possible pour la partie autorisations et préchantiers. Nous essayons d'en faire autant pour la partie chantiers, mises en service, etc.
J'ai répondu à la question de Mme Loisier sur notre dépendance aux compétences étrangères. En ce qui concerne la qualité de la filière sous-traitance, ma réponse sur les compétences au sein d'EDF vaut pour toute la filière. Nous avons une filière de qualité, le problème porte plutôt, encore une fois, sur la quantité si nous voulons être capables de répondre aux enjeux d'avenir.
M. Chauvet a obtenu de mes collègues une réponse assez précise sur l'arrivée de nouvelles technologies. J'y crois moi-même beaucoup. Je viens d'une entreprise de technologie, il ne faut surtout pas que nous sous-estimions ce que la technologie peut continuer de nous apporter. François Jacq a parlé de stockage, de nouveaux types de réacteurs, de gestion intelligente des réseaux : ce sont autant d'éléments clés sur lesquels nous travaillons main dans la main avec le CEA.