Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Commission des affaires économiques — Réunion du 11 janvier 2023 à 8h00
Projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes — Audition de Mme Agnès Pannier-runacher ministre de la transition énergétique

Agnès Pannier-Runacher, ministre :

Vous me demandez comment diviser le coût des nouvelles centrales par deux. Nous proposons avant tout de tenir les coûts, en évitant les dérapages dans le temps et en profitant des effets de standardisation qui opèrent dans toute l'industrie.

Je vous rappelle, en outre, qu'il s'agit d'investissements. Les réacteurs que nous allons construire ont vocation à produire de l'électricité de manière suffisamment compétitive pour rapporter de l'argent et couvrir leurs coûts. L'enjeu de ce sujet concerne avant tout la structuration du financement. Si nous proposons des contrats à 100 euros le mégawattheure (MWh), les entreprises s'en saisiront car cet investissement répond à une demande d'électricité.

La question de la régulation introduit toutefois un élément de complexité : selon la vision de la Commission européenne, les infrastructures doivent être accessibles à des concurrents et nous ne pouvons donc pas disposer d'une seule entité assurant à la fois la production et la distribution. Ce point pose question. Nous pouvons entendre la nécessité de la concurrence, mais nous sommes attachés à confier à EDF les moyens de bénéficier de la meilleure performance industrielle, et donc de la meilleure capacité à piloter les différents moyens de production, sans être contraint de les mettre à disposition de concurrents.

Le délai de quinze ans est le maximum prévu dans la loi au dépôt du dossier. Si nous pouvons faire mieux, nous ferons mieux ! Reste que, selon EDF, la durée individuelle de construction d'un réacteur est bien celle-ci. S'il est possible de la compresser, nous accompagnerons bien sûr le mouvement. Pour autant, attention à ne pas commencer la mise en oeuvre avant d'avoir terminé le design. C'est là un des péchés originels de Flamanville, et cela induit des risques de dérive et de hiatus qui peuvent provoquer des dérapages. Il convient donc de ne pas confondre vitesse et précipitation. Les nouvelles technologies permettront-elles d'accélérer le processus ? C'est une question qu'il faut poser à la filière elle-même et qui relèvera de la compétence du délégué interministériel au nouveau nucléaire, M. Joël Barre.

Pour ce qui concerne les ressources humaines, depuis 2020, 200 millions d'euros ont été consacrés à la formation dans toute la filière. Le programme nucléaire recouvre 10 % des capacités de formation d'ingénieurs, alors même que la demande de compétences de ce niveau concerne tous les secteurs. Notre ambition est donc forte, avec deux enjeux : disposer de l'appareil de formation et attirer les talents. Nous constatons d'ailleurs une surdemande dans les sections d'ingénieurs, mais ce n'est pas encore le cas s'agissant des techniciens et des opérateurs. Nous y travaillons : c'est un des axes du contrat stratégique de filière de 2019.

Vous évoquez la fusion ; c'est en effet une très bonne nouvelle, mais il s'agit d'un résultat obtenu en laboratoire. Le passage à l'industrie peut prendre de très nombreuses années, comme le démontre le projet de l'Iter (réacteur thermonucléaire expérimental international) qui devrait aboutir à une application industrielle à la fin du XXIe siècle.

Monsieur le sénateur Montaugé, vous m'interrogez sur une baisse de la puissance installée. Les réacteurs actuels ont été prévus pour fonctionner durant quarante ans ; certains réacteurs ont maintenant atteint cinquante ans, et ils ont tous passé cette étape avec succès. C'est une bonne nouvelle. Lorsqu'ils atteindront soixante ans, l'ASN décidera de manière entièrement indépendante s'ils peuvent continuer à fonctionner. Notre travail consiste à préparer son inspection de manière à ce que celle-ci se déroule dans les meilleures conditions. Nous devons donc préserver le capital installé, assurer de bonnes conditions de maintenance et éviter les dérives en termes d'usure sur les pièces essentielles. Le problème de « corrosion sous contrainte » des tuyaux est ennuyeux, mais il se règle par un remplacement de la pièce concernée ; en revanche, si un problème touchait une cuve nucléaire, c'est toute l'installation qui serait en cause. Notre objectif est donc que les pièces critiques, non remplaçables, passent le cap des soixante ans. Pour autant, cela ne relève pas de la décision politique. La volonté politique est de faire durer le plus possible le parc installé, dans les limites des exigences de la physique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion